« Black Dog », une rédemption solitaire qui a du chien (actuellement en salles)

1741774680681 Chine-info Wenyan Hu

Prix Un Certain Regard au Festival de Cannes 2024, le dernier long métrage de Guan Hu, sorti le 5 mars en France, retrace l’amitié touchante tissée entre un chien traqué et un ancien détenu, deux âmes solitaires en quête de nouveau départ. Un film contemplatif, illuminé par une esthétique brute et minimaliste.  

En plein désert de Gobi, une horde de chiens dévale les collines à toute vitesse, prenant un vieux bus au dépourvu. Une scène d’ouverture digne d’un film d’action. La suite semble plus apaisée, mais non moins énigmatique. Avec l’aide de la police, le bus reprend sa route. Er Lang (Eddie Peng), passager impassible et obstiné, marche seul derrière le véhicule jusqu’à Chixia, sa ville natale. Un bus renversé qui repart, un individu tenu à l’écart du groupe, des êtres humains minuscules face à l’immensité du désert… Dès les premières minutes, le réalisateur Guan Hu multiplie les allégories et les symboles forts.

Nous sommes en 2008, à l’aube des Jeux olympiques de Pékin. Derrière les slogans exaltants, affichés sur les murs ou diffusés à la radio, Chixia, une ancienne ville pétrolière en déliquescence, se révèle peu à peu aux yeux d’Er Lang, de retour après dix ans d’absence. Entre les bâtiments désaffectés se distinguent un site de saut à l’élastique et un zoo abritant des animaux sauvages rares, deux hauts lieux touristiques autrefois animés qu’Er Lang affectionnait. L'invasion des chiens, certes troublante, réveille paradoxalement une partie de la vie locale et permet d’explorer les mécanismes du pouvoir dans un coin reculé de la Chine. Un réalisme glaçant qui frôle une fantaisie aiguisée, donnant naissance à une fable chinoise sur une petite ville post-industrielle.

À travers des bribes de phrases disséminées ici et là, les pièces du puzzle de ce héros taciturne s’assemblent le long du film. Autrefois véritable star de la petite ville, Er Lang jouait dans un groupe de musique, chevauchait sa moto et participait à des spectacles de cirque. Mais après dix ans derrière les barreaux, il s’est muré dans un mutisme total et tente, tant bien que mal, d’échapper aux préjugés ambiants. Chargé par la patrouille locale de débarrasser la ville des chiens errants, il se lie d’amitié avec l’un d’eux. Une rencontre déterminante qui va bouleverser sa vie.

Le parallèle est double ici : la condition de vie du chien traqué, enfermé et marginalisé fait écho au destin d’Er Lang, mais l’histoire personnelle de ce dernier résonne tout autant avec celle de sa ville natale, qui constitue un personnage à part entière dans le film. À coups de panoramiques et de plans d’ensemble, Guan Hu porte un regard singulier et percutant sur une petite ville oubliée par la société chinoise moderne, ainsi que sur les gens et les animaux qui y vivent.

Avec Black Dog, le réalisateur Guan Hu, couronné de succès commercial grâce à ses deux derniers blockbusters La Brigade des 800 (2020) et The Sacrifice (2020), revient à sa passion des premières heures : le cinéma d’auteur. Ce film, né de son observation personnelle, lui permet de scruter les changements survenus en Chine depuis une vingtaine d’années. Des thèmes comme les relations père-fils, la rédemption et la quête de dignité y sont abordés avec subtilité et délicatesse. Un grand film suggestif, où secrets, non-dits et ellipses sont des personnages à part entière.

Black Dog 狗阵

Sorti le 5 mars en France

Réalisé par Guan Hu

Avec Eddie Peng, Tong Liya, Jia Zhangke, Zhou You…  

Genre : Drame

Durée : 1h50

Nationalité : Chine

Photos : Memento

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