
[Ces chinoises au destin exceptionnel] Xiao Hong, écrire et aimer au temps des guerres
Courte et intense, la vie de l'écrivaine chinoise Xiao Hong ne dure que 31 ans. Les défis auxquels elle a fait face il y un siècle, de sa vie conjugale à la précarité féminine, en passant par les rapports entre famille et profession, trouvent toujours échos auprès des femmes d'aujourd'hui et aura inspiré de nombreux artistes chinois.
Enfant maudite
1er juin 1911 : jour de la fête des Bateaux-Dragons commémorant la mort du poète Qu Yuan. Xiao Hong, de son vrai nom Sun Naiying, naît dans une famille de propriétaires et d’intellectuels à Hulan, dans le Nord-Est de la Chine. Son destin semble avoir été scellé depuis cette date. La famille Sun et son entourage, superstitieux, craignent que, damnés, ces enfants nés en ce jour jugé maléfique portent malédiction à leurs parents. Par hasard, huit ans plus tard, la mère de Xiao Hong meurt. En froid avec son père et sa belle-mère, Xiao Hong trouve refuge auprès de son grand-père. Sensible et rebelle, elle s’imprègne depuis le collège d’idées progressistes prônées par le mouvement iconoclaste du 4 mai 1919. Son envie de continuer des études ne s'affaiblit pas alors que son père lui impose un mariage sans son accord. En 1929, la mort de son grand-père marque un tournant dans sa vie : dépourvue de son dernier allié et seule attache familiale, Xiao Hong fuit son mariage forcé, déclarant malgré elle la guerre à toute sa famille.
« Écrivaine la plus prometteuse de l’époque »
Beaucoup de mystères demeurent sur la vie de Xiao Hong. Pourquoi en 1930, finit-elle par habiter avec l’homme qu’elle fuyait alors, tandis que l’union n’est plus souhaitée par les deux familles ? Celui-ci disparaît en 1932, laissant son amante seule, pauvre et enceinte dans un hôtel à Harbin. Désespérée, Xiao Hong fait appel à un journal et rencontre Xiao Jun, journaliste écrivain, un des hommes les plus importants de sa vie. Ils forment un couple aussi amoureux que littéraire, côtoyant les milieux artistiques et culturels et publiant ensemble en 1933 leur premier livre L’acheminement. Alors que l'armée japonaise multiplie des opérations militaires en Mandchourie (envahie par le Japon en 1931), Xiao Hong et Xiao Jun quittent leur région natale, séjournent dans la ville côtière de Qingdao, avant de débarquer en 1934 à Shanghai. Soutenue par Lu Xun, père de la littérature chinoise moderne, elle publie son premier roman Terre de vie et de mort. Propulsée sur le devant de la scène littéraire à seulement 24 ans, elle est alors considérée comme « l’écrivaine la plus prometteuse de l’époque ». L’écrivain Mao Dun ira jusqu’à comparer ses romans à des « poèmes narratifs », des « tableaux de paysage en couleur » ainsi que des « chansonnettes tragiques ».
La vie d’une étoile filante
De 1931 à 1941, elle écrit en moyenne 100 000 mots tous les ans. Étiquetée « écrivaine de gauche », donc proche du parti communiste, Xiao Hong, toujours à contre-courant et contrairement à son amant qui rejoint l’armée communiste à Yan’an, aspire à écrire librement sans se mêler des luttes politico-idéologiques. Sa rupture avec Xiao Jun en 1938 est aussi sentimentale qu’idéologique. Elle se marie la même année, pourtant enceinte d’un enfant de Xiao Jun, avec leur ami commun Duanmu Hongliang, pour tenter de fonder une famille « comme les autres ». En 1942, Xiao Hong meurt à Hongkong d'une maladie pulmonaire. Trois jours avant sa mort, elle conclut ainsi sa vie : « Durant la moitié de ma vie, je n’ai subi que mépris et dédains. Je serai bientôt morte et je ne me résignerai jamais ! ». Les réalisateurs Huo Jianqi et Ann Hui auront porté, en 2013 et 214, la vie tragique de l’écrivaine sur les écrans.
Article initialement paru dans Le 9 magazine n°41, Juillet/ Août 2021.
Photo : Liyinong, CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons
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