Entre idéal et illusion, un jardin chinois au domaine de Chaumont-sur-Loire

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Sélectionné par la 30e édition du Festival international des jardins de Chaumont-sur-Loire, « Un jardin d’illusion », conçu par trois jeunes architectes chinois, nous invite cet été dans un voyage hors de l’espace et du temps.

Installer un jardin chinois près du château de Chaumont-Sur-Loire, idéal ou illusion ? Peut-être les deux, car un jardin chinois est en soi un cosmos miniature dans lequel on cherche à recréer l’image d’une nature idéale, grâce à l'adaptation à l'environnement et l'emprunt à d'autres paysages. D’autant plus que « Un jardin d’illusion », conçu avec soins par les trois architectes chinois Liu Xiangcheng, Zhang Yiyang et Guo Xiaoxi, est un bel exemple d’harmonie esthétique et symbolique, aussi bien sur la forme que sur le fond. Sélectionné par la 30e édition du Festival international des jardins de Chaumont-sur-Loire, ayant pour thème cette année le « jardin idéal », ce petit bijou chinois, aussi original que délicat, nous invite cet été dans un voyage hors de l’espace et du temps.

Symbole de la culture de la Chine du sud, le jardin est un art à part entière, entretenant des liens étroits avec les arts sacrés chinois tels que la peinture, la poésie et la calligraphie. Inspiré justement des Huit vues des rivières Xiao et Xiang, un type de peintures chinoises mondialement connu, « Un jardin d’illusion », composé de trois pistes circulaires de tailles décroissantes, marque les esprits par une structure extérieure ajourée qui porte la silhouette d’une montagne chinoise. Dans la représentation traditionnelle de l’espace dans la peinture chinoise, la méthode des Trois Lointains, théorisée par le peintre Guo Xi de la dynastie Song, est essentielle. Pour lui, nous contemplons les montagnes par les perspectives de sanyuan, ou Trois lointains : gaoyuan (lointain de hauteur), shenyuan (lointain de profondeur) et pingyuan (lointain d'horizon). Les trois architectes chinois emploient cette dernière en utilisant la perspective triple pingyuan, marque de fabrique des peintures Huit vues des rivières Xiao et Xiang, en dessinant les contours montagneuses par des filets de cordes.

Sur la piste au milieu se tiennent des bambous (symbole des lettrés chinois dans leur souplesse et intégrité), qui protègent les passagers des rayons brûlant du soleil et du brouhaha de la vie. Au cœur du jardin, on découvre un vraisemblable « étang » où sont juchées des pierres reflétant au soleil comme de l’eau. Entre montagne, eau, bambou et pierre, les visiteurs s’y promènent comme s’ils traversaient un paysage ressemblant à celui des peintures shanshui. Si ce jardin chinois nous propose une formidable promenade immersive et créative en clair-obscure garantie, l'ambition de ses créateurs ne s'arrête pas là. Marqués par leur double culture sino-européenne, ils tentent également de faire de leur jardin un trait d’union entre l’empire du Milieu et le Vieux Continent. La notion « le Ciel et l'Homme ne font qu'un », prônée par le taoïsme, n’est-elle pas une interprétation chinoise de l’écologie ou encore du concept de résilience, très répandu dans les univers urbain et architectural en Occident ?

En effet, même en amont du projet, les architectes ont veillé à trouver le parfait compromis entre culture, société, politique, économie et écologie. Pour le montant de 12 427 euros, le jardin a été fabriqué par des matériaux écologiques dont 95 % sont recyclables. De plus, les riverains ont été invités à donner leurs avis lors de l’installation du jardin. Selon Liu Xiangcheng, architecte chef du projet, la participation des riverains dans la conduite des projets installés dans l’espace public pourrait sans doute inspirer de pareilles installations dans les grandes métropoles chinoises telles que Shanghai, où il a fondé son agence Illimité Architectes, afin de créer plus d’attachement et d’intégration des habitants pour leur quartier. « Un jardin d’illusion », certes, mais véritable porteur d’espoirs.

Liu Xiangcheng, architecte, urbaniste. Il a fondé l’agence Illimité Architectes à Shanghai en 2018, et a ouvert un bureau à Paris, en 2021.

Zhang Yiyang, paysagiste – architecte formée à l’Université Tongji de Shanghai puis à l’ENSA Paris Belleville a évolué en tant que chargée de projet au sein de plusieurs agences parisiennes.

Guo Xiaoxi, architecte. Master en architecture de l'Université de Tongji, master en architecture de l'Université de Pavie, Italie, doctorante en architecture de l'Université de Tongji.

Plus aller plus loin :

Festival International des Jardins (21 avril - 6 novembre 2022)


https://domaine-chaumont.fr/fr/accueil 

Photos © Liu Xiangcheng

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