L’exposition de Rosemary Taleb Rivière ou l'art de chiner la Chine

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Exposée à la galerie parisienne Iconoclastes, Rosemary Taleb Rivière, dessinatrice et auteure du livre La Chine au bout des doigts, présente ses œuvres inspirées de ses quatre voyages en Chine. Entre le spirituel et le populaire se dévoilent les mille et un visages d’un pays continent. Rendez-vous à partir du 14 octobre.

Résumé visuel premier voyage 2013 ©Rosemary Taleb Rivière

Pour les Occidentaux, se trouver un nom chinois est tout un art. Entre la fidélité phonétique, la beauté propre à l'alliance des caractères chinois et les idées que ces derniers véhiculent, il faut faire un choix. Ou pas. En témoigne 若溪 Ruoxi, le nom chinois de Rosemary Taleb Rivière, qui fait preuve d'une belle harmonie autant sur la forme que sur le fond. Si ruoxi tire son origine phonétique de Rosy, surnom de Rosemary, il fait également référence au deuxième nom de famille de l’artiste, Rivière, parce que ruoxi signifie « comme un ruisseau » en chinois. Le comble de l'histoire est que la personne qui a sinisé le nom de l’artiste Française ignorait pourtant son deuxième nom de famille. Nous pouvons même faire de cette anecdote savoureuse une métonymie de la passion chinoise de la jeune femme : le hasard est parfois fois plus fort que la raison.

Portrait de Rosemary Taleb Rivière

« Je ne peux pas vous dire quand j’ai commencé officiellement à dessiner. Par contre, pour la découverte de la culture chinoise, je peux le dire précisément », glisse Rosemary Taleb Rivière, souriante, face à nous dans le salon de thé de la Maison de la Chine à Paris. Le dessin et la Chine forment un drôle de binôme dans sa vie. Pour l’exposition tenue du 14 au 21 octobre à la Iconoclastes Galerie, elle n’a pas choisi de nom ni de thème officiel. « À travers mes dessins je voulais rendre hommage à la culture chinoise et tous ces gens que j’ai rencontrés et qui m’ont accueillie à bras ouvert », dit-elle humblement. La beauté chinoise sera mise à l’honneur. Une évidence donc.

Détail de la grande fresque « Le peuple dragon » scooter de Jianshui. (Exclusif de l’exposition) ©Rosemary Taleb Rivière

Au premier abord, ce lien d’affection tissé entre la dessinatrice française et l’empire du Milieu ne paraît pas si évident. Née en 1995 à Suresnes de parents franco-libanais, Rosemary Taleb Rivière a rêvé de devenir graphiste pour jeux vidéo avant de bifurquer vers la mode (elle est aujourd’hui modéliste dans une maison de mode). C’est à l’École du Louvre qu’elle a découvert l’art et l’archéologie chinois : les dragons, les bronzes, les mythologies chinoises et la dynastie Song (entre 960 et 1279), infiniment lettrée et poétique, animée par un formidable foisonnement intellectuel… Ce fut une révélation.

Série de grès blancs portraits d’une rencontre à Lanzhou ©Rosemary Taleb Rivière

À la fin de sa première année scolaire en 2013, elle fait un voyages dans le pays de son rêve où l’artiste découvre une part de réalité qui correspondait aux fantasmes qu’elle se faisait du pays. « Aussitôt revenue en France, je voulais repartir en Chine. » Trois ans plus tard, elle y retourne seule, à deux reprises, durant un mois pour chaque séjour. En 2019, elle effectue son dernier voyage en Chine avant la crise sanitaire et publie son livre La Chine au bout des doigts (Éditions Elytis, 2020). Un livre, ou plutôt un manifeste, qui expose sous son pinceau, sa vision, son vécu et ses rencontres, en chair et en os, grâce à la découverte de l’esthétique chinoise. « J’en avais assez de devoir justifier ma passion pour la Chine », explique celle qui se considère « un peu vieux jeu », fascinée autant par l’art médiéval chinois que par celui de l’Occident. C’est sans doute François Cheng, académicien d’origine chinoise, qui lui a fait le plus beau retour du livre : « Il y cette généreuse empathie qui émane de vous qui vous a permis de capter l'âme d'un peuple. » L’Occidentale qui avait peur de se faire passer pour une voyageuse en quête d’exotisme était aux anges.

Série faïence rouge paysage de Zhangjiajie ©Rosemary Taleb Rivière

Plus qu’une destination touristique, la Chine lui a offert également un voyage initiatique et fondateur dans sa vie d’artiste. En essayant de mettre en page un carnet glané sur place, elle réussit à préciser son style. Au feutre noir, ses œuvres, souvent en petit format, sont peuplées d’un fourmillement de détails époustouflants. L’artiste a une prédilection pour les papiers vieillis et crafts pour donner un rendu artisanal. La matière fait d’ailleurs échos aux sujets de ses œuvres : des scènes de vie quotidienne aussi réalistes que vivantes, des portraits d’inconnus empreints de réalisme, des constructions et des paysages des plus remarquables du voyage.

Détail de la grande fresque « Le peuple dragon », regard croisé à Pingyao (Exclusif de l’exposition) ©Rosemary Taleb Rivière

Les dessins de Rosemary Taleb Rivière sont frappants de précision et audacieux dans sa manière de composer les pages mettant en parallèle le religieux traditionnel et le quotidien moderne, deux ambiances chinoises qui se confrontent sans cesse mais qui font un tout assez harmonieux. Elle joue avec la profondeur des champs en créant des scènes improbables. Comme illustré dans son carnet de voyage au format rouleau : sur fond d’un temple solennel, un homme mange debout son bol de nouilles ; dans le même temps, il fait face, sur le premier plan, à une statue de démon avec la bouche ouverte.

Triptyque détail rouleau N°1 culture ©Rosemary Taleb Rivière

En plus des dessins originaux de son carnet de voyage en Chine, Rosemary Taleb Rivière expose également une série inspirée du musée Guimet, un triptyque intitulé Peuple, Nature et Culture, et un grand format composé de huit grandes feuilles intitulé Peuple dragon. Sans cesse en quête de nouvelles expériences artistiques, elle a également réalisé 14 vases en collaboration avec la céramiste Colette Billy qui réside dans le village en Haute-Savoie où l’artiste a passé son enfance. Un autre signe de la providence ?


Exposition de Rosemary Taleb Rivière

Du 14 au 21 octobre 2021

Vernissage : vendredi le 15 octobre (19H)

Iconoclastes Galerie

20 rue Danielle Casanova

75002 Paris

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