
Cui Jie - « Exposition 目 - Une nouvelle génération d’artistes » Centre Pompidou, Paris (jusqu’au 3 février 2025)
Dans cette exposition, la première depuis « Alors la Chine ? » (2003), et réalisée cette fois-ci avec le concours de West Bund Museum Shanghai Project, le visiteur peut découvrir des œuvres conçues par une nouvelle génération d’artistes.
Au nombre de 21, ce sont des hommes ou des femmes aux trajectoires très individualisées. Au contraire des générations précédentes, peu d’entre eux sont rattachés au système des beaux-arts de leur pays. Ils n’enseignent pas. En revanche, ils sont issus de régions très différentes et le tiers d’entre eux ont une carrière d’artiste à l’international et vivent parfois même à l’étranger. Nous proposons une série de dix portraits. Cui Jie - est la neuvième d’entre eux.
Ce qui frappe chez cette artiste formée à la China Academy of Arts, c’est sa maîtrise de la peinture et les interactions produites avec l’univers architectural dont elle s’inspire. Rien ne lui est étranger : que ce soit le style métaboliste des gratte-ciels tokyoïtes, le gigantisme réaliste-socialiste des monuments les plus emblématiques construits à Beijing autour de la place Tiananmen, durant les années maoïstes ou le réemploi d’anciens motifs et matériaux comme ceux du site bouddhiste de Dunhuang. Cette seconde vie donnée aux images et aux objets est une préoccupation qu’elle partage avec d’autres membres du Leo Xu Projects, un centre artistique expérimental basé au cœur de l’ancienne concession française de Shanghai, auquel appartient également le cinéaste Liu Chuang. Sa technique peut évoquer le collage par une juxtaposition d’images empruntées tantôt à l’architecte Rem Koolhaas tantôt aux peintres Robert Delaunay ou Fernand Léger mais aussi à la statuaire des années heureuses du communisme qui exaltaient l’abnégation et la foi des pionniers prompts à bâtir une société nouvelle comme le symbolise encore dans la mémoire et de la Russie et de la Chine L’Ouvrier et la kolkhozienne, célèbre groupe sculptural réalisé par Vera Ignatievna Moukhina, et que l’on vit au sommet du pavillon soviétique à l’exposition universelle de Paris en 1937. Dans l’univers de Cui Jie, les symboles animaliers sont également nombreux, et tout particulièrement les girafes dont la hauteur peut être, selon elle, comparée aux taux de croissance de son pays. Dans Porcelain Giraffes and China Insurance Tower 2, on voit deux de ces animaux exotiques s’enlacer. Protègent-ils de leur hauteur de vue ce temple du capitalisme international ou le menacent-ils au contraire de leur paradoxale fragilité ? C’est de cette dialectique que se nourrit la peinture de l’artiste, et avec elle, une référence constante et non moins ambivalente à la nature. Feuillages et espaces arborés nous rappellent son attachement au monde des jardins, à leur luxuriance. Comme si des mégapoles telles Shanghai ou Beijing pouvaient à terme devenir de véritables jungles. Enfer ou paradis ? L’artiste n'en dit rien mais il faut croire que cette extraordinaire fraîcheur qui transpire à travers ses toiles soit un appel à la réalisation de nouvelles utopies. Et l’histoire de la Chine, on le sait, en est particulièrement riche.
Exposition « 目 - Une nouvelle génération d’artistes »
Jusqu’au 3 février 2025 - Centre Pompidou, Paris
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