Un spectacle qui unit tradition et modernité - « Wing Chun » : entre danse, art martial et diplomatie culturelle

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Avec Wing Chun, la Chine fait rayonner son patrimoine culturel sur la scène internationale. Ce spectacle alliant histoire et modernité, danse et arts martiaux, incarne une nouvelle forme de diplomatie culturelle, où l’art traditionnel devient un puissant vecteur de soft power.

Le soir du 4 octobre 2024, la salle du palais des Congrès de Paris résonnait d’applaudissements et d’acclamations, marquant le succès de la première du spectacle original Wing Chun, interprété par la troupe de l’opéra de Shenzhen, venue de Chine pour une tournée au Royaume-Uni et en France. Plus de 3 000 spectateurs se sont levés pour applaudir la performance. Parmi eux, l'ambassadeur de Chine en France, Lu Shaye, accompagné de son épouse Wang Liwen, ainsi que des représentants chinois et français de divers horizons, responsables politiques, chefs d'entreprise et représentants de la communauté chinoise en France, invités pour l’événement.

Un spectacle d’arts martiaux qui enflamme le palais des Congrès

L'intrigue à deux volets de l’œuvre raconte l'histoire du légendaire maître d'arts martiaux Ip Man, spécialiste du wing chun, une branche des arts martiaux du sud de la Chine, et que Bruce Lee rendra populaire plus tard au cinéma en reprenant quelques unes de ses techniques.

Sur scène, combats et danses ont parfaitement fusionné, avec des démonstrations impressionnantes d’art martiaux et des scènes utilisant le xiangyunsha, cette soie précieuse originaire de Foshan, dans le Guangdong. Grâce à l’énergie des duels au sommet suivis de scènes empreintes de passion, les acteurs ont su raconter l’histoire d’un héros ordinaire poursuivant ses rêves, dévoilant au passage des éléments de la culture traditionnelle chinoise au public français. La performance aura rempli la salle d’une ambiance euphorique, de nombreux spectateurs restant longtemps après la fin du spectacle.


Interrogé sur la représentation, l'ambassadeur Lu Shaye a affirmé que « Le wing chun, célèbre école d'arts martiaux de la région du Guangdong, incarne des valeurs telles que la résilience, la justice et l’intégrité, des valeurs profondément ancrées dans la culture chinoise depuis des millénaires ». L'ambassadeur a exprimé l’espoir que la représentation permettrait au public français de « mieux comprendre la véritable culture traditionnelle chinoise et son lien avec l’art moderne. »

Parmi les invités au spectacle, des universitaires, des blogueurs, ou encore des spécialistes des arts martiaux, se sont exprimés positivement sur le spectacle. Directeur de l’opéra royal du château de Versailles, Laurent Brunner, a quant à lui salué la parfaite fusion entre l'art de la danse et la culture traditionnelle chinoise, affirmant que cette représentation avait ouvert une porte sur la beauté de la culture traditionnelle chinoise. Il a également souligné que la musique de Wing Chun intégrait des éléments typiquement chinois tout en fusionnant habilement la puissance de la musique symphonique moderne avec la finesse de la musique classique chinoise.

Thérapeuthe, Corentine Lanming a assisté à la représentation avec sa famille et ses amis. Longtemps après la fin du spectacle, ils étaient encore dans la salle, prenant des photos et applaudissant la performance. En sortant du théâtre, ils se sont arrêtés devant la grande affiche pour prendre encore quelques clichés. Interrogée, elle a déclaré que : « le spectacle était absolument incroyable et que tout le monde l'avait adoré ». Les enfants auraient tellement crié pour applaudir qu’ils en avaient presque perdu la voix…

Photo collective réunissant les artistes autour de l'ambassadeur de Chine en France Lu Shaye (au centre) ainsi que d'autres officiels et invités, à la fin du spectacle Wing Chun à paris, le 4 octobre 2024. © Huang Guanjie/Nouvelles d'Europe

Projet phare de l’opéra et théâtre de danse de Shenzhen soutenu par le Fonds national pour les arts de Chine, la pièce de danse Wing Chun est produite par l'association d'Échanges Culturels de Shenzhen en partenariat avec le bureau de la culture, de la télévision, du tourisme et des sports de Shenzhen. Elle aura été représentée quatre fois au palais des Congrès de Paris, du 4 au 6 octobre, après plus de 208 représentations depuis sa création, en 2022. En ce sens, le spectacle illustre parfaitement la stratégie chinoise derrière la promotion de cet art martial à l’étranger, faisant du wing chun et de ses figures emblématiques, un vecteur de soft power.

Le wing chun, le nouvel ambassadeur culturel de la Chine

Presque tous les pays utilisent la diplomatie culturelle pour promouvoir leur image et renforcer leurs relations internationales. Outre les institutions éducatives, comme les Alliances françaises, Instituts Confucius et autres Instituts Goethe qui promeuvent la langue et la culture de leurs pays, les représentations artistiques font aussi partie du panel d’outils utilisés. On peut citer par exemple, FranceDanse, initiative culturelle soutenue par l'Institut Français, qui est l'institution publique responsable de la promotion de la culture française à l'étranger. Ce festival présente des performances de danse contemporaine de chorégraphes français dans divers pays, visant à accroître la visibilité de la danse contemporaine française au niveau international ; ou encore le Silk Road Ensemble, créé par le violoncelliste Yo-Yo Ma, un collectif international de musiciens, soutenu en partie par des fonds américains comme ceux de la Mellon Foundation et de la National Endowment for the Arts, et qui mêle des traditions musicales de l’Asie avec des influences occidentales pour encourager la compréhension culturelle.


La Chine s’est longtemps appuyée sur son réseau de centres culturels à l’étranger dont le premier fut établi à Paris en 2002. Elle a aussi beaucoup promu les tournées mondiales de troupes de danses et d’opéra traditionnels. Mais le cas de Wing Chun diffère : celui-ci combine innovation artistique et stratégie économique pour s'imposer sur des scènes prestigieuses comme Londres et Paris. Cela reflète aussi une volonté de moderniser l'image de la culture traditionnelle chinoise et d'en élargir l'influence en Occident. Comme l’écrit le Quotidien du Peuple : « Wing Chun a rompu avec le modèle traditionnel entièrement financé par l’État pour les projets culturels à l'étranger. Il a adopté une approche commercialisée, avec des représentations dans des capitales mondiales de l’art scénique comme le West End de Londres et le palais des Congrès de Paris. Ce modèle de grande envergure et à multiples représentations est sans précédent dans l’histoire de la diffusion internationale de l’artde la danse chinoise. »

Le journal rapporte que de nombreux partenaires internationaux se seraient manifestés pour accueillir la troupe de Shenzhen. Ainsi le directeur artistique du Tanztheater Harz en Allemagne, Tarek Assam, aurait révélé qu'il était en discussion sur ce point. De même, le président du Centre de Conférence Méditerranéen de Malte aurait exprimé son vif intérêt après l'avoir vue à Paris.

Un héros national et universel

« Ces expériences montrent que suivre une voie commerciale, utilisant un mécanisme de marché, est essentiel pour que la culture chinoise gagne en respect et en durabilité en Occident, conclut le Quotidien. Une nouvelle ère pour les exportations culturelles chinoises émerge. »


Si la pièce Wing Chun est un succès, c’est parce qu’elle ne se contente pas de célébrer un art martial populaire, mais elle capitalise également sur des symboles profondément enracinés dans l'histoire chinoise. Contrairement à Bruce Lee, né aux États-Unis et souvent perçu comme une figure transnationale, Ip Man, son maître, né en Chine et ayant vécu les épreuves de la guerre sino-japonaise, personnage touchant de par son parcours, incarne une histoire davantage ancrée dans la Chine. Cela fait de lui une figure mieux adaptée à l’image de héros national reprise par la diplomatie culturelle chinoise.

Enfin, le wing chun est l’un des arts martiaux chinois les plus pratiqués à l’international. Si celui-ci présente plusieurs branches avec des styles distincts, c’est celle d’Ip Man qui aura le plus essaimé en dehors des frontières de Chine, ce qui le rend particulièrement intéressant pour promouvoir la culture chinoise à l’étranger. Utiliser Ip Man et le wing chun, c’est, en dépeignant un héros profondément chinois mais qui reste universel, mettre en avant une image de la Chine à la fois traditionnelle et moderne.

Photos issues du spectacle Wing Chun, du Shenzhen Opera & Danse Theater. Source : Cheyenne Bis et Shenzhen Opera & Danse Theater.

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