[Ces chinoises au destin exceptionnel] Qiu Jin, l'icône féministe et révolutionnaire du XIXe siècle

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Surnommée la « Chevalière du lac au miroir », cette pionnière du féminisme a passé sa courte vie à lutter pour l’émancipation des femmes en Chine. Elle mourra en martyre révolutionnaire en s’élevant contre la domination mandchoue.

Qiu Jin naît le 8 novembre 1875 à Shaoxing (Zhejiang) dans une famille aisée. Bien qu’étant une fille, elle reçoit une très bonne éducation et apprend très tôt à monter à cheval et à manier le sabre. Mais n’échappant pas à la tradition, elle subit aussi le bandage des pieds, coutume pratiquée en Chine depuis le Xe siècle. Promise au fils d’une riche famille du Hunan, Qiu Jin doit se plier à l’union décidée par son père. Le mariage se déroule dans la plus pure tradition : Qiu Jin ne découvre son mari que le soir des noces.

Influencée par un environnement familial très érudit, Qiu Jin est cependant exposée très tôt aux idées politiques modernes. En participant à un groupe de discussion de « femmes progressistes » organisé par la calligraphe Wu Zhiyin, elle prend un jour pleinement la mesure de la situation politique chinoise de son époque et de celle de la condition féminine. Elle décide alors de partir seule étudier au Japon. Une idée folle pour sa famille et surtout son mari, qui la dépossède de tous ses bijoux et argent. Mais Qiu Jin avait déjà secrètement vendu ses beaux vêtements afin de s’acheter un billet pour le Pays du Soleil levant. Au Japon, elle troque ses vêtements traditionnels pour des habits masculins et enveloppe ses petits pieds pour pouvoir porter des mocassins.

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Au début du XXe siècle, le Japon est davantage ouvert à l’influence occidentale que la Chine, Qiu Jin y développe son militantisme et se fait la pionnière du mouvement féministe chinois, lui-même étroitement lié à l’élan nationaliste anti-mandchou. Oratrice éloquente, elle n’hésite pas à défendre publiquement les causes des femmes, et comprend très tôt que l’émancipation des femmes n’était pas une priorité des progressistes. À Tokyo, elle fait la deuxième rencontre qui marqua sa vie, celle de Xu Xilin, un révolutionnaire anti-Qing qui l’intègre à l’association Guangfuhui. Ce groupe se greffera plus tard au Tongmenghui, l’association secrète fondée par Sun Yat- sen pour mener des mouvements de résistance. Fin 1905, alors que le Japon promulgue une interdiction de territoire pour tous les étudiants chinois, ceux- ci s’y opposent violemment et plus de 8 000 étudiants chinois descendent dans les rues de Tokyo. Constatant que l’étincelle révolutionnaire commençait à enflammer les Chinois, elle décide de rentrer au pays. De retour, elle y fonde le magazine Femmes chinoises (Zhongguo Nubao) à Shanghai, avec une autre poétesse, Xu Zihua. Mais la revue est suspendue par les autorités après seulement deux numéros... Revenue à sa ville natale, Qiu Jin enseigne dans l’une des premières écoles destinées aux filles, l’école Datong. Mais l’école et son poste de directrice semblent davantage une couverture pour la militante, qui garde des liens avec une organisation clandestine locale anti-mandchoue visant à restaurer la domination chinoise.

En juillet 1907, Qiu Jin est arrêtée et emprisonnée pour avoir comploté contre le gouvernement Qing et pour tentative de coup d’État. Elle est décapitée publiquement le 15 juillet 1907 à 32 ans. Plus connue comme révolutionnaire et féministe, Qiu Jin était aussi une poétesse dont les quelques œuvres littéraires reflètent une érudition exceptionnelle en lettres classiques. Elle composait des vers en utilisant des métaphores mêlant mythologie et rhétorique révolutionnaire. Un monument a été érigé en sa mémoire près du Lac de l’Ouest à Hangzhou par Sun Yat-sen en 1913. Plus tard, le gouvernement communiste fera de son ancienne résidence à Shaoxing un musée national.

Article initialement paru dans Le 9 magazine n°41, Juillet/ Août 2021.

Photo du haut : Wikipédia

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