De la banque… au cinéma

1708482914232 La Chine au présent NOËL GARINO

  La cérémonie d’ouverture du 9e Festival du cinéma franco-chinois à Paris, le 3 juin 2019 

Avant 1994, comme beaucoup, je ne connaissais pas grand-chose de la Chine. Je me souviens avoir découvert Shanghai dès l’enfance à la lecture des aventures de Tintin dans Le Lotus Bleu. Dans les années 1990, j’étais alors chargé d’affaires dans le département Export Finance d’une grande banque. Celle-ci occupait alors une place prépondérante dans le financement des exportations de biens d’équipement français vers la Chine, suite notamment à la mise en place d’un crédit pour la construction de la centrale nucléaire de Daya Bay (Guangdong). En 1994, cette banque a obtenu de nouveau la direction du financement de la centrale de Lingao (Guangdong). Ces deux projets étaient à l’époque les plus importants crédits à l’exportation en termes de montants jamais mis en place en France. Je suis entré dans l’équipe en charge de cet important projet pour rédiger la documentation financière et juridique relative aux financements de cette nouvelle centrale.

C’est à cette époque que le cinéma chinois est venu très indirectement s’immiscer dans mon travail quotidien. Un jeune stagiaire canadien avait été recruté pour m’assister, qui n’était autre que le petit-fils de Hu Die, immense actrice de cinéma de Shanghai dans les années 1930. À cette époque, je n’avais pas la moindre idée de qui pouvait bien être Hu Die.

L’année 1995 a été une année de travail intense, mais inoubliable, avec la découverte d’un monde passionnant qui m’était précédemment totalement inconnu. Les négociations avec la partie chinoise m’ont donné l’occasion d’observer et d’apprendre. Je me souviens que la cérémonie officielle de signature des contrats a été impressionnante, en présence du premier ministre chinois de l’époque.

Nous avons également aidé de nombreuses entreprises françaises à trouver des partenaires locaux afin de créer des joint-ventures en Chine et travailler sur d’autres projets. La rédaction de la documentation et la négociation du financement des turbines du barrage des Trois Gorges a ainsi été une autre aventure passionnante pendant plus d’une année. Je ne mentionne évidemment pas toutes les transactions négociées et signées pendant cette période. Je ne peux cependant pas omettre le financement de la ligne 3 du métro de Shanghai qui m’a enfin donné l’occasion de découvrir cette mégapole qui m’avait tant fascinée lors de mes lectures d’enfant.

Noël Garino 

Ma rencontre avec le cinéma chinois

Depuis toujours, je suis un cinéphile passionné et je connais bien l’ensemble de la cinématographie mondiale. Or c’est à Shanghai, au début des années 2000, que j’ai vraiment pu concilier ma passion pour le cinéma et la Chine. Tout d’abord le SIFF (Shanghai International Film Festival), aujourd’hui l’un des plus important festival de cinéma d’Asie de l’Est, n’avait alors connu que cinq ou six éditions. Sa direction m’a contacté, sollicitant mon aide pour la sélection de films européens.

C’est également à cette époque que le cinéma chinois a commencé à devenir une véritable industrie cinématographique. Je situe ce virage avec la production du film Hero de Zhang Yimou, sorti sur les écrans en 2003. Témoin de la naissance de cette industrie, j’étais déjà persuadé qu’elle deviendrait ultérieurement un concurrent redoutable à la prédominance du cinéma américain sur le continent asiatique. Alors qu’en général, les spécialistes du cinéma chinois s’intéressent avant tout à l’aspect historique ou artistique, en tant que banquier, j’étais avant tout passionné par son économie et notamment par les évolutions du marché.

Je ne m’étais pas trompé, sachant que le cinéma chinois fait non seulement désormais quasiment jeu égal avec son homologue américain en ce qui concerne la qualité technique, mais le marché chinois est également devenu le plus important de la planète. Les blockbusters « made in Hollywood » ne font plus recette en Chine. Ainsi en 2023, 84 % des films à l’affiche étaient chinois, alors que tous les films américains importants étaient pourtant distribués.

Faire connaître le cinéma chinois en France

Lors de la création du Festival du cinéma chinois en France (FCCF) en 2011, qui est l’équivalent du Panorama du cinéma français en Chine organisé chaque année par Unifrance, sa direction m’a demandé de rejoindre l’équipe en charge de la sélection des films, de leur marketing et de l’organisation logistique dans les différentes villes.

Le FCCF est un festival événementiel qui se déroule dans une dizaine de grandes villes en présence de nombreux invités d’honneur des deux pays. Ce rendez-vous, organisé par le Centre culturel de Chine à Paris et initié avec le concours du groupe Pathé, a pour objectif de permettre au public français de découvrir la richesse et la diversité du cinéma chinois d’aujourd’hui avec la présentation d’une dizaine de films très récents, tous inédits en France et tous sortis dans les salles. Il vise à permettre aux spectateurs français d’apprécier les productions chinoises, et ainsi de mieux connaître le pays et sa culture. Ces films englobent tous les styles et tous les genres. En 2014, le FCCF a été primé par l’Administration chinoise en charge du cinéma qui l’a désigné « meilleur festival de cinéma chinois à l’étranger ». La 10e édition du FCCF se déroulera en 2024.

Aujourd’hui la banque, c’est le passé, mais le cinéma chinois est toujours présent dans mon quotidien. Jusqu’à la pandémie, je continuais à me rendre très régulièrement en Chine. Je conseille de nombreuses sociétés de distribution de films dans les deux pays et suis également l’auteur d’une lettre d’information économique bimensuelle consacrée exclusivement au 7e art chinois et destinée aux professionnels. En outre, j’effectue régulièrement des missions pour l’Agence pour le développement régional du cinéma et envisage même de créer une petite structure de distribution.

*NOËL GARINO est délégué artistique et technique chez Festival du cinéma chinois en France.

Photos © La Chine au présent

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