
« Le Lac aux oies sauvages » en quête de rédemption (actuellement en salle)
Diao Yinan, 49 ans, est certainement la plus belle révélation du cinéma d’auteur chinois de ces dernières années. Dans ce film, sorti dans les salles en France à la fin de l’année dernière, un chef de gang en quête de rédemption et une prostituée prête à tout pour recouvrer sa liberté se retrouvent au cœur d'une chasse à l'homme. Ensemble, ils décident de jouer une dernière fois avec leur destin.
Black Coal, en 2014, se voyait déjà récompensé de l’Ours d’or de la Berlinale. Diao Yi’nan se voyait ainsi ouvrir les portes de la notoriété internationale.Fidèle à ses incursions dans le film noir qui doit beaucoup au Faucon maltais (1941) de John Houston ou au Troisième Homme (1949) de Carol Reed, Black Coal tout comme Le Lac aux oies sauvages rend hommage aux cinéastes de l’âge d’or hollywoodien. Chasse à l’homme, scènes nocturnes, lumières tamisées du grand Sud, accompagnées de toute la gouaille propre aux habitants de la ville de Wuhan : Le Lac aux oies sauvages nous entraîne dans l’univers si particulier des malfrats, de leur code de l’honneur. On pourra accuser Diao Yi’nan d’un trop grand formalisme par ces scènes de reflets qui ne sont pas sans évoquer celles, reconnaissables entre toutes, de Boulevard du crépuscule (Sunset Boulevard), film mythique réalisé en 1950 par Billy Wilder. En réalité, Diao Yi’nan se réfère autant à la culture cinématographique américaine qu’aux héros picaresques du célèbre roman chinois Au bord de l’eau (Shui Hu Zhuan). Les problématiques du polar à travers l’œuvre de Diao Yi’nan s’entrelacent avec celles de la réalité sociale que le cinéma chinois continental, plus généralement, ne cesse d’explorer.
Certains archétypes du genre se manifestent ainsi dans Suzhou River (2000) de Lou Ye où, dès l’ouverture, des paysages fragmentés exhibent une poétique de la marginalité. Comme le rappelle Raphaël Szöllösy dans un article du passionnant Dictionnaire des cinémas chinois, publié très récemment, « de telles considérations apparaissent au sein même des images de Jia Zhangke. Dès les premières séquences de Xiaowu, artisan pickpocket (1997), le protagoniste central interprété par Wang Hongwei surjoue l’attitude détachée du criminel qui évoque celle des rôles de Chow Yun-fat au sein des œuvres de John Woo. La citation est plus littérale dans Still Life (2006) : un individu admire sur une petite télévision la séquence du Syndicat du crime (1986) dans laquelle l’acteur allume sa cigarette avec un billet de banque, avant qu’il n’imite le geste avec un bout de papier déchiré »1. En définitive, Diao Yi’nan à l’instar de ses contemporains, s’interroge sur la face obscure de la société chinoise et dévoile l’envers d’un décor, la Chine et ses bas-fonds traversés par une très grande violence sociale.
Photos © Memento films
1Nathalie Bittinger (directrice), Dictionnaire des cinémas chinois (Chine, Hong Kong, Taïwan), Paris, Editions Maisonneuve & Larose / hémisphères, 2019, p. 413
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