[Ces chinoises au destin exceptionnel] Wu Zetian, l'unique "femme-empereur" de l'histoire chinoise

1626774106133 Le 9 Hu Wenyan

Singularité de l'histoire impériale, la dynastie Zhou et son unique souverain, Wu Zetian, seule femme à avoir su briguer le statut d'empereur, marquent l'acmé d'une époque, celle des Tang, qui sombrera ensuite dans le déclin. Traditionnellement dépeinte comme cruelle, elle peut être vue de nos jours sous un angle plus humain.

Femme du père et du fils

Originaire du Shanxi, Wu Zetian, benjamine d'une famille de fonctionnaires, a reçu une éducation soignée. À 14 ans, d’une beauté exceptionnelle, elle est sélectionnée comme concubine de « cinquième rang », mi-épouse, midomestique, de Li Shimin, deuxième empereur de la dynastie Tang, alors âgé de 40 ans. Au même moment surgit une prophétie mystérieuse au sein du palais : une impératrice nommée Wu mettra fin à la dynastie Tang. Li Shimin n’y croit pas vraiment, mais veille tout de même à garder ses distances avec Wu Zetian en la mettant à l’écart. C’est le début d’une descente en enfer pour cette audacieuse, qu’on surnomme « Mei Niang », ou « femme charmeuse », et qui apprend très vite qu’il est dangereux pour une femme de vivre de sa seule beauté physique et des bonnes grâces des hommes. Durant toute une décennie, elle vit à la marge mais commence alors à côtoyer le prince héritier Li Zhi, de 4 ans son cadet, rencontré lors d’une visite de celui-ci à son père. Après le décès de Li Shimin, la jeune veuve de 25 ans est envoyée dans un monastère à vie, mais réussit à séduire Li Zhi, pour devenir cinq ans plus tard son épouse, impératrice et bras droit. 

« Femme méchante » 

Main dans la main, le couple Li Zhi - Wu Zetian, s’autoproclame Ersheng (« divinité double ») et achève d'asseoir sa domination politique en disloquant les oppositions des grandes familles aristocratiques et militaires. De constitution chétive, l'empereur compte beaucoup sur son épouse pour régner. Unique dans son genre, Wu Zetian gravit les échelons en faisant sienne les lois les plus élémentaires de la politique impériale : dominer les contestataires « comme on dresse les chevaux », à savoir, en les fouettant, battant puis en leur coupant la gorge. Aussi manipulatrice que visionnaire, excellant dans la politique de la terreur, elle est l’exception qui confirme la règle. En 686, trois ans après le décès de l’empereur, alors régente pour son fils, elle instaure des centres de dénonciation à travers le pays, infligeant des supplices inouïs à ses adversaires politiques. En 690, elle finira par s’autoproclamer « empereur de la dynastie Zhou » qui dura de 690 à 705. Mais cette « femme méchante et ordure », comme on peut le lire dans L’Ancien Livre des Tang, promeut aussi la méritocratie et réforme l’examen mandarinal pour tirer le meilleur de ses ministres. Sous son règne, les femmes entrent également dans la vie politique par la petite porte : ainsi de Shangguan Wan'er, petite fille d'un homme d'État criminel, qui devient sa secrétaire personnelle et l’une des fonctionnaires féminines les plus influentes de l’histoire chinoise. Pour Wu, les capacités l'emportent sur les stéréotypes de genre et les origines familiales. 

Femme malgré elle 

À la fin du VIIe siècle, Wu Zetian, l'unique impératrice régnante de l'histoire de Chine, doit désigner un héritier. Si ses fils, portant le nom Li, lui sont liés par le sang, ses neveux ont l’avantage de porter son nom de famille. Elle hésite et consulte ses conseillers. Peut-elle faire perdurer sa propre dynastie, et garder son statut de bâtisseuse ? Le chancelier Di Renjie lui répond par une autre question : « Dans l’histoire y eut-il jamais  d’empereurs honorant la mémoire de leurs tantes au sanctuaire des ancêtres impériaux ? » Son troisième fils, Li Xian, devient alors en 698 l'héritier du trône, restaurant de fait en 705 la dynastie Tang à la mort de sa mère et après un bref intermède qui restera dans l’histoire. Wu Zetian, prisonnière du patriarcat confucianiste ? Ce serait le comble de l'ironie, alors que la souveraine chinoise, s'étant affranchie d’une lourde tradition impériale, apparaît toujours plus comme un fait saillant de l’histoire au milieu de ses confrères masculins.

Photo : Domaine public, via wikimédia commons

Article initialement paru dans Le 9 magazine n°41, Juillet 2021.

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