« A New Old Play », un carnaval des clowns aux saveurs du Sichuan

1749634456809 Chine-info Hu Wenyan

Dans son premier film de fiction, le cinéaste chinois Qiu Jiongjiong s’inspire de la vie de son grand-père, un célèbre acteur-clown de l’opéra du Sichuan, pour composer une fresque à la fois triviale et épique, en mettant en scène des artistes anti-héros confrontés aux aléas de l’Histoire avec un grand H.  

Prix spécial du jury du Festival de Locarno 2021, A New Old Play, sorti ce 11 juin, a mis du temps avant de trouver le chemin des salles obscures dans l’Hexagone. Dans le film comme dans la vie, A New Old Play est une pièce à la fois nouvelle et ancienne qui entretient un rapport singulier avec le temps et l’histoire. D’une durée de trois heures, entièrement tournée en studio avec des acteurs non-professionnels parlant le dialecte du Sichuan, une langue régionale hautement imagée mêlant fantaisie et inventivité, le premier long-métrage de fiction de Qiu Jiongjiong détonne par sa liberté de ton et son excentricité burlesque. 

Traînant une charrette tricycle illuminée d’ampoules multicolores, Tête-de-Bœuf et Face-de-Cheval, les deux gardiens du monde souterrain, viennent chercher Qiu Fu (Yi Sicheng), grand acteur-clown de l’opéra du Sichuan. Avant d’entrer dans l’Au-delà, ce dernier emprunte la Route Jaune, où il croise quelque vieux amis dans une auberge rustique, plantée en bordure du chemin. Autour d'une table, ils boivent, badinent, jouent au mahjong, trinquent à la mémoire comme à l’oubli. Entre rire et ivresse, Qiu Fu rembobine le fil de sa vie, entre théâtre, errements, lutte et amour, sur fond d’histoire tumultueuse de la Chine du XXe siècle. 

Deux récits s’entrelacent en parallèle : l’un prend les allures d’un road movie vers l’autre rive, l’autre s’apparente à un biopic retraçant chronologiquement la vie du personnage principal. Le film oscille constamment entre deux temporalités, deux mondes et deux atmosphères. Tandis que les plus beaux souvenirs de Qiu Fu jalonnent son chemin vers la mort, les deux messagers du dieu des enfers, Tête-de-Bœuf et Face-de-Cheval, se fondent dans le décor de son odyssée terrestre. Avec une légèreté malicieuse, Qiu Jiongjiong aborde la vie, la mort et l’histoire moderne de la Chine à travers un foisonnement de détails et d’anecdotes savoureuses, évitant avec finesse l’écueil d’une gravité pesante.

À coup de plans larges, le film nous plonge dans un univers artificiel en carton-pâte, suspendu hors du temps. À mi-chemin entre théâtre filmé et bande dessinée en mouvement, son esthétique singulière découle d’un tournage unique et d’un cinéaste aux multiples casquettes. Peintre portraitiste de profession, documentaliste dans un deuxième temps, Qiu Jiongjiong révèle ici son immense talent d’artiste et d’artisan du cinéma, aussi polyvalent qu’inventif. Doté d’un budget modeste, il endosse tour à tour les rôles de réalisateur, de chef décorateur et de comédien. Le film a été entièrement tourné dans une usine désaffectée de 400 m² à Leshan, sa ville natale, où il a réuni famille et amis pour former un casting hétéroclite et infiniment attachant. Un tournage qui met aussi en abyme la vie d’une troupe de l’opéra du Sichuan dans laquelle le réalisateur a baigné jusqu’à ses dix ans en 1987, l’année où son grand-père a rendu son âme.

À cheval entre les années 1920 et 1970, A New Old Play alterne réalisme et fantastique, humour noir et regard taqin, traçant un portrait collectif d’une époque à travers les destins croisés de plusieurs générations. Dans une ambiance souvent festive et faussement insouciante, le cinéaste sublime la figure du clown et célèbre l’homme-poussière ainsi que son insolence. 

A New Old Play 椒麻堂会

Genre : drame

Sortie en salle le 11 juin 2025

Durée : 2h59m

Réalisé par Qiu Jiongjiong 

Avec Yi Sicheng, Chen Haoyu, Guan Nan, Qiu Zhimin... 

Société de distribution : Carlotta Films (France)

Photos : Carlotta Films


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