
BRICS : élargir les perspectives
Depuis plus de deux décennies, l’acronyme BRIC, représentant le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine, fait son écho dans le monde. Avec l’inclusion de l’Afrique du Sud en 2010, cet acronyme a évolué pour devenir les BRICS. Considéré comme un symbole de l’ascension en masse des économies émergentes et des progrès dynamiques des pays en développement, le mécanisme de coopération des BRICS a acquis une importance considérable sur la scène internationale.
Du 22 au 24 août, Johannesburg en Afrique du Sud, qui détient actuellement la présidence tournante, a accueilli le 15e Sommet des BRICS. L’Afrique du Sud a élargi le champ d’invitation aux dirigeants de tous les pays africains pour participer à cette réunion cruciale. Cette initiative devrait non seulement renforcer le statut des BRICS en tant que figures de proue des économies émergentes, mais aussi solidifier leur position et leur identité en tant que représentants des pays en développement.
Émergence d’un nouveau groupement
Initialement envisagés comme une idée d’investissement financier, les BRICS se sont transformés en un mécanisme international d’une influence considérable. Le concept de BRIC a été introduit pour la première fois dans un article intitulé The World Needs Better Economic BRICs en novembre 2001. Cet article, rédigé par Jim O’Neill, alors économiste en chef chez Goldman Sachs, avait pour objectif de caractériser les économies émergentes du Brésil, de la Russie, de l’Inde et de la Chine. La vision de M. O’Neill pour ces quatre pays, dont la croissance rapide et le potentiel de développement exceptionnel ont marqué l’économie mondiale, a fait sensation sur les marchés financiers internationaux. En octobre 2003, Goldman Sachs a publié un autre article, Dreaming with BRICs : The Path to 2050, prédisant que les économies des BRIC deviendraient une force majeure dans l’économie mondiale d’ici 2050. Un rapport ultérieur en décembre 2005, intitulé How Solid Are the BRICs, a continué à alimenter l’engouement pour ce concept.
En septembre 2006, un jalon important a été franchi lorsque les ministres des Affaires étrangères du Brésil, de la Russie, de l’Inde et de la Chine se sont réunis pour la première fois en marge de l’Assemblée générale des Nations unies. Cette rencontre a servi de plateforme pour discuter des positions respectives de leurs pays et a souligné le besoin d’une coopération plus étroite dans divers domaines sous l’égide de l’ONU. C’est ainsi qu’un mécanisme de coopération internationale entre ces quatre économies émergentes a progressivement vu le jour, hissant le concept de BRIC sur la scène politique internationale.
La coopération entre les économies des BRIC s’est intensifiée durant la crise financière mondiale de 2008. Pour atténuer les effets dévastateurs de la crise, ces quatre pays ont travaillé de concert pour trouver des solutions à une série de problèmes, renforçant ainsi leur confiance mutuelle. Ils ont également coordonné leurs actions et politiques pour pousser à une réforme du système financier mondial, visant à améliorer le pouvoir décisionnel des pays en développement au sein des principales institutions financières multilatérales.
Des réunions ministérielles aux sommets
Les dirigeants des pays BRIC se sont rassemblés à Ekaterinbourg, en Russie, le 16 juin 2009, pour tenir officiellement le 1er Sommet des BRIC. Ce tournant a marqué une nouvelle phase de développement dans la coopération institutionnalisée des pays BRIC. Ces dirigeants ont non seulement officialisé la création du mécanisme de coopération des BRIC, mais ils ont également abordé des enjeux tels que la crise financière mondiale, la réforme des institutions financières internationales, les résultats du Sommet du G20, la sécurité alimentaire et énergétique, le changement climatique, et l’évolution future du mécanisme des BRIC pour favoriser la réforme des institutions financières internationales et développer la coopération économique, commerciale et financière entre les économies émergentes.
La transition de rencontres ministérielles à des sommets de haut niveau a démontré l’aspect politique et stratégique de la coopération BRIC, élargissant considérablement le champ de la coopération entre les économies émergentes et les pays en développement, et impulsant vigoureusement la réforme du système de gouvernance mondiale. Les pays BRIC ont initié le processus d’institutionnalisation des mécanismes de coopération et ont mis en place progressivement plusieurs mécanismes de coopération, notamment des rencontres de hauts représentants pour les questions de sécurité, des réunions de ministres des Affaires étrangères, et des réunions informelles pour renforcer la coordination des positions sur les questions internationales. Ces pays ont également instauré des rencontres entre ministres des Finances et gouverneurs de banques centrales dans le cadre du G20 pour stimuler la réforme du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, et augmenter la coordination et la coopération dans les politiques budgétaire, financière et monétaire.
Les sommets des BRICS ont constamment joué un rôle déterminant dans l’orientation et la gestion de la coopération. Depuis la première rencontre en 2009, les dirigeants des BRICS ont tenu 14 réunions annuelles consécutives. Même durant la pandémie de COVID-19, les BRICS ont maintenu leurs sommets en ligne pendant trois années de suite. Le prochain sommet en Afrique du Sud continuera non seulement à insuffler confiance en la collaboration, mais fournira également des plans concrets et des orientations stratégiques pour renforcer la coopération entre les pays en développement.
En tant que mécanisme de coopération multilatérale comprenant uniquement des économies émergentes, les BRICS incarnent une nouvelle force politique et économique. Au cours des 18 dernières années, les pays BRICS, guidés par des principes de paix et de développement, se sont engagés à défendre les intérêts des pays émergents et en développement, et à orienter l’économie mondiale vers plus d’ouverture. Dans un monde multipolaire, complexe et turbulent, où l’interdépendance prévaut, les BRICS ont maintenu leur position fondamentale et se sont de plus en plus coordonnés sur les grands enjeux politiques et économiques mondiaux.
Enjeux et stratégies
Le contexte international dynamique a engendré des bouleversements significatifs dans l’environnement externe des BRICS. Face à un éventail de défis, ces économies nécessitent une collaboration plus efficace pour parer aux menaces externes. Elles doivent introduire des ajustements et des réformes pour améliorer la coordination interne et promouvoir un développement durable.
Tout d’abord, les BRICS sont aux prises avec des défis économiques majeurs. La lenteur de la reprise économique mondiale, couplée à l’instabilité régionale, entrave la capacité de l’économie mondiale à retrouver sa vigueur et sa résilience. Les BRICS ont été touchés par les conséquences négatives des politiques des pays développés et par la résurgence du protectionnisme, ce qui a conduit à un ralentissement de leur croissance économique. Ces obstacles économiques limitent considérablement la coopération, affaiblissant le lien qui unit ces États.
En outre, les transformations socio-économiques au sein des États membres ont influencé leur perception de la coopération BRICS, au point de menacer les institutions au sein du mécanisme. Les BRICS, ayant une influence significative tant régionale que mondiale, sont chargés de maintenir un équilibre entre les politiques nationales et internationales. Face à la pression exercée par les succès des BRICS dans la réforme de la gouvernance mondiale, les acteurs dominants du système international ont employé diverses stratégies pour tenter de diviser les BRICS et entraver leur coopération, ébranlant la confiance de certains membres dans la coopération interne.
Puis, les BRICS doivent définir plus précisément la direction de leur future coopération. Après presque deux décennies de développement, les BRICS ont encouragé la collaboration dans de nombreux domaines, tels que la gouvernance mondiale, en mettant l’accent sur les domaines monétaire, financier et numérique. Face à ces évolutions, les BRICS doivent se conformer aux tendances mondiales de la globalisation économique, de la multipolarisation, de la numérisation et de la diversité culturelle, chercher de nouveaux consensus et définir de nouvelles priorités de coopération.
Mais encore, un remaniement global du mécanisme de coopération des BRICS est une nécessité urgente. La coopération BRICS demeure un mécanisme international informel, aux prises avec des problèmes de redondance de fonctions et de manque de coopération pratique. Comment réorganiser et intégrer les mécanismes de coopération des BRICS, clarifier la répartition des tâches, ajuster les relations, réaliser la coordination et la coopération, et améliorer l’efficacité opérationnelle ? Ce sont des questions pressantes à résoudre dans la nouvelle phase de la coopération BRICS. Sinon, les BRICS risquent de souffrir d’un fonctionnement inefficace, ce qui aurait des répercussions sur leur unité.
De surcroît, les BRICS sont confrontés à la question de savoir comment réaliser un nouveau cycle d’expansion. Après que de nombreux pays en développement ont exprimé leur intérêt pour l’adhésion aux BRICS, garantir une expansion ordonnée, progressive et saine des BRICS, renforcer leur influence et promouvoir la coopération Sud-Sud sans compromettre la stabilité du mécanisme de coopération sont des tâches urgentes à ce stade.
Les BRICS continueront de briller
Les BRICS ont toujours été intimement liés à la gouvernance mondiale. L’émergence du concept de BRIC en 2001 est le fruit direct de la mondialisation économique. En 2006, ils ont initié un processus de coopération qui représente également la plateforme la plus influente de gouvernance mondiale aux Nations unies. L’impératif de combattre la crise financière mondiale a directement favorisé l’élévation du niveau de coopération des BRICS d’une réunion ministérielle à un sommet des chefs d’État. Au fil des deux dernières décennies, les BRICS ont activement promu des changements constructifs au sein du système de gouvernance mondiale.
Les BRICS s’attachent à chercher un terrain d’entente tout en mettant de côté les divergences. Par le biais de dialogues, ils ont créé des partenariats de coopération mutuellement bénéfiques, favorisant ainsi l’édification d’une communauté de destin. Respectant le principe d’égalité, ils mettent l’accent sur la communication et la coordination, prenant des décisions par consensus. Cela revêt une importance cruciale dans la construction d’un nouveau type de relation entre les grandes nations, caractérisée par une coopération mutuellement bénéfique.
Les BRICS adhèrent à la notion de développement, continuent de construire une plateforme essentielle pour la coopération Sud-Sud et représentent les intérêts des économies émergentes et des pays en développement sur la scène internationale. Ceci renforce non seulement le partenariat stratégique des BRICS, mais favorise aussi la création d’un partenariat mondial pour le développement.
Au cours des deux dernières décennies, les BRICS sont passés du concept à la réalité. Guidés par leurs termes de référence, les BRICS intensifient leur coopération et normalisent les institutions de coopération à tous les niveaux, rendant la collaboration plus efficace, pragmatique et productive. Ils favorisent ainsi la transformation du système de gouvernance mondiale, apportant de nouvelles contributions à la consolidation de la paix et de la stabilité globales et à la promotion d’un développement commun pour tous les pays.
*WANG LEI est directeur du Centre d’études sur la coopération BRICS de l'Université normale de Beijing.
Photo © Xinhua
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