
Lyon–Chine : le pari éducatif d’un carrefour d’avenir
Lyon a accueilli mi-avril un forum inédit réunissant des universités chinoises de premier plan et des établissements d’enseignement supérieur de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Derrière cet événement organisé par le consulat général de Chine à Lyon, la volonté d’un pôle majeur de coopération éducative et scientifique entre la Chine et l’Union européenne. Un pari qui mêle diplomatie, savoirs et avenir.
Le 16 avril dernier, au consulat général de Chine à Lyon, s’est tenu le premier « forum ‘confluence’ franco-chinois de l’éducation ». Un événement institutionnel et ambitieux derrière lequel se joue quelque chose de stratégique : la volonté de faire de Lyon un véritable nœud de coopération entre la Chine et l’Union européenne (UE) dans le domaine de la connaissance.
Organisé par le consulat général de Chine à Lyon, en partenariat avec le nouvel institut franco chinois de Lyon, ce forum a rassemblé une quarantaine de représentants de plusieurs grandes universités chinoises comme l’université Jiaotong de Shanghai, l’institut de diplomatie de Pékin ou l’université normale de l’Est de la Chine, aux côtés d’acteurs majeurs de l’enseignement supérieur de la région Auvergne-Rhône-Alpes, dont les universités de Lyon, l’EM Lyon ou encore des grande écoles comme l’INSA ou l’ENS Lyon. Des représentants de centres liés à l’Organisation mondiale de la santé, mais aussi du bureau de l’agriculture de la province chinoise du Jiangsu, étaient également présents. Le but : trouver des synergies et tenter d’élargir l’offre éducative autant côté chinois que côté français via des partenariats d’échange. L’initiative a reçu, depuis Paris, les encouragements de M. Deng Li, ambassadeur de Chine en France.
Un ancrage lyonnais historique
La présence de ces institutions chinoises à Lyon n’a rien d’un hasard. Depuis le XIXe siècle, l’ancienne capitale des Gaules entretient des liens particuliers avec la Chine. Ville ouvrière et commerçante, Lyon fut au cœur des échanges de soieries dès le XVIe siècle, puis d’idées à la fin du XIXe. C’est à Lyon qu’émergea, au début du XXe siècle, l’université franco-chinoise, aujourd’hui ressuscitée sous forme associative : le nouvel institut franco-chinois. Celle-là a vu passer plusieurs élites chinoises, dont de nombreux futurs révolutionnaires, qui se seront formés sur ses bancs avant de retourner en Chine jouer un rôle crucial dans la modernisation du pays. Plus récemment, le président Xi Jinping a visité la ville en 2014, illustrant une attention politique soutenue.
Lyon reste une place stratégique dans la géographie du XXIe siècle comme l’un des points d’arrivée des « nouvelles routes de la soie » ferroviaires, qui relient la Chine à l’Europe via le Kazakhstan, la Russie et l’Allemagne. Ce rôle de carrefour logistique se double désormais d’une ambition : devenir un carrefour intellectuel, où se croisent savoirs, talents et projets entre la Chine et l'UE.
Le forum du 16 avril s’inscrit dans une dynamique que le consulat général de Chine à Lyon porte activement, avec en fil rouge, l’objectif de retrouver le niveau de coopération universitaire qui existait avant le Covid. L’éducation est désormais au cœur de la diplomatie chinoise en Europe. En effet, le président Xi Jinping, avait exprimé, en 2024, le souhait d’accueillir 10 000 étudiants français en Chine d’ici trois ans. Aujourd’hui, les effectifs n’atteignent que 3 000 étudiants français dont 800 environ venant de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Comme l’a rappelé Alain Labat, vice-président du nouvel institut franco-chinois, la France accueille quant à elle 2 % de l’ensemble des effectifs d’étudiants chinois à l’étranger. Parmi les disciplines particulièrement appréciées : l’ingénierie, le génie civil, le nucléaire mais aussi les arts ou la gestion. Or, à cause de la pandémie, les échanges universitaires franco-chinois ont été fortement perturbés en 2020. Le désir d’accueillir davantage d’étudiants chinois a été ouvertement exprimé lors du forum, de même que, des deux côtés, la volonté de reprendre et d’amplifier partenariats, accords de double diplôme, échanges de chercheurs, séjours courts ou stage d’été.
« Ce qui nous anime, ce sont les projets d’échange d’étudiants. L’idée est d’avoir des cursus qui sont les mêmes avec des niveaux similaires, sinon de trouver des complémentarités, explique Mireille Bossy, vice-présidente déléguée aux relations internationales de la ComUE-université de Lyon. Prenons l’exemple des études vétérinaires. Les études ne sont pas les mêmes : en Chine, c’est bac+3, alors qu’en France, c’est bac+5 voire 7. Mais aujourd’hui nous arrivons à trouver des complémentarités, en envoyant les étudiants français se former en médecine traditionnelle chinoise appliquée aux animaux. De même, nous recevons des étudiants chinois en clinique, ce qui permet de parfaire leur formation par une approche plus pratique. »
Une diplomatie éducative assumée
Le forum s’est achevé par la signature de plusieurs accords de coopération entre universités chinoises et françaises. Des engagements qui augurent d’un retour à la normale, et peut-être d’une nouvelle phase dans les relations éducatives bilatérales.
Depuis l’arrivée de M. Yu Jiang à la tête du consulat général de Chine à Lyon, l’institution a multiplié les initiatives, qu’elles soient bilatérales, multilatérales ou tournées vers la communauté locale. Le 4 avril, une exposition de photos consacrée aux relations diplomatiques franco-chinoises a ainsi réuni plusieurs figures de premier plan de la région, parmi lesquelles Hélène Duvivier-Dromain, vice-présidente de la métropole de Lyon ou encore l’industriel Alain Mérieux, récipiendaire de la médaille de l’amitié pour la Réforme en Chine. Une affluence qui témoigne de l’intérêt vif que les milieux politiques, économiques et culturels lyonnais portent à la relation franco-chinoise.
« Le forum ‘confluence’ s’inscrit dans une volonté de dialogue structuré et durable entre collectivités chinoises et françaises, a souligné M. Yu. Nous prévoyons de poursuivre cette dynamique à travers l’organisation de nouveaux forums dédiés à l’éducation, à l’économie et au commerce, ainsi qu’un événement commémoratif du 80e anniversaire de la victoire de la guerre de résistance du peuple chinois contre l’agression japonaise et de la guerre mondiale antifasciste. »
Plus de 1 100 entreprises enregistrées à la chambre de commerce et d’industrie de la région mènent des activités avec la Chine, a affirmé M. Yu, dans des secteurs aussi variés que les biotechnologies, les hautes technologies et les biens de consommation. Souvent de petites entreprises, parfois familiales, mais qui constituent de discrètes pépites dans leur domaines techniques ou industriels et qui témoignent d’un fort potentiel de complémentarité pour d’éventuels partenaires chinois. « Pour ces champions locaux, le vaste marché chinois et ses besoins spécifiques constituent aussi des opportunités », a rappelé le consul général.
Lyon n’est pas qu’une ville universitaire : c’est aussi une ville de recherche appliquée, de santé et de biotechnologie. Le groupe Mérieux, par exemple, entretient depuis des années des liens étroits avec les institutions chinoises, en particulier dans les domaines de la santé publique, de la virologie ou du diagnostic. La santé et la biologie constituent les domaines de coopération les plus développés actuellement. D'autres partenariats existent dans les secteurs du tourisme ou de l'ingénierie. La région Auvergne-Rhône-Alpes dispose donc de tous les atouts pour devenir un laboratoire de la coopération éducative sino-européenne. Dans un contexte mondial tendu, l’éducation apparaît comme un terrain d’entente, de dialogue et d’avenir. Et M. le consul général de citer l’écrivain – lyonnais – Antoine de Saint-Exupéry : « Aimer, ce n’est pas se regarder l’un l’autre, c’est regarder ensemble dans la même direction. »
De droite à gauche : M. Yu Jiang, consul général de Chine à Lyon ; Mme Mireille Bossy, vice-présidente déléguée aux relations internationales de la ComUE-université de Lyon M. Li Zhenping, vice-consul général de Chine à Lyon. © Qingshu/Nouvelles d'Europe.
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