« Résurrection » de Bi Gan, un voyage sensoriel au coeur du cinéma - Prix spécial du jury Cannes 2025

1749111949111 Chine-info Hu Wenyan

Avec cette fresque SF onirique et stylisée, le cinéaste chinois Bi Gan multiplie les références cinématographiques pour retracer le voyage sensoriel à travers le temps d’un monstre-machine, tout au long du XXe siècle en Chine. Une œuvre originale et ambitieuse, couronnée par le « Prix spécial » au Festival de Cannes 2025. 

Bi Gan impose son style depuis son premier long-métrage Kaili Blues, qui lui a valu le Prix du meilleur réalisateur à Locarno 2016. Dans une moiteur enveloppée de brume, ses personnages s'enivrent de leurs souvenirs, brouillant les frontières entre rêve et réalité. Voix off, scènes de karaoké, jeu de doubles, plan-séquence virtuose… Autant d’éléments que l’on retrouve dans son deuxième film, Un grand voyage vers la nuit (2018), dans une version plus sophistiquée et techniquement plus performante. Fidèle à sa démarche artistique, le jeune cinéaste de 35 ans poursuit son évolution avec son troisième long-métrage, Résurrection, une immersion expérimentale au cœur du cinéma et de l’histoire chinoise.  

« Dans un monde où les humains ne savent plus rêver, un être pas comme les autres perd pied et n’arrive plus à distinguer l’illusion de la réalité. Seule une femme voit clair en lui. Elle parvient à pénétrer ses rêves, en quête de la vérité… » Le synopsis est aussi lapidaire qu’intriguant. Dans quel univers nous embarquera Bi Gan, qui préfère la quête de sensations à l'intrigue narrative ? La réponse ne se fait pas attendre. Car dès les premières scènes, nous atterrissons de suite dans le rêve d’une femme (Shu Qi), la « Grande autre » : dans un décor vintage évoquant le début du XXe siècle en Chine, elle déambule jusqu’à croiser la route d’un monstre mangeur de fleurs (Jackson Yee), bloqué dans les tréfonds du temps et de l’espace. En insérant une bobine de film dans le corps de ce monstre-machine, la femme le propulse dans un voyage dans le temps, lui permettant de découvrir les six sens que possède l’humain : la vue, l’ouïe, le goût, l’odorat, le toucher et la pensée. Ce voyage prend la forme de cinq récits indépendants, chacun situé à deux décennies d’intervalle, retraçant ainsi une traversée sensorielle du XXe siècle chinois.

« Un film ovni d'une grande invention », déclarait ainsi Juliette Binoche, présidente du jury du 78e Festival de Cannes, lors de la remise du Prix Spécial du Jury au lauréat Bi Gan. Navigant entre fulgurance de l’imagination et langueur des silences, le film explore, avec une densité presque viscérale, les thèmes du temps, du rêve et de la réminiscences. Des obsessions déjà palpables dans les deux précédents opus du cinéaste, mais qui prennent ici une dimension nouvelle, devenant tour à tour moteurs narratifs et aboutissement poétique. Le cinéma lui-même métamorphosé en une « machine à rêves » (le « rêvoleur »), s’érige ainsi en personnage à part entière. Tout au long du film, ce jeu de miroirs entre onirisme et septième art frôle le vertige, devenant le véritable fil d’Ariane qui tisse ce conte magique à plusieurs chapitres. 

Avec une maîtrise formelle saisissante, Bi Gan qui mélange volontier les genres, entre cinéma muet, film noir et film de vampire, rend ainsi hommage à Georges Méliès, Hou Hsiao-hsien ou encore Alfred Hitchcock. Dans le cinquième chapitre sur le toucher, un plan-séquence de 30 minutes emmène le film à flirter avec une atmosphère presque hypnotique de la dernière nuit de l’année 1999, allumant des étincelles bien mélancoliques. Un grand moment de cinéma, qui bouleverse par la puissance visuelle et le spleen des rêves.

Résurrection 狂野时代

Genre : SF, drame

Sortie en salle prochainement

Durée : 160 minutes

Réalisé par Bi Gan

Avec Shu Qi, Jackson Yee, Mark Chao... 

Société de distribution : Les Films du losange (France)

Photos : Résurrection

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