
Le panda géant, moteur de l'amitié franco-chinoise
Depuis plusieurs années, la France et la Chine coopèrent dans la recherche scientifique sur les pandas géants. Derrière la « diplomatie du Panda », se trouve surtout le symbole de liens solides entre la France et la Chine.
25 juillet 2023, l’après-midi. Sous une pluie intermittente, à l'aéroport Charles de Gaulle, un caisson de transport spécial. Celui-ci porte l'inscription : « Bon voyage, Yuan Meng ». Brigitte Macron, l'épouse du président français, s'agenouille pour dire au revoir à l’hôte velu contenu à l’intérieur. Mme Macron s'adresse aux nombreux médias franco-chinois alors présents : « On peut sentir qu'il est un peu nerveux. » Avant de lui souhaiter tendrement : « N'aie pas peur pendant le voyage, un jour nous irons te voir à Chengdu. »
Yuan Meng, c’est le nom de ce panda géant, le premier né en France et dont l’actuelle première Dame de France est la marraine. Ce jour-là, l’animal était transporté vers le centre de recherche sur la reproduction des pandas géants à Chengdu en Chine. Brigitte Macron, Sarah el Haïry, secrétaire d'État français chargé de la biodiversité du ministère de la Transition écologique, Rodolphe Delord, directeur du zoo de Beauval, et Lu Shaye, ambassadeur de Chine en France, étaient présents à l'aéroport pour le départ. Mme Macron a alors déclaré qu'elle était fière d'être la marraine de l’ursidé, espérant que les échanges et la coopération franco-chinois dans divers domaines continueraient de progresser.
Lorsque la nouvelle du grand retour de Yuan Meng vers sa mère patrie s’est répandue, de nombreux admirateurs se sont précipités au zoo de Beauval pour lui dire au revoir. Yuan Meng devait quitter le zoo à 9 heures. Dès 8 heures, ils étaient déjà nombreux à l’attendre à l'entrée. Certains venaient de la frontière espagnole, d'autres de la Manche, ou encore étaient des résidents locaux avec des abonnements annuels. Comprenant que la voiture transportant le panda allait passer sans qu’ils puissent voir Yuan Meng en personne, certains ont été déçus, une dame âgée a même été émue aux larmes.
Derrière la vitrine, dix ans de négociations
Le 15 janvier 2012, après dix ans de négociations entre gouvernements chinois et français, les pandas géants Huan Huan et Yuan Zi, accordés en location par le gouvernement chinois au gouvernement français, arrivaient à l'aéroport Charles de Gaulle à bord d'un avion spécial FedEx, marquant le début du programme de coopération franco-chinois sur la reproduction des pandas géants. Kong Quan, l'ambassadeur de Chine en France, et d’autres dignitaires français étaient présents à l'aéroport pour les accueillir. Les médias français s’étonnaient alors de cet accueil, digne d'un chef d'État ou d'une star de cinéma, réservé aux deux ursidés. Rodolphe Delord, le directeur du parc de Beauval, déclarait : « Si les pandas reçoivent un tel traitement, c’est parce que le prêt de pandas géants par la Chine est un geste diplomatique résultant de négociations nationales de plusieurs années entre la France et la Chine. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point ces pandas sont importants pour le gouvernement chinois et le peuple chinois. Nous devons donc les accueillir avec tous les honneurs, ce sont des trésors nationaux en Chine. » R. Delord, venu de Chengdu à Paris avec les animaux, a ajouté : « Quand la Chine accepte de prêter des pandas à un pays, cela signifie qu'elle lui fait confiance et témoigne de son amitié. »
Depuis 2005, le zoo de Beauval, situé à Saint-Aignan (Centre- Val de Loire), collabore avec la base de recherche sur la reproduction des pandas géants de Chengdu en Chine. Afin de créer un habitat confortable pour les pandas, le zoo a dû faire venir des experts paysagistes en architecture traditionnelle chinoise et importer de grandes quantités de matériaux de construction depuis la Chine. Après une sélection rigoureuse en Chine, Yuan Zi et Huan Huan, nés en 2008, ont été choisis pour être envoyés en France. À leur arrivée, Français et médias présents à l'aéroport, bravant le froid, étaient extrêmement enthousiastes. Une fois arrivés à destination au zoo de Beauval, les ursidés ont été accueillis par les habitants de Saint-Aignan venus agiter les drapeaux des deux pays.
L’arrivée de Yuan Zi et Huan Huan a suscité une couverture médiatique continue et une foule incessante de visiteurs. « Les pandas géants sont des animaux fascinants. Je vois souvent des visiteurs accourir vers les pandas et même pleurer d'émotion en les voyant. Je ne sais pas s'il existe un autre animal capable de susciter autant d’enthousiasme », a déclaré le directeur. Le nombre de visiteurs du zoo a bondi rapidement de 600 000 à 1 million par an.
Le 4 août 2017, Huan Huan donnait naissance à des jumeaux mâles, marquant la première naissance de pandas géants sur le sol français. Le jour de la naissance, le site web du zoo a enregistré 200 000 visiteurs, cinq fois plus que le nombre habituel de visites quotidiennes. Malheureusement, l'un des deux animaux est mort peu après sa naissance. Le survivant est lui, devenu très populaire. Le 4 décembre, une cérémonie de nomination a eu lieu au zoo, au cours de laquelle le jeune panda, alors âgé de quatre mois, a reçu officiellement le nom de « Yuan Meng ». Ce nom a été choisi conjointement par Peng Liyuan, l'épouse du président chinois Xi Jinping, et Brigitte Macron, l'épouse du président français Emmanuel Macron, symbolisant les souhaits d’une longue amitié entre la France et la Chine. Le président Emmanuel Macron lui-même a rendu visite à Yuan Meng au zoo lors de son 40e anniversaire.
En 2018, le nombre de visiteurs venus voir les pandas géants au zoo de Beauval atteignait un record de 1,55 million de personnes : « Chaque matin, les gens se précipitent pour voir les pandas. Ils courent depuis l'entrée du zoo, certains fans s'habillent même en pandas, portant des T-shirts avec des motifs de panda, des sacs en forme de panda et des chapeaux de panda », nous précise-t-on au zoo. À chaque anniversaire de Yuan Meng, des milliers de Français affluent au zoo de Beauval.
Trois naissances en quatre ans, cinq pandas à nourrir
Le 2 août 2021, Huan Huan donnait naissance à des jumelles, déclenchant une nouvelle vague d'intérêt. Pour nommer les deux ursidés, le zoo de Beauval avait organisé un vote en ligne. En deux semaines, plus de 120 000 internautes français y avaient participé, une majorité de votes allant aux noms « Huan Lili » et « Yuan Dudu ». Le 18 novembre, pour la cérémonie de nomination, étaient présents le champion olympique chinois de plongeon Zhang Jiaqi, et le footballeur français Kylian Mbappé. Malgré le froid hivernal à Beauval ce jour-là, l'atmosphère était amicale et chaleureuse, avec des moments forts jusque tard dans la nuit. Dans le nom de Huan Lili, « Huan » vient du nom de la mère, Huan Huan, et « Lili » provient de la transcription chinoise de « Paris » ; pour Yuan Dudu, « Yuan » vient du père et « Dudu » se rapporte à la ville de Chengdu. En quatre ans, trois pandas géants étaient nés en France, un petit miracle.
À Beauval, avoir cinq pandas en résidence a un coût. En plus des coûts de construction et de rénovation de leur habitat, la location n’est pas gratuite. Le loyer annuel des animaux s'élève à 800 000 euros, auxquels doivent être ajoutés plus de 60 000 euros par an pour les bambous dont ils se nourrissent. Les pandas géants sont sans doute les animaux les plus coûteux du zoo, mais probablement aussi ceux qui ont apporté le plus de bénéfices. Depuis leur arrivée, le nombre de visiteurs a explosé, nécessitant l'agrandissement des parkings et l’adaptation des structures pour bientôt presque 2 millions de visiteurs par an. L'économie locale a également profité de cette augmentation, comme l'a souligné M. Delord : « L'année de l'arrivée des pandas, nous avons embauché 100 nouveaux employés, et depuis lors, nous avons ajouté plusieurs centaines d'employés. Pour chaque euro dépensé au zoo, 1,1 € est dépensé dans la région ; pour chaque emploi créé au zoo, 2,5 emplois sont créés dans la région. » En partie grâce aux produits dérivés autour des pandas, le chiffre d'affaires annuel du zoo de Beauval a atteint 150 millions d'euros.
Selon les accords internationaux, les oursons nés hors de Chine doivent être renvoyés avant l'âge de quatre ans pour éviter toute consanguinité. Mais en raison de la pandémie, le retour de Yuan Meng a dû être retardé. Le 4 mai 2023, le zoo de Beauval annonçait sur ses réseaux sociaux le retour de Yuan Meng en Chine pour le 4 juillet 2023. En raison de problèmes administratifs, la date a été reportée au 25 juillet.
Pour voir le petit panda une dernière fois, Véronique et sa famille, habitant près de Lyon, ont conduit des centaines de kilomètres pour arriver tôt le matin. La mère de famille a confié aux journalistes qu'elle suivait Yuan Meng à distance depuis sa naissance, vérifiant presque tous les jours son état en ligne. Pendant cinq ans, elle est venue plusieurs fois au zoo juste pour le voir manger des bambous et se balader maladroitement dans le parc.
Le 17 mai 2023, Brigitte Macron est également venue spécialement au zoo pour faire ses adieux à Yuan Meng, passant près de trois heures avec lui. Une dernière rencontre qui l’aurait rendue un peu triste, mais espérant avoir l'occasion de lui rendre visite en Chine à l'avenir : « Je connais Yuan Meng depuis maintenant cinq ans et demi, et chaque fois que je me tiens devant lui, je suis très émue. Je ne saurais dire pourquoi je ressens cela. En tout cas, quand je suis devant lui, je ne veux pas le quitter. »
Outre celle de Yuan Meng, la présence en France de Huan Huan et Yuan Zi touche également à sa fin. Leur contrat, signé dans le cadre du programme de coopération franco- chinois sur la reproduction des pandas géants, était initialement prévu pour durer 10 ans, et devait se terminer en 2022. Après négociations, les deux parties ont accepté de prolonger la location : Huan Huan et Yuan Zi resteront donc à Beauval jusqu'en 2027.
L'histoire de l'affection pour les pandas entre la France et la Chine remonte à loin. En 1869, le biologiste français Armand David découvrait le panda géant dans le comté de Baoxing dans la province du Sichuan en Chine, faisant connaître cet animal rare à l’Europe pour la première fois. En septembre 1973, lors de la visite en Chine du président français Georges Pompidou, le Premier ministre chinois Zhou Enlai avait offert au nom du gouvernement chinois à la France deux pandas géants, Li Li et Yen Yen. Ces pandas avaient été capturés dans la nature au Sichuan au printemps 1973. Après un bref séjour au zoo de Pékin, les deux pandas, alors âgés d'environ un an, avaient embarqué le 8 décembre de la même année sur un vol direct vers Paris à bord d'un Boeing 707 d'Air France. Malheureusement, dès son embarquement, la santé de Li Li s'était détériorée. Quatre mois après son arrivée en France, le 20 avril 1974, il mourait à cause d’un cancer du pancréas. Yen Yen, privé de compagnon, a reçu les soins les plus attentifs, devenant la coqueluche du zoo de Vincennes. En 1981, le président Valéry Giscard d'Estaing était allé personnellement au zoo pour voir le panda. Mais en décembre 1999, Yen Yen s’est trouvé également atteint d’une tumeur. Malgré les traitements, le panda est mort le 20 janvier 2000. Il aura vécu 26 ans en France, devenant malgré lui le témoin d’un lien discret mais durable entre deux nations.
Photo : Zhang Jiaqi et Kylian Mbappé en présence des pandas nouveaux-nés Huan Lili et Yuan Dudu. © Gao Jing/Xinhua
Commentaires