
[Sortie ciné] « My father’s son », à la recherche du père perdu (actuellement en salle)
Dans son deuxième long métrage, le cinéaste chinois Qiu Sheng convoque souvenirs et intelligence artificielle pour tenter de ressusciter un père tour à tour opaque et fascinant. Une chronique très personnelle qui explore l'atavisme au fil d’un deuil prolongé.
Zou Qiao, lycéen de 18 ans, perd la voix devant la tombe de son père, incapable de lire l’éloge funèbre de cet homme brutal et secret, qui lui a pourtant légué sa passion pour la boxe. Perplexe, il fuit les funérailles, se laissant emporter par le tourbillon émotionnel. Il fugue, fait la fête et s'enivre d’alcool, et peut-être aussi un peu de liberté. Entre vertige et ivresse, ressurgissent des fragments de mémoire, composant une figure paternelle qui s'affranchit des mots pompeux de cet éloge funèbre qui enferme. Dans son for intérieur, les fantômes de son père ne cessent de le hanter. Des années plus tard, devenu ingénieur, Zou Qiao développe un logiciel d’entraînement de boxe utilisant l’intelligence artificielle. Il modélise un adversaire virtuel reprenant les traits de son père, qui bientôt lui échappe…
Après son premier long métrage Suburban Birds (2018), Qiu Sheng continue de prouver ici sa singularité artistique en décrochant le Prix pour une contribution artistique remarquable lors du 27e Festival international du film de Shanghai 2025. Il s’inspire de sa vie personnelle pour aborder les rapports père-fils, ce thème universel qui est traité ici avec doute et ambiguïté, entretenant volontairement le mystère. Comme sur son lit, dans les derniers jours de sa vie, le père saisit tout à coup le poignet de Zou Qiao, très fort - tellement fort que ça lui fait mal. Est-ce un ultime sursaut de puissance ou une marque d’amour paternel ? L’originalité du film tient justement à cette ambivalence omniprésente de la figure paternelle, qui s’applique tout autant à Zou Qiao lui-même, quand il devient père à son tour. Naviguant entre rêve et réalité, classicisme et expérimental, le réalisateur déploie des éléments comme de l’eau et le miroir pour tisser une trame en trois temps, et à trois couleurs différentes : un présent excentrique, un passé empli d’humanité et un futur aseptisé.
Digne d’une ville-spectacle, Hangzhou, ville natale du réalisateur où l’histoire se déroule, revêt des airs de cyberpunk et enveloppe le film d’une étrangeté fascinante. Le mandarin et la dialecte de Hangzhou alternent en fonction du temps et des situations, ancrant le récit dans « un film de territoire » à la chinoise. Entre science-fiction et mélo familial, My father’s son joue malicieusement avec l’espace et le temps, creusant des failles spatio-temporelles pour nous embarquer dans un voyage hypnotisant.
My father’s son 比如父子
Genre : science-fiction, drame
Sortie en salle le 23 juillet 2025
Durée : 1h37m
Réalisé par Qiu Sheng
Avec Sun Ning, Song Yang, Sun Anke, Luo Weichen...
Distribution : New Story (France)
Photos : New Story
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