Sélection du « hanzi » de l’année : la nouvelle mode à l’échelle mondiale

1646350202095 China News

Les hanzi (caractères chinois) forment le plus ancien système d’écriture toujours en usage de nos jours. Porteurs de la civilisation chinoise à travers le temps, ils constituent le meilleur moyen de connaître ce « pays du milieu » et donnent accès aux échanges culturels entre la Chine et le reste du monde.

« Le hanzi de l’année » est une cérémonie qui a lieu tous les ans qui consiste à sélectionner un « caractère chinois » symbolisant l’année écoulée. Pourquoi désigne-t-on un caractère chinois pour représenter l’année qui s’achève ? Dans quelle mesure cet idéogramme reflète-il le vécu et l’état d’esprit des peuples de nombreux pays du monde ? Li Yuming, président de la Société lexicographique de Chine, tente de répondre à ces questions.

China News Service : En 1995, c’est le caractère 震, signifiant « tremblement », qui a été élu kanji (hanzi, caractère chinois) de l’année au Japon. Dorénavant, la sélection du hanzi de l’année est devenue un événement important dans de nombreux pays où les hanzi sont utilisés, comme la Chine, le Japon, la Corée du Sud, la Malaisie et le Singapour. Pourquoi un tel phénomène ?

Li Yuming : Au Japon, les kanji font partie du système d’écriture japonaise, ils sont indispensables pour lire et écrire le japonais. On dénombre 1 945 caractères d’usage courant et certains noms propres. En 1995, un grand séisme a touché la ville de Kobe au Japon, c’est ainsi que l’idéogramme 震, « tremblement », a été choisi comme le premier kanji de l’année. Dès lors, à la fin de chaque année, la Japan Kanji Aptitude Testing Foundation organise un vote public pour sélectionner un kanji symbolisant l’année écoulée, et celui-ci sera dévoilé lors d’une cérémonie au temple Kiyomizu-dera, à Kyoto, le 12 décembre (le jour du kanji). Depuis 2001, le même type d’événement est organisé en Corée du Sud, en Malaisie et au Singapour.

Les hanzi, caractères chinois, sont des logogrammes qui composent l’écriture de la langue chinoise. La plupart d’entre eux sont des idéogrammes. Les hanzi peuvent être formés par la juxtaposition de plusieurs caractères plus simples, autrement dit, des éléments de caractère. Ces caractères composés indiquent un nouveau sens, découlant de l’association engendrée. L’utilisation des caractères chinois s’étend sur une large étendue géographique et ils ont exercé une influence considérable sur d’autres langues du monde. D’ailleurs, les devinettes chinoises, étroitement liées à la forme, à la prononciation ou au sens des hanzi, ont aussi été introduites dans des pays voisins de la Chine. Les devinettes autour du hanzi sont très présentes lors des soirées conviviales ou de grandes fêtes dans ces pays.

Cérémonie pour rendre hommage à Cang Jie, l'nventeur légendaire de l'écriture chinoise © Xinhua

CNS : Les hanzi constituent l’héritage de la civilisation de la Chine et ont joué un rôle important dans la transmission et le partage du savoir. La Chine et les pays environnants fortement influencés par la culture chinoise forment ce que l’on appelle la « sphère culturelle chinoise ». Comment les caractères chinois sont-ils introduits et reçus à l’étranger ?

Li Yuming : La diffusion de la langue chinoise remonte jusqu’aux dynasties des Qin et des Han (de 221 av. J.-C. à 220 apr. J.-C.). À cette époque, la langue chinoise s’était répandue jusqu’à la province du Giao Chi du Viêtnam. La langue chinoise et vietnamienne se sont mélangées jusqu’à transformer profondément la seconde. En Corée du Nord, le chinois a été la langue écrite officielle jusqu’en 1895, et les Classiques chinois étaient enseignés aux descendants des nobles. Et le Japon a été influencé par la culture chinoise depuis le IIIe siècle avant J.-C. En 604 après J.-C., le prince Shotoku avait publié La Constitution en 17 articles, précisant que tous les documents officiels devaient être rédigés en chinois, témoignant du degré de sinisation du pays.

Par ailleurs, de plus en plus de Chinois partant vivre à l’étranger, la langue et la civilisation chinoises ont été introduites dans l’archipel Ryūkū, dans l’ancienne République de Lanfang, en Malaisie, à Singapour ou encore en Indonésie. Les langues de ces régions et pays ont adopté de nombreux mots empruntés au chinois, créant aussi des néologismes. Aujourd’hui, ces régions et pays possèdent leurs propres langues écrites, pourtant, on peut encore remarquer la présence des hanzi sur certains bâtiments anciens ou lors de fêtes traditionnelles.

CNS : De nos jours, la sélection du « hanzi de l’année » devient également un événement populaire dans des pays occidentaux. Que pensez-vous de cela ?

Li Yuming : Ces dernières années, la langue chinoise, pratiquée généralement dans la « sphère culturelle chinoise », témoigne d’une nouvelle évolution aux États-Unis et en Europe. Le fait que l’événement de la sélection du « hanzi de l’année » se répand en Occident confirme que le chinois, la langue la plus parlée au monde, rayonne dans le monde entier, que les Chinois résidant à l’étranger prennent au fur et à mesure leur place dans la société occidentale, et que la Chine est devenue un acteur majeur sur la scène mondiale de l’économie et du développement.

Aujourd’hui, de plus en plus de gens apprennent le chinois. Jusqu’à la fin de l’année 2020, la langue chinoise est enseignée dans plus de 180 pays et régions à travers le monde, a été introduite dans le système éducatif national de plus de 70 pays et fait partie des langues officielles de nombreuses organisations internationales. De plus, les hanzi sont omniprésents dans les métropoles : dans les transports en commun, les centres commerciaux ou encore les sites touristiques.

L'exposition dédiée au calligraphe Shen Peng à Pékin © Xinhua

CNS : En 2021, le « hanzi de l’année » élu au Japon est le caractère 金, signifiant « or » ; les Malaisiens et les Singapouriens ont tous deux choisi le 盼, « espérance » ; la plupart des Américains ont voté pour le 涨, « inflation » ; et les Français ont sélectionné le 熬, « endurance ». D’où vient cette différence ?

Li Yuming : Le « hanzi de l’année » reflète le vécu et l’état d’esprit des citoyens de chaque société. L’idéogramme 金 (« or ») a été choisi par les Japonais en raison du nombre record de médailles d’or remportées par leurs athlètes aux Jeux olympiques et paralympiques de l’été 2021, du fait que le joueur de baseball Ohtani Shohei a été nommé MVP (Most Valuable Player, « meilleur joueur ») de la Major League Baseball, et des subventions versées par le gouvernement aux particuliers et aux entreprises pendant la pandémie de la Covid-19. Il est à noter qu’il s’agit de la quatrième fois que le caractère 金 (« or ») est élu (2000, 2012 et 2016).

Par la suite, les choix des Malaisiens, des Singapouriens, des Américains et des Français (盼, « espérance », 涨, « inflation » et 熬, « endurance ») sont étroitement liés à la crise sanitaire, révélant que tout le monde a beaucoup souffert de cette crise et qu’ils souhaitent voir la pandémie toucher à sa fin.

CNS : Les Chinois vivant à l’étranger jouent un rôle majeur dans la diffusion et la transmission de la culture chinoise. Dans quelle mesure la sélection du « hanzi de l’année » reflète-elle les efforts déployés par ces ressortissants pour s’intégrer dans la société occidentale ?

Li Yuming : Le hanyu (le chinois) est la langue maternelle de l’ensemble du peuple chinois, qu’il soit en Chine ou à l’étranger. Et la sélection du « hanzi de l’année » est un événement important, notamment pour les Chinois résidant hors de leur pays d’origine. L’idéogramme choisi dévoile leur vécu, leur réflexion et leur état d’esprit, résultant de l’union de deux cultures. Ainsi, le hanzi devient un patrimoine universel.

Comme le dit un proverbe chinois : « La chute d’une feuille morte annonce l’arrivée de l’automne ». Les caractères chinois assurent la préservation de la civilisation et du patrimoine de la Chine. De plus, les hanzi étant en constante évolution, contribuent également à la diversité culturelle des autres pays du monde.

Li Yuming est professeur à l’Université des Langues et Cultures de Pékin et président de la Société lexicographique de Chine.

Cet article a été initialement publié en chinois sur chinanews.com.cn

(Traduction : Wu Mengni)


Photo du haut : un étudiant tadjikistannais pratique la calligraphie à Nankin © Xinhua

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