
[Exposition] Chine – France 60 ans - Souvenirs partagés : voyage dans le quotidien de l'amitié sino-française
Dans le paysage complexe des relations internationales, la liaison diplomatique franco-chinoise se distingue par son caractère unique et sa profondeur historique. Établie en 1964, cette connexion entre deux des cultures les plus anciennes et les plus influentes du monde marque un tournant dans les annales diplomatiques, reflétant un engagement partagé vers la compréhension mutuelle et le respect culturel. Cette année, pour honorer le 60e anniversaire de ces liens formels, une exposition captivante voit le jour, intitulée « Exposition des histoires vivantes ».
Cette initiative, portée par le groupe média Nouvelles d’Europe (Guang Hua Cultures et Média), et notamment promue par le célèbre acteur chinois Huang Bo qui parraine l’événement, cherche à célébrer non seulement ces six décennies de relations diplomatiques, mais aussi l'année du tourisme culturel 2024 qui unit la Chine et la France. L'exposition gratuite, prévue du 23 mars au 12 avril 2024 à Gentilly, au centre des Amis de Nouvelles d’Europe, aspire à mettre en lumière les histoires personnelles et les objets symboliques qui incarnent l'esprit de cette amitié bilatérale.
Joël Bellassen est ancien
professeur d'université et inspecteur de chinois de l'Éducation nationale. En
1973, il est étudiant lorsqu'il se rend en Chine, alors en pleine Révolution
culturelle, pour un séjour d'étude. Il y acquiert ce réveil matin. © Ma
Xingjian/Nouvelles d'Europe
Des artefacts aussi variés qu'une lettre de Ba Jin, une épée olympique et un masque de singe enfantin, jusqu'à une imprimante historique et des œuvres d'art illustrant le kung- fu, chaque pièce sélectionnée pour l'exposition raconte une histoire d'admiration et d'échange culturel, illustrant la richesse des contributions individuelles à cette relation complexe.
Photographie de Ba Jin, dans sa chambre au collège Jean de La Fontaine à Château-Thierry (1927 – 1928). Source : Tony Legendre
Machine à écrire avec caractères
chinois (1976). Elle servait à taper les premières publications d'informations en chinois dans l'Hexagone. © Ma
Xingjian/Nouvelles d'Europe
Depuis ses débuts, la relation franco-chinoise a transcendé les simples échanges diplomatiques et commerciaux pour embrasser des domaines aussi variés que la culture, l'art, la technologie, et même le sport. Cette exposition promet d’en révéler les multiples dimensions, offrant une perspective unique sur l'impact durable de la coopération sino-française, à travers l'histoire vivante et les témoignages émouvants de l'interconnexion humaine au-delà des frontières politiques et géographiques. En voici une sélection :
Sun Wukong, le héros de tous les enfants
Masques de Sun Wukong. © Ma Xingjian/Nouvelles d’Europe
Antoine Le Grix a 28 ans. De mère chinoise et de père français, tous deux passionnés d’archéologie, il vit depuis son plus jeune âge à cheval sur deux cultures. Cet entraîneur de natation basé à Chambéry a développé depuis sa plus tendre enfance une affection particulière pour Les Pérégrinations vers l’Ouest et son personnage fétiche : Sun Wukong, le fameux « singe pèlerin ». Comme beaucoup de petits Chinois, il a été « biberonné » aux films d’animation adaptés de ce grand roman du XVIe siècle. « Sun Wukong m’a beaucoup influencé. Grâce à lui notamment, j’ai fait du kung-fu, ce par quoi je me suis en partie construit et qui me sert encore dans le sport aujourd’hui », confie-t-il. Témoins de cette jeunesse au confluent de l’Orient et de l’Occident, il chérit deux masques de Sun Wukong, datant des années 60 et 90, trouvés sur des brocantes en Chine.
Dans l’Aisne, Château-Thierry, source d’inspiration littéraire
Livre en hommage à Ba Jin, compilé par la ville de Château-Thierry. © Ma Xingjian/Nouvelles d’Europe
Devant le collège Jean Racine à Château- Thierry, Tony Legendre nous présente une plaque sur laquelle figure une photo de l’écrivain chinois Ba Jin (Li Yaotang de son vrai nom, 1904-2005), posant dans sa chambre. En effet, parmi les nombreux Chinois venus étudier en France au début du XXe siècle, et qui ont connu une grande notoriété après leur retour au pays, figure Ba Jin, passé à Château-Thierry entre 1927 et 1928, dans ce même collège (qui s’appelait alors Jean de La Fontaine). C’est là même qu’il aurait écrit son premier roman Destruction.
Tony Legendre est un ancien professeur d’anglais du collège Jean Racine, aujourd’hui à la retraite. Pour parfaire l’écriture d’un ouvrage sur l’histoire de son établissement, il prend contact avec Ba Jin qui y avait séjourné, lui demandant quelques témoignages. Contre toute attente, Ba Jin lui répond très vite avec une lettre accompagnée de quelques photos de ses voyages en France, dont une de 1979, lors d’une tournée à l’occasion de la traduction en français de sa grande œuvre, le roman Famille. C’est le début d’un vif intérêt de l’homme pour la Chine qui se concrétisera par diverses manifestations, dont l’apposition de la plaque en hommage à Ba Jin à l’entrée du collège de Château-Thierry, ou encore la publication d’un livre-hommage.
Dessin : le style français... à la chinoise
Publications à l'encre de Pierre Cornuel © Ma Xingjian/Nouvelles d'Europe
Pierre Cornuel est un auteur pour la jeunesse, peintre et illustrateur français. Fasciné par la peinture traditionnelle chinoise, sa simplicité et sa force suggestive, il décide d’en apprendre les techniques pour les intégrer dans un style nouveau. Celui-ci rencontrera un fort succès en France comme en Chine. Il est régulièrement invité en Chine pour animer des ateliers de dessins. Parmi ses œuvres représentatives de ce croisement des cultures chinoise et française, il y a Le Héros. « Se dépasser soi-même est plus important que dominer les autres », peut-on lire au dos du livre. Dédiée à ses étudiants, la phrase résume la philosophie derrière ce conte chinois illustré entièrement à l’encre de Chine racontant l’histoire d’une brute qui pense que tout lui est permis.
Le plus français des grands maîtres chinois de la peinture
Carte de vœux de 2004 adressée par Dominique de Villepin, alors ministre des Affaires étrangères. Peinture de Zao Wou-Ki, poésie d'Édouard Glissant. © Ma Xingjian/Nouvelles d'Europe
Marie-Laure Viébel de Villepin, l’ancienne épouse de Dominique de Villepin, lui-même ancien Premier ministre et ancien ministre des Affaires étrangères français, est artiste et sculptrice. Lors du passage de son mari au Quai d'Orsay, elle a l’idée de faire illustrer les menus des dîners officiels par des artistes. L’un de ces menus, à l’occasion de la visite du Premier ministre chinois en France en 2002, a été signé par Zao Wou-ki (1920-2013). Ce maître de la peinture aura été sa première approche de la Chine. Touchée par son sens des couleurs et son imaginaire, elle reconnaît aussitôt son rôle de pont entre les cultures française et chinoise. Ce sera aussi le début d’une belle amitié. Plus tard, Marie-Laure de Villepin découvrira la Chine accompagnée du peintre, et sera fascinée par l’immensité d’un pays « bouillonnant de vie ». De cette amitié, elle garde plusieurs souvenirs, des cartes, des peintures, et également une blouse du peintre que l’épouse de Zao Wou-ki lui offrira.
Buon Tan, symbole d’une intégration républicaine
L'écharpe tricolore de l'ancien député Buon Tan © Ma Xingjian/Nouvelles d'Europe
Ancien député de l’Assemblée nationale, ancien conseiller de Paris et ancien adjoint au maire du 13e arrondissement de Paris, Buon Tan, né en 1967 au Cambodge (comme ses parents le sont), arrive en France à l’âge de 8 ans. Son lien avec la culture chinoise est hérité de ses grands-parents. Il met les pieds en Chine pour la première fois dans les années 80, pour un stage intensif de mandarin à l’université de Pékin. « C’était un autre monde » se souvient-il.
En 2008, il est élu à la mairie du 13e et initie le jumelage avec la ville de Chaozhou (Teochew). Lors d’une visite à Xi’an avec le maire du 13e sur le site de l’armée en terre cuite, il commande au musée deux répliques de soldats qui, après un long périple, trônent depuis à la mairie du 13e pour accueillir les visiteurs. C’est d’ailleurs avec une grande émotion qu’il reverra l’armée en terre cuite quelques années plus tard en compagnie du président Macron. Mais ce dont il est le plus fier, c’est son écharpe tricolore : celle qu’on lui a remise lors de son premier jour d’élu à l’Assemblée nationale... Son seul regret étant que son père n’était plus là pour la voir de son vivant.
Quitter l’école en Chine... pour ouvrir une maison d’édition à Paris
Les personnages de Yaya et Tudou. Source : Xu Gefei
Xu Gefei est née en Chine en 1979. Elle quitte l’école assez tôt mais se passionne à 16 ans pour les mangas, les cultures étrangères et apprend l’anglais en autodidacte. Elle vit de petits boulots avant de se décider à venir en France. À Paris, elle se dévoue rapidement à l’adaptation des grands romans chinois en français. Elle remarque très vite que beaucoup des œuvres à la base de la culture chinoise n’ont pas leur place dans les rayons des librairies françaises. Elle décide d’y remédier en devenant l’une des éditrices les plus influentes de la communauté chinoise avec ses éditions Fei, spécialisées en bandes dessinées. Parmi ses succès éditoriaux ? Le Voyage vers l’Ouest, bien sûr, le livre qui raconte l’histoire des aventures de Sun Wukong ! Mais l’œuvre dont elle est la plus fière, c’est La Balade de Yaya, une œuvre franco-chinoise de Golo Zhao, Jean- Marie Omont, Charlotte Girard et Patrick Marty, qui raconte l’histoire de deux enfants, Yaya et Tudou, dans une Chine en proie à l'invasion japonaise au début de la Seconde Guerre mondiale. Un succès énorme avec plus de 200 000 exemplaires vendus !
Souvenirs d’un tournage hors du commun
Jacques Malaterre dans sa veste de livreur chinois. DR.
Jacques Malaterre est réalisateur, auteur, metteur en scène de films et de théâtre. En 2020, un projet est lancé pour un documentaire de paléoanthropologie sur l’homme de Pékin, nom donné à un ensemble de pièces fossiles trouvées près de la capitale chinoise. Le projet est co-produit par la France et par la Chine. On choisit de raconter l’histoire de la lignée humaine par le prisme de l’Asie, c’est-à-dire du point de vue de la préhistoire chinoise.
Mais nous sommes en pleine pandémie, Jacques Malaterre décide de partir seul à Pékin constituer son équipe sur place. Les acteurs et techniciens seront tous chinois, le laissant seul occidental sur les lieux du tournage. « Un merveilleux souvenir, on a créé des liens formidables. Aujourd’hui encore on se voit dès qu’on peut », confie-t-il. À la suite de ce tournage, il rencontrera même le président Xi Jinping lors du dernier voyage présidentiel d’Emmanuel Macron en Chine en 2023. Fasciné de découvrir une Chine qu’il connaissait peu, il s’intéresse à tout ce qu’il découvre. Face à son intérêt pour le système chinois de livraison de repas, une comédienne lui offre un jour une veste de livreur Meituan (le Deliveroo chinois), vêtement-souvenir qu’il porte encore aujourd’hui.
Le plus chinois des maîtres d’armes français
Le sabre de Christian Bauer, utilisé en Chine pendant l'entraînement de l'équipe olympique chinoise. © Ma Xingjian/Nouvelles d'Europe
En 1990, Christian Bauer, maître d’armes spécialisé dans le maniement du sabre se rend en Chine pour un stage d’enseignement, premier contact qui lui laissera une très bonne impression. Puis en 2006, la fédération chinoise d’escrime lui propose un contrat, il y retournera travailler jusqu’en 2010. Sa mission : la préparation des athlètes chinois pour les Jeux olympiques de Pékin de 2008.
Passé le choc culturel des premiers mois, il s’intéresse très rapidement à ces athlètes « très motivés, avec beaucoup de qualités ». Son dévouement sera payant : Zhong Man remportera une médaille d’or en sabre homme, le premier tireur chinois à remporter une médaille d’or à l’escrime. Pour le monde de l’escrime, cette médaille était une grande surprise, d’autant plus que la très réputée équipe féminine chinoise en cette saison ne fera pas aussi bien qu'escompté, avec une seule médaille d’argent. Aujourd’hui, il continue à travailler avec la Chine en dispensant des conseils techniques. De cette expérience, il a gardé notamment le sabre avec lequel il a travaillé en Chine.
Exposition des histoires vivantes
Du 23 mars au 10 mai 2024
Les Amis de Nouvelles d’Europe
48 Rue Benoît Malon
94250 Gentilly
Horaires et renseignements : 01 41 24 41 40
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