Les voitures électriques chinoises arrivent ! Mais que pèsent-elles sur le marché européen ?
Les voitures électriques chinoises sont de plus en plus présentes sur les marchés européen et français. Certains s'inquiètent de cette concurrence, d'autres s'en réjouissent, pensant profiter de bonnes affaires. Mais que pèsent-elles face aux marques européennes du secteur ? Si celles-ci restent pour l’instant mieux positionnées, il ne faut pas oublier que la voiture électrique peine toujours à convaincre. Autant de défis que les constructeurs chinois devront relever.
L’explosion des chiffres de vente le prouve, les voitures électriques se vendent de mieux en mieux. Désormais il est même possible de s’équiper de véhicules chinois qui pourraient n’avoir rien à envier aux marques nationales. Prix, autonomie, possibilités de rechargement... Ce mois-ci, Le 9 est parti voir quelles sont les spécificités de ces voitures de plus en plus nombreuses sur nos routes. Qu’il s’agisse de nouvelles startups, de grands constructeurs historiques ou encore de partenariats noués entre ceux-ci et des marques occidentales, la Chine développe son industrie et met le paquet pour tenter de trouver sa place dans le marché européen. Mais il est encore trop tôt pour juger du pari chinois. La percée des voitures électriques chinoises pourrait en effet rester limitée pour deux raisons : la solide concurrence européenne, mais aussi les difficultés qui persistent dans l’utilisation des voitures électriques en général.
Le passage à l’électrique, une opportunité pour les constructeurs chinois
La Covid-19 a rebattu les cartes en faisant plonger les ventes de voitures durant les restrictions sanitaires. Les consommateurs ont retardé leurs décisions d’achat pendant la pandémie, et depuis, s’orientent de plus en plus vers les voitures à énergie nouvelle. Une tendance qui prouve l’essor d’une forte conscience écologique, poussant les institutions européennes à prendre une décision très importante : l’interdiction de la vente de voitures thermiques à partir de 2035. L’écologie n’est pas le seul argument dans cette petite révolution, l’explosion du coût de la vie, en particulier du coût du carburant, y pousse aussi. Il devient de plus en plus intéressant de passer à l’électrique, en tout cas si l’on s’en tient au coût du kWh par km, qui reste globalement avantageux par rapport aux voitures thermiques.
Une transition amorcée qui s’observe aussi au niveau des exportations de voitures électriques depuis la Chine : selon le média Caijing, en 2021, les exportations de véhicules électriques depuis l’empire du Milieu ont doublé en glissement annuel, pour atteindre environ 550 000 unités. 40 % ont été vendues sur le marché européen. Il faut toutefois garder en tête que cette forte croissance des ventes s’explique surtout par le fait que presque personne n’avait de voitures électriques il y a encore quelques années.
La Chine vend donc de plus en plus de voitures électriques en Europe, mais il s’agit surtout de... modèles produits par le géant américain Tesla ! Selon le China Newsweek, la « Gigafactory » de Tesla à Shanghai a livré 163 000 Tesla Model 3 et Model X à l’Europe, soit plus de la moitié des voitures électriques exportées de la Chine vers le vieux continent. Les marques chinoises ont donc un long chemin à parcourir. Pour conquérir le marché européen, les constructeurs chinois adoptent donc une double stratégie : l’achat d’une image de marque, adaptée au marché local, par la prise de participations au capital des marques occidentales, mais aussi la production de pièces sur place, comme les batteries. Aujourd’hui, plusieurs marques chinoises ont déjà commencé à vendre sur le marché européen, sinon français.
En un rapide tour d’horizon, nous nous sommes intéressés à 7 voitures électriques chinoises, déjà disponibles en France ou qui le seront prochainement. Leur point commun : des modèles 5 places, qui affichent des performances, prix et caractéristiques similaires à ceux présents dans le classement des meilleures ventes en France au premier semestre 2022. Parmi celles-ci, citons la Peugeot e-208, la Dacia Spring, la Renault Zoé et la Tesla Model 3. Nous avons éliminé les voitures chinoises très haut de gamme, les « concept-cars » ou les petits gabarits, sans préjuger toutefois de leurs atouts respectifs.
La Ora Cat
© Evnerd, CC BY-SA 4.0 via Wikimedia Commons
Cette voiture qui semble être un croisement entre une Porsche et une Mini fera partie des modèles chinois présentés au Salon de l’Auto de Paris en octobre. Entièrement conçue par la marque chinoise Great Wall Motors, elle n’a pas encore été annoncée pour la vente en Europe, mais devrait faire son entrée au Royaume-Uni dès cet automne. Elle pourrait donc un jour débarquer en France. Équipée d’une batterie de 48 kWh pour une autonomie annoncée (WLTP) de 310 km, elle consomme 15 kWh pour 100 km. Elle est en revanche assez lourde : 2 tonnes pour une longueur de 4,24 m. Elle pourrait être vendue aux alentours de 42 000 € sans bonus.
La BYD Han
© compte Facebook de BYD
Alors que la plupart des constructeurs se lancent dans les SUV ou les crossover urbains, BYD fait ici le pari d’une berline 5 portes, qui ressemble tout de même beaucoup à la Peugeot 508... Ses capacités sont là aussi tout à fait honorables : 500 km d’autonomie annoncée, avec une batterie de 64,8 kWh, soit une efficacité de 13 kWh pour 100 km. Produite depuis janvier 2020, la BYD Han est également en vente en Norvège et n’est pas encore commercialisée en France. Longue de 4,97 m, lourde de 2 tonnes, son prix se situe aux environs de 45 000 €, hors bonus.
La BYD Tang
© compte Facebook de BYD
BYD est la marque qui a le plus d’avance sur ses concurrents chinois. Elle se situe à la deuxième place au classement des plus gros vendeurs de voitures électriques au monde en 2021, derrière Tesla et devant Volkswagen. Elle produit déjà des bus et des batteries électriques à Beauvais, dans l’Oise. L’un de ses modèles phares est le Tang : un crossover dont le gabarit est proche d’un BMW X5. Le BYD Tang électrique est en vente en Norvège depuis juin 2021, et si la marque n’a pour l’instant pas annoncé de vente en France, elle sera présente au prochain salon de l’automobile de cette année. Ce modèle possède en effet de nombreux atouts : 500 km d’autonomie (WLTP), une batterie de 86 kWh, soit une efficacité de 17 kWh pour 100 km. Long de 4,87 m, il est cependant assez lourd comme toutes les voitures électriques : il pèse plus de 2,8 tonnes. Son prix de vente ? 58 000 € en Norvège. En France, elle pourrait être vendue aux environ de 60 000 euros (en comptant la TVA, etc.), et pourrait donc malheureusement être trop chère pour bénéficier du bonus écologique.
La Aiways U5
© site Internet du constructeur Aiways
La U5 est une voiture entièrement conçue par une startup chinoise fondée à Shanghai en 2017 : Aiways. Rien à voir avec les grandes marques chinoises qui bataillent depuis des années pour se faire un nom en Europe. Aiways fait partie des toutes nouvelles marques chinoises, telles que NIO ou Xpeng, qui font le pari d’un concept plutôt expérimental et marketing, et qui peinent encore à convaincre... Ce SUV de 4,7 m de long et de 1,7 tonne est déjà disponible à la vente en France, même s’il n’est pas le favori de notre liste. Ses capacités sont certes correctes, (une batterie de 63 kWh avec 400 km d’autonomie moyenne, soit une consommation de 15,7 kWh aux 100 km), mais il est peu apprécié par les acheteurs français. Vendue 39 900 € hors bonus, la Aiways U5 souffrirait d’un mauvais service client (caradisiac.com), et certains modèles seraient même concernés par une panne lors du chargement de la batterie... Mais la sortie de la Aiways U6 en France ne devrait pas tarder, espérons qu’elle sera mieux notée !
La MG ZS
© site Internet du constructeur MG
Ce SUV de 1,6 tonne vous rappellera certainement quelque chose : MG était en effet une marque britannique appartenant au groupe MG-Rover. Rachetée par le groupe chinois SAIC en 2007, cette marque est implantée de longue date en Europe. C’est notamment pour cette raison qu’on peut déjà trouver des MG ZS en France, en concessionnaire. Vendu pour 33 000 € hors bonus, ce modèle est garanti 7 ans par la marque. Son autonomie annoncée est de 440 km avec une batterie de 51 kWh, soit une consommation de 12 kWh pour 100 km. Selon nous, ce modèle peut potentiellement rivaliser avec certaines voitures électriques occidentales.
La Xpeng P5
© site Internet du constructeur Xpeng
Elle a été conçue pour concurrencer la Tesla Model 3 : la Xpeng P5 arbore elle aussi la forme d’une berline 5 portes luxueuse. Lancée par la startup chinoise Xpeng, fondée en 2014 à Canton, la P5 est déjà en vente en Norvège, Suède, Danemark et Pays-Bas depuis mars 2022. Elle pourrait donc également finir par rouler sur nos routes françaises. Relativement légère (1,8 tonne pour 4,8 m de long), elle consomme 14 kWh pour 100 km, avec une batterie de 66 kWh et 465 km d’autonomie annoncée. Son prix se situe cependant aux environs de 50 000 € hors bonus. À ce prix-là, autant directement acheter une Tesla !
La Seres 3
© site Internet du constructeur Seres
Seres est également une startup fondée par un Chinois, et appartient au constructeur Dongfeng. Elle a été lancée dans la Silicon Valley en Californie en 2016, en partenariat avec Tesla. Seres fabrique donc ses voitures à Chongqing en Chine et dans une usine du Minnesota aux États-Unis. Cette voiture est ainsi davantage susceptible de gagner la confiance des acheteurs européens et français : elle est d’ailleurs déjà disponible à l’achat en France. La Seres 3 consomme 15,8 kWh aux 100 km avec une batterie de 52 kWh pour une autonomie annoncée de 329 km. Elle a l’avantage d’être garantie 3 ans et d’être vendue à un prix relativement abordable : 32 000 €, toujours sans bonus. Elle est aussi relativement légère : comptez 4,4 m de long pour 1,7 tonne. Comme la MG ZS, elle a de quoi séduire.
L’heure du bilan : une concurrence toute relative
À comparer leurs prix avec ceux de leurs équivalentes européennes, ces voitures électriques chinoises paraissent plus coûteuses dans leur catégorie. Certes, la MG ZS et la Seres 3 pourraient rivaliser avec les modèles du même genre les plus vendus en Europe et en France. Cela est vrai si on prend l’exemple de la Renault Zoé, vendue à 33 700 euros, et dont la batterie est de 52 kWh pour 400 km d’autonomie, ou encore celui de la Peugeot e-208, vendue à 34 500 euros, avec une batterie de 50 kWh pour 340 km d’autonomie. Mais à ces conditions, il est probable que les conducteurs français et européens préfèrent garder leurs habitudes... et acheter français ou européen. Même sur le low-cost, les constructeurs européens semblent conserver une longueur d’avance. C’est notamment le cas de la Dacia Spring électrique, qui affiche en effet une petite autonomie de 230 km et une petite batterie de 30 kWh, mais avec un faible prix : 20 000 € sans bonus... tout en étant fabriquée en Chine. De même, la Tesla Model 3, voiture électrique la plus vendue en Europe en 2021, coûte 53 500 €, et affiche de meilleures performances que les modèles chinois comme la BYD Tang ou Han, avec une batterie de 57 kWh pour 491 km d’autonomie, soit une consommation de 11 kWh pour 100 km.
Une révolution qui peine encore à convaincre
Après tout, est-ce vraiment rentable de passer à l’électrique ? Certes une voiture qui consomme 15 kWh aux 100 km ne vous coûtera pas cher (en comptant les 0,18 €/kWh aux tarifs réglementés d'EDF, et si on recharge à la maison, cela reviendrait à moins de 3 € pour 100 km). Mais il faut en pratique compter sur les bornes de recharge publiques et compter donc 0,4 à 0,8 € le kWh de rechargement sur les bornes de Ionity (réseau européen) et 0,35 à 0,55 sur les bornes de Total. Pour accéder à ces réseaux, il faudra aussi un badge, ou une application mobile, des services souvent également payants. De même, il ne faut pas oublier qu’une batterie a une durée de vie limitée : comme pour un smartphone, la batterie d’une voiture électrique perd en capacité avec le temps. Il existe aussi une différence entre l’autonomie annoncée et l’autonomie réelle. Les constructeurs communiquent sur la base d’une conduite assez minimaliste : sans essuie-glace, sans climatisation et à une allure moyenne. Dans la réalité, c’est souvent une autre histoire. On cumule bien souvent de longs moments de rechargement de sa voiture pendant les trajets, et on conduit le plus souvent avec le stress de ne pas trouver de stations publiques de chargement. Le nombre de voitures électriques augmente en effet beaucoup plus vite que le nombre de bornes !
Force est de constater que les voitures électriques restent encore très cantonnées au haut de gamme, à l’image de la Tesla, et les voitures chinoises n’échappent pas à cette catégorie pour l’essentiel. Le marché des voitures électriques est sans doute encore trop jeune : comme celui des ordinateurs il y a 30 ans, il va d’abord satisfaire une petite minorité, et se démocratisera plus tard !
Bonus et primes : quels avantages ?
En France, pour l’achat d’une voiture électrique neuve de moins de 47 000 €, l’aide gouvernementale est de 27 % du coût d’acquisition TTC, avec un plafonnement à 6 000 €. C’est le bonus écologique. Pour une voiture dont le prix se situe entre 47 000 et 60 000 €, le bonus écologique est de 2 000 €. Les modèles au-delà de 60 000 € ne sont pas éligibles. Il est également possible de cumuler cette aide avec la prime à la conversion, si on met à la casse un véhicule ancien (diesel immatriculé pour la première fois avant 2011 ou essence immatriculé pour la première fois avant 2006), afin d’acquérir un véhicule électrique neuf. Cette dernière aide est plafonnée à
5 000 € et soumise à condition de revenus.
Photo du haut : chaîne de construction de véhicules électriques en Chine à Liuzhou, dans le Guangxi.© Xinhua
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