
[Portrait] WAN YANG - Exposition « 目 Chine - Une nouvelle génération d’artistes » - Centre Pompidou, Paris (jusqu’au 3 février 2025)
Au nombre de 21, ce sont des hommes ou des femmes aux trajectoires très individualisées. Au contraire des générations précédentes, peu d’entre eux sont rattachés au système des beaux-arts de leur pays. Ils n’enseignent pas. En revanche, ils sont issus de régions très différentes et le tiers d’entre eux ont une carrière d’artiste à l’international et vivent parfois même à l’étranger. Nous proposons une série de dix portraits. Wan Yang est le sixième d’entre eux.
Wan Yang est un artiste qui ne cesse de questionner les supports qui nous entourent (écrans d’ordinateur, éléments diaphanes de couvertures plastiques…) afin de renouveler les aspects techniques de sa peinture. Illusionnisme parfait dans le traitement des surfaces, son œuvre intitulée Forget me nots (2003) simule la reproduction de structures métalliques ondulées, les rainures en bois d’un châssis en une série d’acryliques sur papier dont l’irisation peut évoquer la « neige » ou le « bruit blanc » d’une télévision, et dont les dégradés échappent le plus souvent à la perception humaine. Wan Yang renoue avec une tradition chinoise, celle du bapo. Initiée au XIXe siècle, elle visait moins à tromper visuellement qu’à susciter la curiosité en fonctionnant à la manière d’un rébus. Elle reposait alors sur une ambiguïté : tout en présentant des formes illusionnistes, elle nous rappelait en même temps que les objets décrits n’étaient pas réels en les coupant par le bord et en apposant des inscriptions et des sceaux qui annulaient l’effet de trompe-l’œil. En définitive, le fond était pensé comme un écran, celui de la feuille de papier. Pour Wan Yang cependant, pas de rébus mais un agencement de signes qui rappellera à l’initié la peinture aux signes, beaucoup plus lisibles quant à eux, peints à la fin des années quatre-vingt-dix par un Ding Yi ou encore, le souvenir, beaucoup plus lointain, des premières écritures chinoises que sont les jiaguwen.
Que Wan Yang veuille élaborer sa propre grammaire ne fait aucun doute.
Surtout lorsqu’il s’agit d’inventer des dispositifs qu’il
nomme « colour boxes » ou « paint boxes » qui
consistent à obtenir par impression 3D des grilles en résine permettant la
réalisation d’huiles sur toile inspirées ou tendant à reproduire des partitions
musicales comme celles dédiées à Jean-Sébastien Bach que l’artiste a appelé BWV
565. Il y a là pour Wan Yang un désir de distanciation revendiquée dans le
rendu d’une œuvre où l’art du pinceau s’affranchit des impressions tactiles
laissées par l’usage du pinceau. Wan Yang fait de la peinture cette
« chose mentale » dont parlaient les Anciens. Une chose mentale
ouverte sur un univers intérieur longtemps mûri par une pratique initiée à
l’Institut des Beaux-Arts du Sichuan, et qu’il poursuit désormais à plus de
quarante ans depuis sa nouvelle résidence à Shanghai.
Exposition « 目 Chine - Une nouvelle génération d’artistes »
Jusqu’au 3 février 2025
Ouvert tous les jours de 11 h à 21 h à l’exception du mardi
Photo du haut : Vue de l’exposition © Centre Pompidou, Mnam-Cci, Audrey Laurans.
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