
[Ces chinoises au destin exceptionnel] Wu Mei, nonne rebelle à l'origine de la boxe wing chun
Largement popularisé par Bruce Lee et son maître Ip Man ainsi que les films d’art martiaux chinois des 30 dernières années, le wing chun, un style de combat originaire du sud de la Chine, a été développé par une femme, une nonne semi-légendaire du XVIIe siècle qui fut également fondatrice de plusieurs styles d’arts martiaux encore pratiqués aujourd’hui.
Wu Mei (Ng Mui) est issue d’une noble famille et fille d’un général de la dynastie Ming (1368 - 1644). Elle reçoit une très bonne éducation et est initiée aux meilleurs arts martiaux dès son plus jeune âge. On lui attribue notamment la création de cinq grands styles qui sont le Wu Mei Pai, le Dragon, la Grue Blanche, le Hung-gar et le Wing chun.
Ayant perdu ses parents dans le siège de la capitale des Ming par les Mandchous, Wu Mei devient une rebelle anti-Qing et se réfugie au temple Shaolin du sud au Fujian où elle enseigne ses connaissances en arts martiaux aux côtés d’autres moines. Considéré par le gouvernement impérial comme abritant des moines nuisibles, le temple est détruit mais Wu Mei réussit à échapper à l’incendie. Elle s’enfuit au temple de la Grue blanche dans les monts Daliang (situés entre le Sichuan et le Yunnan) où elle continue de développer sa maîtrise des arts martiaux. Wu Mei voulait notamment développer un nouvel art martial davantage adapté aux femmes, habituellement de plus petite taille et moins fortes que les hommes. Pour ce, elle invente des techniques efficaces qui peuvent exploiter les faiblesses des styles de combat traditionnels dans lesquels elle remarque des postures trop rigides, des coups de pieds trop hauts placés qui menacent l’équilibre et des mouvements circulaires beaucoup trop lents en combats rapprochés.
Le récit le plus connu raconte que Wu Mei rencontre un jour une jeune femme, Yim Wing-chun, pourchassée par des bandits qui veulent la marier de force. La prenant sous son aile, Wu Mei lui enseigne son nouvel art martial, à la fois rapide à maîtriser, adapté à la petite taille des femmes et ne nécessitant que peu de force physique. Bien sûr, Yim Wing-chun gagne contre les bandits et se marie par amour avec un certain Leung Bok-chow à qui elle transmet le style acquis auprès de la nonne. À la mort de sa femme, ce dernier donna son nom à cette technique en hommage à sa femme et « premier élève » de Wu Mei.
Plusieurs siècles plus tard, de nombreux changements ont influé sur le wing chun, notamment l’ajout d’armes et certaines méthodes d’entraînement. Aujourd’hui, si plusieurs écoles de wing chun coexistent, aucune n’est considérée comme « véritable » ou « authentique ». Et l’on utilise communément le terme « traditionnel » pour le style utilisé et enseigné par Ip Man, certainement plus pour son image marketing que pour une réelle tradition. Mais la base de toutes les variantes reste la même : une technique basée sur l’efficacité, et ce grâce à une grande économie d’énergie accompagnée de mouvements courts à partir d’une position centrale très stable qui permettent des réactions rapides sur 180°. Les esquives sont souples avec des contre-attaques rapides et intenses. Encore aujourd’hui, Wu Mei reste un personnage empreint de légendes car son existence n’a pas été authentifiée et différentes versions de son histoire existent. Certains historiens ont émis l’hypothèse que Wu Mei est un nom qui servait en réalité de couverture à une révolutionnaire du XVIIe siècle nommée Chan Wing-wah ou encore que la biographie de Wu Mei serait inspirée de la vie de Feng Qi Nian, la fondatrice du style de la Grue Blanche. Il y a en revanche consensus sur l’origine de la boxe wing chun, indéniablement créée par une femme.
Photo : DR.
Article initialement paru dans Le 9 magazine n°41, Juillet 2021.
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