« Séjour dans les Monts Fuchun » - Ode à la spiritualité dans la Chine contemporaine

1580383189000 Chine-info Emmanuel Lincot

Un portrait de la société chinoise dans sa permanente transformation, à travers trois générations d'une famille, vivant au rythme des saisons, le long d'un fleuve, dans les Monts Fuchun. Sorti en France le 1er janvier 2020, après avoir été produit dans des conditions acrobatiques, cette fresque familiale n’a toujours pas trouvé de distributeur en Chine, malgré l’accueil enthousiaste de la critique et des sélectionneurs du festival de Cannes.

Le cinéaste autodidacte Gu Xiaogang s’inspire d’un rouleau peint vers 1348 par le lettré Huang Gongwang, résidant dans cette région, située dans la périphérie de Hangzhou, jadis capitale sous la dynastie des Song. Éloge du temps long, allure lente des scènes saisies dans l’instantanéité des gestes de celles et ceux (souvent de simples membres de sa famille) que ce jeune prodige de 29 ans a su saisir. Un univers qui évoquerait davantage Le Fleuve (1951) de Jean Renoir - ode magnifique au Gange et à la civilisation indienne - que les polards trépidants de son contemporain - quoi que de vingt ans son aîné - Diao Yi’nan. Et pour cause : Gu Xiaogang s’est intéressé à l’hindouisme, par hasard, et « à la fac », avant de se lancer dans l’univers de la mode puis celui du documentaire. Simple anecdote? Peut-être pas pour celui qui a passé toute son enfance dans cette région, l’un des haut-lieux autant de la culture classique que celle du bouddhisme, et dont il conserve une certaine nostalgie. Ce pays dit de Wu, fut touché de plein fouet par les premières réformes industrielles du pays, avec une pollution gravissime des lacs et de ses rivières qui s’ensuivit. « Tout est allé trop vite en Chine », confesse le cinéaste sobrement.

© ARP sélection

Raison de plus pour inviter le spectateur à épouser d’autres formes de temporalités. Celles des saisons, des retrouvailles familiales autour de la grand-mère, véritable héroïne du film, marquées par le partage, l’empathie, la générosité envers les plus démunis - le petit-fils victime d’une trisomie - comme des moins chanceux, ou des plus maladroits, c’est selon (l’un des fils criblés de dettes, se lançant à corps perdu dans le jeu et le monde obscur de la mafia). Séjour dans les Monts Fuchun est une fresque esthétique sur l’évolution sociologique de la Chine et ses habitants. « Mon film illustre aussi d’autres écarts générationnels. Pour nos parents, la grande question était matérielle, il n’était pas rare qu’une famille n’ait pas assez d’ustensiles pour manger en même temps, il s’agissait avant tout de subvenir aux besoins fondamentaux. Même aujourd’hui, alors qu’il y a moins de pénurie, seule la possession de biens matériels les rassure. Alors que dans ma génération, où l’on est tous enfants uniques, tous les biens et les attentions ont été tournés vers nous et notre confort. On n’est plus dans cette inquiétude, et notre problématique première est plus existentielle. Quand je serai parent à mon tour, il y aura d’autres ruptures, d’autres conflits en jeu avec la génération de mes enfants » déclare Gu Xiaogang. Autre époque, autres préoccupations… Le XXIe siècle en Chine deviendrait-t-il spirituel ?

Séjour dans les Monts Fuchun

Réalisé par Gu Xiaogang

Avec : Qian Youfa, Wang Fengjuan, Sun Zhangjian

Genre : Romance / Drame

Nationalité : Chine

150 mn / Sorti en salle le 1er janvier 2020

Commentaires

Rentrez votre adresse e-mail pour laisser un commentaire.