Elle relie la brise marine, les notes de musique et le monde à travers un festival

1753336139555 Chine-Info Lydia WANG

« Quand elle a joué du guzheng, il y a les oiseaux qui viennent et qui tournent au-dessus parce qu'ils aiment ce qu'elle joue. » — Du 5 au 12 juillet, la jeune musicienne chinoise Zhang Xiaobo a été invitée à participer au Cap Ferret Music Festival, en France. Cette rencontre interculturelle a été rendue possible grâce aux efforts constants d’Hélène Berger, fondatrice et directrice artistique du festival, qui œuvre depuis des années à promouvoir les échanges internationaux — faisant de la musique un pont entre les cultures, un vecteur de paix dans le monde.

Fonder un festival : une plateforme d’échange international en parfaite harmonie avec la nature

Le Cap Ferret est une étroite presqu’île située dans le département de la Gironde, en région Nouvelle-Aquitaine, au sud-ouest de la France. Tel une faucille effilée, elle s’étire entre l’océan Atlantique déchaîné et les eaux calmes et azurées du bassin d’Arcachon. Destination estivale prisée par les Bordelais et les Parisiens, elle est surtout, pour Hélène Berger, un lieu où la musique entre en résonance parfaite avec la nature.

Hélène Berger. 

«À chaque fois que je voyais ces paysages, cela m'inspirait des très belles musiques. Donc, quand je regardais vers Arcachon au lever de la lune, je me disais que ce serait beau d'avoir le concerto de Mozart. » Issue d’une famille de musiciens, Hélène a parcouru la France durant son enfance avant de poser ses valises au Cap Ferret. Cette péninsule, longue de 23 kilomètres, est bordée d'une côte sauvage avec des dunes ondulantes, des pins majestueux et des plages dorées, entourée par une mer tantôt calme, tantôt déchaînée. Pour elle, c'est une source inépuisable d'inspiration musicale.

« C'est un endroit où même si on ne pratique pas de philosophie, de religion, de spiritualité, où la nature est tellement puissante qu'elle oblige à une certaine méditation et écoute intérieure et écoute des éléments.»

Animée par cette conviction, elle décide de créer son propre festival au Cap Ferret — pour offrir au plus grand nombre l’expérience unique d’une osmose entre musique et nature.

Cap Ferret Music Festival.

Pourtant, l’ambition d’Hélène ne s’arrête pas là. Elle rêve de faire de son festival une véritable plateforme internationale, ouverte à la diversité et à l’échange. Cette vision lui vient d’un choc culturel vécu lors de sa première tournée en Asie.

À l’époque, alors qu’elle se produisait au Japon, l’orchestre lui tend une partition réduite à une simple grille d’accords — une pratique courante dans le jazz (note de l’éditeur) — et lui demande d’improviser. Habituée aux partitions classiques, Hélène se retrouve désemparée. « Tout le monde me regardait en disant : “Comment tu ne sais même pas faire trois accords en Jazz et tu joues du Chopin? ” » Formée dès l’enfance auprès de grands maîtres, louée en France comme une pianiste d’avenir, elle garde encore un souvenir cuisant de ce qu’elle appelle une « leçon d’humilité ».

Cette expérience lui a ouvert les yeux sur le cloisonnement de l’enseignement musical en France — trop ancré dans la tradition classique — et a renforcé sa volonté d’y introduire les pratiques musicales du monde entier.

En tant que pédagogue passionnée, Hélène conçoit le Cap Ferret Music Festival selon un modèle double : à la fois concert et académie. Il s’agit non seulement d’une scène de concerts de haut niveau international, mais aussi d’un lieu de transmission — avec des master class pour les grands élèves, des ateliers découvertes pour les enfants, et des représentations dédiées aux jeunes talents. Un espace où l’art s’exprime et se transmet, où les artistes s’épanouissent autant que les élèves apprennent.

Dès son tout premier concert, le festival a affiché ses ambitions et son exigence artistique. Le 9 juillet 2011, Hélène y interprète, aux côtés du grand pianiste français François-René Duchâble, la redoutable Concerto pathétique de Liszt — plus de 30 pages de virtuosité — ainsi que des œuvres complexes de Ravel. Ce programme inaugural pose les fondations d’une scène sérieuse, exigeante, et résolument internationale.

Cap Ferret Music Festival.

Depuis, cela fait quinze ans que des musiciens de renom montent sur scène, portés par le respect de cette vision artistique. Chaque été, le festival attire des milliers de passionnés venus découvrir une musique vibrante, exigeante et partagée.

Inviter des artistes chinois sur scène : « Dans sa musique, j’ai entendu une créativité sans frontières »

Parmi les souvenirs les plus émouvants de ses quinze années à la tête du Cap Ferret Music Festival, Hélène cite sans hésiter le concert d’ouverture de cette année, interprété par la joueuse de guzheng chinoise Zhang Xiaobo.

Elle a découvert cette artiste en 2024, alors qu’elle siégeait au jury de l’Osaka International Music Competition — un poste qu’elle occupe depuis dix ans. Habituée à voir défiler des musiciens au talent remarquable, Hélène a été saisie par le charisme rare de Zhang Xiaobo : une présence « extraordinaire, qui irradie de l’intérieur ».

Zhang Xiaobo au Cap Ferret Music Festival.

« J’étais émerveillée, et encore plus quand elle a joué : elle possède une virtuosité fabuleuse, une expression totale, elle joue avec tout son être, tout son corps, complètement investie. »

Hélène perçoit dans son jeu un enracinement profond dans la tradition musicale chinoise, enrichi par des influences venues d’ailleurs — parfois celtiques, parfois andalouses.

« Chez Xiaobo, j’ai entendu une créativité extraordinaire, sans frontières, nourrie par la connaissance du répertoire et de l’histoire de son pays, faisant d’elle une grande héritière de la culture, de la spiritualité chinoise, mais aussi ouverte philosophiquement et spirituellement. »

Ce qui touche encore davantage Hélène, c’est que cette jeune virtuose du guzheng est aussi doctorante en sociologie, dotée d’une pensée large et d’un véritable univers spirituel.

« Son jeu n’est pas une démonstration de virtuosité ; il traduit sa compréhension du monde et sa sensibilité envers l’humanité. »

Voilà précisément l’essence que Hélène souhaite insuffler au Cap Ferret Music Festival : faire circuler les idées, tomber les frontières et partager la connaissance.

Zhang Xiaobo au Cap Ferret Music Festival.

Le succès de Zhang Xiaobo pendant le festival est venu confirmer l’intuition d’Hélène. Lors du concert d’ouverture, elle interprète, aux côtés d’une pianiste française d’origine japonaise, le Voyage vers la terre natale (Gu xiang xing), un concerto pour guzheng et piano du compositeur chinois Wang Tianyi. Tandis que les feux d’artifice illuminent le ciel en arrière-plan, les 5 000 spectateurs explosent en applaudissements.

Au fil du festival, Zhang partage la scène avec des flûtistes françaises et une harpiste américaine pour interpréter des classiques chinois comme Jasmine (Mo Li Hua) et La Rivière Liuyang (Liu yang he), mais aussi l’incontournable Sicilienne de Gabriel Fauré. Devant la baie en forme de coquillage, dont les eaux ondulent doucement, la scène prend une allure de rêve.

Dans la chapelle de l'herbe, elle donne un récital de guzheng d’une heure.

« Beaucoup de spectateurs connaissaient déjà la musique, la littérature ou l’histoire de la Chine. Ils sont venus exprès pour écouter Zhang Xiaobo. Certains m’ont dit : “Merci, merci d'amener cette musique ici.” »

En réalité, la venue de Zhang Xiaobo n’est pas un hasard. Depuis quinze ans, Hélène veille à intégrer les instruments traditionnels chinois — erhu, flûte en bambou, guzheng — à sa grande mosaïque de musiques du monde.

Hélène Berger avec Zhang Xiaobo.

« À l’avenir, je continuerai d’inviter les artistes chinois qui me touchent profondément. Un jour, j’espère même pouvoir accueillir un orchestre complet de musique traditionnelle chinoise. »

Jamais elle ne s’inquiète de la capacité du public français à comprendre des instruments venus d’ailleurs. Bien au contraire, elle introduit chaque année un nouvel instrument sur scène.

« L’accordéon a mis quarante ans à passer du statut de “piano des pauvres” à celui de fierté nationale en France. Le sitar a mis soixante ans pour faire entendre l’Inde au monde. Donc peut-être que le guzheng, dans vingt ans, les gens diront que c’est fantastique. En tout cas, moi, j’y travaillerai. »

« Une grande musique est universelle. Pour moi, il n’y a pas de vraie différence entre les musiques ; s’il en existe, c’est uniquement à cause d’un manque d’ouverture. »

Hélène voit dans la diversité musicale mondiale des différences de systèmes, non de valeur. Et grâce à l’ère numérique, ces distances s’amenuisent de jour en jour.

« Un festival comme celui du Cap Ferret permet une rencontre authentique avec d’autres cultures —découvrir en vrai une artiste extraordinaire qui joue du guzheng, c’est une expérience directe, vécue, irremplaçable. Ce sont ces échanges-là qui comptent le plus. »

Préserver une oasis de paix : faire de la musique une messagère de concorde

Tout au long de l’entretien, un mot revient souvent dans la bouche d’Hélène : « relier ».

Cap Ferret Music Festival 2025 rassemble des artistes de 11 pays.

Pour elle, c’est là que réside la mission profonde de la musique — relier la brise marine aux notes, relier l’humain au divin, relier les âmes par-delà les langues.

Le festival qu’elle a fondé poursuit cette même vocation : faire se rencontrer des musiciens de cultures et de générations différentes ; faire dialoguer les répertoires classiques et contemporains ; rassembler les instruments traditionnels venus des quatre coins du monde, et créer une résonance entre les cœurs.

Dieu a brouillé les langues au sommet de la tour de Babel, mais les humains ont retrouvé un langage commun grâce à la musique.

« Les mots peuvent diviser, mais la musique permet de se comprendre », affirme Hélène. Depuis sa création, le Cap Ferret Music Festival s’en tient à un principe clair : aucune place pour la politique ni pour les conflits. Peu importe d’où viennent les artistes, peu importe leurs opinions —

« Au moins, ils sont dans un endroit où on est tous pour la musique et pour cette rencontre. »

Cette conviction du “lien” se reflète aussi dans ses trois grands rêves pour l’avenir : créer une base de données mondiale de jeunes compositeurs émergents afin de faire circuler leurs œuvres dans les concours internationaux ; inviter chaque année un grand orchestre pour faire résonner la symphonie avec les vagues ; et faire du Cap Ferret un véritable “lieu de pèlerinage musical”, un endroit où l’on sache que l’on peut rencontrer les maîtres de demain.

Son souhait le plus immédiat ? Obtenir un soutien financier pérenne, pour que ce projet n’ait plus à s’inquiéter des “six pence” et puisse toujours viser la lune.

Zhang Xiaobo se produit en collaboration avec une harpiste américaine.

Mais pour l’instant, au moins cette année, des musiciens venus de onze pays peuvent encore se retrouver sans barrières au Cap Ferret : ils jouent ensemble, partagent leurs histoires, puisent de l’inspiration. Certains viennent de zones en guerre, d’autres luttent pour gagner leur vie, mais au moins, “ D'abord, passer un bon moment dans un cadre paradisiaque, avec un bon verre de vin, des huîtres”.

Dans cette nature vaste et pure, Hélène et son festival s’efforcent d’utiliser un langage éternel : faire de chaque note un pont qui dépasse les clivages. Et cette terre imprégnée de musique continuera d’être témoin de résonances toujours plus “sans frontières”.

Article: Lydia WANG

Photos: Laurent Wangermez©CapFerretMusicFestival2025

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