
Ces émissaires du vin français qui transmettent leur savoir en Chine
Français ou Chinois, ils sont les acteurs de la production viticole hexagonale en Orient. Rencontre avec les acteurs du vin français en Chine, ces ambassadeurs dans un pays où le produit n’est plus réservé à la classe aisée.
Née en 1986 dans une famille de vignerons à Canon-Fronsac, à l'est de Bordeaux, Hélène Ponty fait partie de la cinquième génération d'héritiers du Château Ponty. Elle est aussi la première femme à hériter du domaine. Le Château Ponty, fondé en 1905 par son arrière-grand-père, Victor Ponty, se distingue par une production artisanale à petite échelle, en suivant les traditions viticoles héritées des années 1920 et 1930 : les vendanges et la vinification y sont effectuées à la main.
Hélène Ponty a appris la viticulture en famille dès l’enfance avant de poursuivre des études de droit des sociétés à l'Université de Poitiers et d’obtenir un double master en gestion de HEC Paris/MIT Boston. Diplômée en 2012, elle est partie pour Pékin par la suite. « En fait, j'ai toujours été très exploratrice et aventureuse, n’ayant pas eu beaucoup d'occasions de voyager enfant, et après 3 ans aux États-Unis, j'ai voulu visiter l’Asie. Je voulais faire quelque chose de mon cru, non pas seulement répéter ce que mes parents avaient fait », explique-t-elle.
Château Bras d'argent, magasin à Ganzhou
En Chine, elle passe alors des mois à faire des sondages sur le marché du vin et constate que les vins importés en Chine laissent une marge bénéficiaire intéressante. De plus beaucoup de vins importés demeurent de qualité moyenne. Elle prend alors une décision : apporter les vins de sa famille en Chine, afin que les consommateurs chinois puissent déguster des vins rouges artisanaux de haute qualité et à des prix raisonnables. La même année, elle enregistre son entreprise à Pékin dont elle tombe amoureuse. Aujourd'hui, elle connaît la Chine sur le bout des doigts et importe directement ses vins sans intermédiaires.
Un devoir de transmission
Il lui aura fallu un an et demi en Chine pour apprendre et comprendre. Elle découvre que les consommateurs chinois s'intéressent beaucoup au vin, mais que l'accès à l’information manque. Elle décide de partager ses connaissances : « Pendant que les gens dégustent, j'aime leur transmettre la culture du vin français, et montrer que dans chaque bouteille se cachent des efforts de famille, de génération en génération. La consommation en devient d’autant plus appréciée ».
À ce jour, environ 50 % de vins du Château Ponty se vendent en Chine chaque année, au travers de plus de 40 partenaires chinois, dont beaucoup sont devenus de bons amis d'Hélène. Pour échanger sur la culture de vin, elle emmène régulièrement ses clients en voyage d'étude dans son propre domaine viticole français. Afin de proposer des prix raisonnables, elle a également créé une plateforme de vente en direct sur l’application WeChat, une application couteau suisse très populaire en Chine, qui sert à la fois de messagerie, de moyen de paiement, de réseau social et de plateforme e-commerce. « C’est grâce à WeChat que j’ai pu vraiment réaliser mon intention initiale : faire goûter à tous les consommateurs chinois un beau vin artisanal bordelais à un prix raisonnable. »
La Chine est aujourd’hui le cinquième plus grand consommateur de vin du monde, et les vins français y sont très populaires. Les consommateurs ne se limitent désormais plus aux classes aisées. De plus en plus de jeunes notamment, achètent du vin et il est également de plus en plus plébiscité par les seniors qui y voient aussi un aliment bon pour la santé.
« De plus en plus de gens choisissent de prendre du vin à la maison, plutôt que d'aller au restaurant et au bar ; ils dépensent plus d'argent pour un vin de meilleure qualité. »
Nouvelles opportunités après l'épidémie
Xing Chen, responsable marketing de Château Ponty en Chine, explique que les ventes de vin ont souffert de l'impact de la Covid-19, période pendant laquelle, tous les restaurants et bars français ont été forcés de fermer. « Hélène est alors retournée dans ses vignobles français pour diriger personnellement les affaires. En avril, elle a également tenté de cultiver une nouvelle variété de raisin, le cabernet franc », explique la jeune chinoise, attendant que le cabernet franc porte ses fruits sur les ventes en Chine.
Même constat chez Xiao Duo, agent pour le Château Boudinot (France) dans la ville de Ganzhou, pour qui l'épidémie a fait fluctuer un marché réputé plutôt stable auparavant, mais aura permis aussi de découvrir de nouvelles opportunités. « De plus en plus de gens choisissent de prendre du vin à la maison, plutôt que d'aller au restaurant et au bar ; ils dépensent plus d'argent pour un vin de meilleure qualité, c'est une nouvelle opportunité pour les vins de niche. »
Xiao Duo, représentante du Château Bras d'argent à Ganzhou.
Xiao Duo a commencé à travailler comme distributrice de vins français en Chine en 2015. Elle-même amatrice de vin, la jeune femme ne s'attendait pas à ce que l’ambiance dans le secteur soit aussi conviviale, lui valant aussi de nombreuses amitiés. « Nous contactons les clients et devenons peu à peu amis. Nous nous entraidons souvent en cas de difficultés. » Il y a quatre ans, son entreprise a été confrontée à une crise sans précédent en raison d’un manque de trésorerie. « Un de mes clients s'est alors présenté à ma porte en camion et a proposé de nous prêter une partie de son stock le temps de répondre à nos urgences, le tout gratuitement », se souvient-elle. Une générosité qui aura sauvé sa compagnie. « C'est peut-être la plus grande richesse que les affaires m'ont apportée. Tout comme lors de l’écoulage, du pressage, de la fermentation et du vieillissement, toute ces étapes qui font du raisin du vin, on sent cet amour profond du vigneron qui va bien audelà », affirme-t-elle.
En partenariat avec L’Humanité-Dimanche / Le 9 magazine.
Photo du haut : 1er mai 2015, Xing Chen à Pékin. La Chine serait le 5e plus gros consommateur de vin au monde. © BIAN Ge pour Nouvelles d'Europe
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