
« The Pavilion », un thriller familial chinois porté par un casting cinq étoiles
Pionnier du cinéma indépendant chinois, Wang Xiaoshuai signe avec The Pavilion sa première web-série et nous plonge dans les secrets et les non-dits d’une famille hantée par le passé.
Xuan Liang (Zu Feng), patron d’une échoppe de brioches farcis à Shaowu, dans le sud de la Chine, est un père surprotecteur, voire étouffant pour Xuan Nianmei, sa fille adolescente (Mira). Contrairement à certains pères chinois, souvent absents, il ne quitte jamais des yeux sa progéniture, et l'emmène tous les jours au lycée. Alors qu'elle s'approche de ses 18 ans, Nianmei ressemble de plus en plus à sa tante paternelle, Xuan Zhen, retrouvée morte il y a 19 ans près du pavillon de la ville. Un jour, près de l'école de l'opéra de kunqu, Xuan Liang se bat avec un garçon qui harcèle sa fille. Plus tard ce jour-là, le corps de ce dernier, inerte, est découvert au bord de l’eau. Une mort qui vient rappeler le meurtre de Xuan Zhen qui avait bouleversé la population.
©iQiyi
Première web-série de Wang Xiaoshuai, cinéaste chinois primé à plusieurs reprises à l'international, The Pavilion réunit un casting prestigieux, dont Zu Feng, Duan Yihong et Hao Lei (Summer Palace). Ce polar avait suscité énormément de curiosité avant même sa diffusion. Le réalisateur a eu l’audace de planter son décor à Shaoxing (Shaowu dans la série), ancienne ville chinoise parsemée d’innombrables hutongs et canaux. Une ville au microclimat particulier caractérisé par la chaleur, la pluie et l’humidité, qui semble exacerber l’angoisse de ses habitants, tous rongés par le doute et la culpabilité. La mise en scène, par sa couleur vert foncé aux tons froids et ses plans saccadés, exprime constamment l’horreur et les stigmates provoqués par la mort de Xuan Zhen, vécue comme un cauchemar non seulement par la famille mais par toute la ville.
©iQiyi
La famille, sujet de prédilection du réalisateur habitué de la Berlinale, se trouve de nouveau au cœur du récit. Si la ressemblance, aussi troublante que bouleversante, entre la fille et la sœur de Xuan Liang, sert de clé d'enquête pour résoudre les deux crimes, la réconciliation familiale constitue le véritable file d’Ariane. « Née dans une famille ravagée par la mort d’un de ces membres, puis-je grandir normalement comme tout le monde ? » Cette interrogation, émise par la fille rebelle de Xuan Liang, montre bien le parti pris assumé par la production de la série : porter un regard, à la fois tendre et avisé, sur les familles des victimes et leur devenir, d’autant plus que dans la vie réelle, c’est souvent le parcours rocambolesque des meurtriers qui attire toute la lumière médiatique. Le titre chinois de la série, Bajiaoting Miwu, littéralement « le pavillon à huit pieds dans le brouillard », symbolise la complexité et la solidarité des relations familiales : les huits pieds faisant référence aux huit membres de la famille Xuan.
©iQiyi
Parallèlement, l’opéra de kunqu “Le Pavillon aux pivoines” (écrit par Tang Xianzu en 1598) est un autre fil conducteur de la série. Retraçant la quête amoureuse d’une jeune femme entre la vie et la mort, le rêve et la réalité, ou encore la liberté individuelle et les carcans familiaux, la pièce évoque, en toile de fond dans la série, une mise en abyme : les habitants de la ville sont tantôt spectateurs - de l’opéra - et tantôt auteurs de leur propre vie et par conséquent acteurs de la série. Un jeu de miroir subtil entre réalité et fiction, passé et présent, que l’on trouve tout au long de la série, poussant encore plus loin les analyses psychologiques.
©iQiyi
Néanmoins, la réception de la série a été assez mitigée en Chine. Malgré la prestation magistrale des comédiens expérimentés, la jeune actrice Mira, dans les deux rôles de Xuan Nianmei et Xuan Zhen, peine à convaincre le public tant sur son jeu d’actrice que sur son incarnation des deux personnages. Si l’on compare souvent The Pavilion à la série américaine Mare of Easttown - toutes deux des miniséries ayant pour sujet le meurtre commis dans une petite ville -, le premier déçoit sur le marché chinois par un score de 5,7/10 sur Douban, tandis que le second brille par une note de 8,9/10. Au lieu de se concentrer sur les intrigues, le réalisateur chinois multiplie les indices qui brouillent les pistes tout en créant des tensions et des rebondissements, ce qui finit par lasser les spectateurs. Classée dans la catégorie “thriller” par la plateforme iQiyi, The Pavilion, contre toute attente, ressemble davantage à une série familiale. Pourtant, le concept « thriller lent », prêché par Wang Xiaoshuai, ne manque pas de singularité et a de quoi inspirer d’autres réalisateurs qui souhaiteraient réaliser une œuvre plus aboutie.
The Pavilion 八角亭谜雾
Série disponible sous-titrée en anglais sur la version internationale d’iQiyi
Nombre d’épisodes : 12
Diffusion : 13 octobre 2021
Genre : polar, drame, thriller
Réalisée par Wang Xiaoshuai et Hua Qing
Avec : Duan Yihong, Zu Feng, Hao Lei, Wu Yue, Mira...
Commentaires