
Steppe by Steppe : le retour aux sources de Tsui Hark avec « Legends of the Condor Heroes: The Gallants » (en salles le 5 mars)
Synopsis :
Guo Jing, un jeune citoyen vivant sous la dynastie Song, a grandi dans les vastes plaines de Mongolie auprès du grand Genghis Khan et de sa famille. Lors d’un périple de deux ans pour parfaire sa connaissance des arts martiaux auprès de sept grands maîtres, Guo Jing fait la rencontre de la mystérieuse Huang Rong, avec qui il se lie d’amitié. Une relation qui évolue naturellement vers une affection profonde, et mutuelle. Mais de tragiques circonstances séparent bientôt les deux jeunes gens, alors que Guo Jing doit retourner auprès de la nation mongole qui fait face à une guerre sans merci contre des envahisseurs coalisés. Pris entre son allégeance pour la nation mongole, qui l’a recueilli lui et sa mère, et la Dynastie Song dont ils sont encore les sujets, Guo Jing doit bientôt choisir entre les deux camps. Mais aussi entre deux cœurs : celui de Huajun, la fille du grand Genghis Khan, et Huang Rong qui a enfin retrouvé la trace de Guo Jing après des mois de recherches et d’errance…
Legends of the Condor Heroes: The Gallants marque le grand retour de Tsui Hark au wu xia, un genre cinématographique (qu’on trouve également en littérature) qui narre les aventures de héros chevaleresques, sur fond d’intrigues fantastiques et d’arts martiaux. Après deux films plus contemporains centrés sur la guerre de Corée (les deux opus La Bataille du Lac Changjin, en 2021 et 2022), Tsui Hark revient donc au genre qui a fait en grande partie sa renommée avec des œuvres phares telles que Zu, les guerriers de la Montagne Magique (1983), Swordsman (1990), The Blade (1995), ou encore La Légende de Zu (2001). Le prolifique réalisateur chinois, qui compte près de 50 long-métrages à son actif, avait signé en 2018 Détective Dee 3, son dernier film historique à grand spectacle.
Tsui Hark
C’est donc au mieux de sa forme qu’on retrouve Tsui Hark qui décide, avec sa dernière œuvre, de s’attaquer à un monument de la littérature chinoise contemporaine connue sous le nom de la Trilogie du Condor, de Jin Yong, parue à la fin des années 50. Pour des raisons évidentes de coût et de faisabilité, le film ne relate qu’une petite partie de l’intrigue développée dans les trois volumes, à savoir une poignée de chapitres issue du premier volet de cette imposante trilogie littéraire.
Guo Jing interprété par Xiao Zhan
L’histoire se concentre donc sur les aventures de notre jeune héros, Guo Jing, qui doit non seulement affronter un ennemi redoutable cherchant à lui voler les secrets de sa maîtrise des arts martiaux, mais aussi remettre en cause ses loyautés : se rangera-t-il du côté du peuple Mongol qui l’a recueilli, lui et sa mère, ou défendra-t-il le royaume dont il est originaire, celui de la dynastie Song ? Comme si porter l’avenir de ces nations sur ses épaules n’était pas suffisant, Guo Jing doit aussi protéger les secrets de son art martial et décider qui de la farouche Huajun ou de la douce Huang Rong héritera de son affection… Trois lignes directrices, donc, autour desquelles se tisse la narration de ce film de deux heures vingt menées à tambour battant !
Guo Jing et Huang Rong (interprétée par Zhang Dafei)
Tsui Hark, qui n’avait pas exploré le genre du wu xia depuis 2018 avec Détective Dee 3, était forcément attendu au tournant par les fans et les cinéphiles. Et il ne déçoit pas : sa fresque historique retrouve l’énergie, la poésie et l’envergure de ses œuvres-phare des années 90 et 2000, celles-là même qui ont inspiré de nombreuses générations de réalisateurs qui encensent son travail tels que Quentin Tarantino (Kill Bill, Pulp Fiction), les sœurs Wachowski (la quadrilogie Matrix) ou, plus proche de nous, Christophe Gans (Le Pacte des Loups, Silent Hill).
Outre la virtuosité de sa mise en scène, un des autres traits caractéristiques du cinéma de Tsui Hark, c’est l’humour. Ici, il est particulièrement bienvenu pour désamorcer l’écrasante solennité du propos où se joue l’avenir d’un peuple pris au centre de conflits géopolitiques et ethniques majeurs. Tsui Hark n’oublie jamais de faire sourire, et parfois même franchement rire ses spectateurs en offrant des galeries de personnages pittoresques et hauts en couleurs, des quiproquos et un triangle amoureux savoureux et cocasse.
Huajun, interprétée par Zhang Wenxin
Ce qui surprend également dans Legends of the Condor Heroes, c’est la capacité toujours intacte du réalisateur à développer des scènes d’action à couper le souffle mêlant combats martiaux au corps à corps et scènes de batailles gigantesques, passant de l’un à l’autre avec aisance. Rares sont les réalisateurs capables de manier ainsi, dans un montage fluide et toujours lisible, des plans d’échelles aussi différentes. Une grande maitrise de l’espace et du cadre qui s’appuie sur des décennies d’expérience, mais aussi sur l’utilisation savante d’effets visuels dernier cri venant agrémenter et parfaire des plans d’acrobaties filmées en « live » avec des comédiens investis (et une bonne armée de cascadeurs prêts à tout !).
Avec Tsui Hark, la technologie ne vient jamais se substituer aux personnages ou à la narration, elle les accompagne toujours de manière harmonieuse, contrairement au cinéma Hollywoodien à grand spectacle contemporain qui use et abuse des effets visuels au détriment de l’histoire et de l’émotion.
Legends of the Condor Heroes: the Gallants est donc une belle réussite et un retour gagnant pour Tsui Hark qui rejoint, du haut de ses 75 ans, cette génération de grands cinéastes qui, loin de choisir la facilité, brillent encore sur les plateaux de tournage comme Steven Spielberg (78 ans), George Miller (80 ans), Jean-Jacques Annaud (81 ans), ou encore James Cameron (70 ans) !
Reste désormais à savoir si le film rencontrera le succès qu’il mérite pour permettre la mise en chantier d’une suite qui, à n’en pas douter, fera de nouveau la part belle à l’action, au frisson et à l’humour, tout ce dont nous régale Tsui Hark depuis près de cinquante ans !
PROGRAMMATION
Legends of the Condor Heroes : The Gallants
Réalisé par Tsui Hark
Avec Xiao Zhan, Zhang Dafei, Tony Leung Ka-fai
Genre : Action / Aventure
Durée : 146 mn
Sortie en salles : 5 mars
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