La Chine se libère de son dernier fardeau : l'extrême pauvreté
La Covid-19 n’a pas été le seul ennemi de la Chine au cours de cette longue année 2020. Un autre combat s’est mené, commencé il y a plusieurs années : la lutte contre l’extrême pauvreté. Au cours du 13e plan quinquennal de 2016 à 2020, la part de la population victime de ce dernier fléau a totalement fondu. La Chine a cependant élaboré ses propres critères, autant dans la mesure que dans la lutte contre la pauvreté.
La lutte contre la Covid-19 a focalisé toutes les attentions, mais la Chine a aussi combattu l’extrême pauvreté l'année dernière. 2020 était d’ailleurs retenue comme la date butoir pour son éradication. Comme le prouvent les chiffres, celle-ci a très largement reculé au cours des 5 dernières années. Encore faut-il s’entendre sur une définition. La Chine mène d’abord un combat contre l’isolement et l’enclavement des zones touchées par la pauvreté. Elle s’attaque ensuite à ses fondements, en relogeant les populations dans de nouveaux milieux, tout en transformant de simples activités traditionnelles en de véritables vocations professionnelles.
La Chine éradique la pauvreté de ses territoires…
En Chine, ils sont des symboles de la modernité : les TGV flambants neufs qui traversent les paysages de rizières et de montagnes, les ponts et routes qui surplombent les reliefs les plus escarpés, les milliers de panneaux solaires qui recouvrent les déserts. Tous ces édifices signifient la fin de l’isolement pour de nombreuses zones rurales, qui découvrent enfin la prospérité. La fin de la pauvreté, c’est aussi l’accès à l’eau potable, à l’électricité, à Internet. Dans tous ces domaines, la Chine a fait d’immenses progrès. En 2016, le pays comptait encore 832 comtés pauvres (xian
Comme le rappelle Xia Zhengsheng, directeur adjoint du Bureau de lutte contre la pauvreté du Conseil des Affaires de l'État, ces résultats doivent encore être soumis à une évaluation plus précise. Il faudra également redoubler d’efforts pour éviter que ces territoires ne basculent de nouveau dans la pauvreté. L’éradication de la pauvreté individuelle est tout aussi récente. Comme l’a rappelé le président chinois Xi Jinping lors de son allocution du Nouvel An 2021, les 100 millions de pauvres que comptait le pays en 2012 en sont aujourd’hui tous sortis. Ils étaient pourtant encore 5,5 millions en 2019.
Le seuil de pauvreté chinois est très bas
Les succès de la politique de lutte contre la pauvreté ont été abondamment relayés sur place dans les villages par la presse officielle chinoise, comme en témoigne cette photo. © WANG Peng/Xinhua
Le seuil de pauvreté de 2020 était de 4 000 yuans par an (510 euros), soit l’équivalent de 11 yuans par jour (gmw.cn). C’est particulièrement bas, surtout quand on sait que le salaire minimum annuel en vigueur dans la province la moins bien classée, le Qinghai, est de 18 000 yuans… soit près de 5 fois plus (Xinhua) ! Mais alors pourquoi avoir fixé ce seuil aussi bas ? Selon Li Shi, professeur à l’Université normale de Pékin qui s’exprimait lors d’un colloque sur la pauvreté, le critère chinois de la pauvreté est « unidimensionnel » : il ne prend en compte que les revenus nécessaires pour survivre. C’est aussi le critère pris en compte par la Banque mondiale, qui fixe le seuil d’extrême pauvreté au niveau international à 1,90 dollar par jour et par personne. La persistance de ce niveau de seuil réside dans le fait que la Chine est un pays en développement. En effet, elle revient de loin. En 1978, plus de 770 millions de Chinois vivaient encore sous le seuil de pauvreté national, fixé à l’époque à 366 yuans par an, d’après le Bureau national des statistiques (BNS). Certes, la nourriture y coûtait aussi beaucoup moins chère à l’époque. Mais la Chine, pas plus que l’Inde ou le Brésil, ne s’appuie pas sur les mêmes critères de pauvreté que les pays avancés. Dans l’Union européenne, on considère que la pauvreté correspond à 50 % du revenu médian de la population. En France, c’est 60 % : une personne est considérée comme pauvre dès qu’elle vit avec moins de 1 015 euros par mois.
Briser la transmission intergénérationnelle de la pauvreté par le « relogement »
On l’aura compris, c’est l’extrême pauvreté que la Chine a éradiquée. Pour cela, elle s’est appuyée sur une politique de « relogement ». Nous avons mentionné que l’enclavement était un facteur important de la pauvreté en Chine. Les enfants habitent trop loin de leur école, les villages sont trop éloignés de toute zone de commerce, des services publics, et s’il existe un dispensaire de santé dans les villages les plus isolés, c’est bien souvent insuffisant. Selon Zhao Chenxin, secrétaire général de la Commission nationale du développement et de réforme (NDRC), 2,66 millions de nouveaux logements ont donc été construits pour reloger la population pauvre entre 2016 et 2020. Ces logements ont accueilli plus de 9,6 millions de personnes, soit près du quart du nombre total de personnes pauvres recensées en 2016. Selon Zhao Chenxin, ces relogements permettent de prévenir la transmission intergénérationnelle de la pauvreté, et ainsi de protéger les générations futures.
Le critère chinois de la pauvreté est « unidimensionnel » : il ne prend en compte que les revenus nécessaires pour survivre.
Souvent, les personnes pauvres sont relogées loin de chez elles. Les zones enclavées et les provinces reculées en Chine ont des reliefs très escarpés, peu adaptés à la construction de nouveaux logements. Comme le mentionne Tong Zhangshun, directeur général du département de la revitalisation régionale de la Commission nationale de développement et de la réforme : « Il y a une grave pénurie d'espace pour le relogement de la population pauvre. Celle-ci est principalement concentrée dans les régions centrales et occidentales de la Chine, qui sont des zones montagneuses, avec des catastrophes naturelles fréquentes et des environnements écologiques fragiles. »
De l’activité traditionnelle au salariat
« Quand un homme a faim, il vaut mieux lui apprendre à pêcher que lui donner un poisson. » Cette phrase attribuée à Confucius résume à elle seule la stratégie chinoise de la lutte contre la pauvreté. Plutôt que de distribuer des prestations sociales, le gouvernement chinois préfère plutôt s’assurer de l’emploi des personnes pauvres. De nombreux dispositifs ont donc été mis en place. Selon Zhang Ying, directrice générale du département de la promotion de l'emploi du Ministère des ressources humaines et de la sécurité sociale, qui s’exprimait dans le cadre d’une conférence de presse du Conseil des Affaires de l’État, les entreprises qui recrutent des travailleurs pauvres ayant été relogés font ainsi l’objet d’exonérations fiscales, de prêts et de subventions avantageuses.
Les minorités ethniques sont aussi souvent largement concernées par la pauvreté, notamment en raison des dispositions géographiques de leurs provinces. Selon le Conseil des Affaires de l’État, elles bénéficient donc de politiques de formations professionnelles, avec le soutien des associations locales. C’est par exemple le cas de la minorité Miao, située en partie à la frontière du Guangxi et du Guizhou. Dans certains villages, les hommes sont partis travailler en ville, et les femmes qui sont restées élaborent leurs propres stratégies pour accroître leurs revenus. La branche locale de la Fédération nationale des femmes de Chine (quanguo fulian
Le commerce en ligne au service de la lutte contre la pauvreté
En 2016, le groupe JD.com, l’entreprise chinoise de commerce en ligne, avait signé un accord de coopération avec le Bureau de lutte contre la pauvreté du Conseil des Affaires de l'État (Quotidien du Peuple). Depuis 2016, le groupe a aidé plus de 100 000 ménages pauvres à lancer leur entreprise. Le thé, les céréales, les oléagineux et les fruits occupent les trois premières places dans les ventes de spécialités agricoles. En effet, ils se conservent et se transportent facilement. Avec l’augmentation des exigences du côté des consommateurs, autant en termes de circuits courts que de fraîcheur des produits, le commerce en ligne est devenu un levier important de la lutte contre la pauvreté. En 2016, un site internet avait même été créé avec le soutien du Conseil des Affaires de l’État, pour favoriser le commerce des produits issus des derniers districts pauvres du pays : « fupin832.com ».
Photo du haut © Hu Chao/Xinhua
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