La série propose en 23 épisodes des portraits subtils et bouleversants des paysans chinois, héros de la lutte contre la pauvreté. Une série feel good qui réussit à séduire un large public. 

« Les jeunes regardent-ils Minning Town ? » Dans un groupe de discussion sur le site chinois Douban, BlueJay, un internaute quarantenaire fasciné par cette série sur la Chine rurale des années 80 et 90, doute qu'elle trouve écho auprès de la jeune génération. À sa grande surprise, des milliers de spectateurs, souvent dans leur vingtaine, sont venus lui témoigner de la passion qu’ils vouent à la série. « Comme dit la protagoniste Shuihua, on trouvera toujours une solution », écrit Gao Yixiao, 27 ans, qui se sentait plonger dans la déprime, et qui y aurait même puisé de la force pour surmonter les épreuves de la vie.

 © Douban 

Diffusée simultanément sur six chaînes télévisées et trois sites de streaming depuis le 12 janvier, Minning Town retrace les tribulations des villageois migrants de Xihaigu (province du Ningxia), dans le nord-ouest de la Chine. Nous sommes dans les années 90. Dans un contexte politique de lutte contre la pauvreté, ces personnages tentent leur chance en se déplaçant vers des endroits au cadre de vie plus confortable. Appartenant à la catégorie zhuxuanlu, c’est-à-dire – et on le devine – à celle du « politiquement correct », la série, sans être pourtant moralisatrice, met en lumière des parcours personnels, intimement marqués par la « Grande Histoire » du pays. Tout y passe, du professeur d'école idéaliste dépassé par la dure réalité, à la villageoise victime de son propre mariage forcé, en passant par ces vieillards fortement attachés à leurs racines qui peinent à envisager leur relocalisation... 

On se met progressivement dans la peau du personnage principal, Ma Defu, jeune fonctionnaire local, qui a toujours une solution à tous les problèmes. À chaque épisode, il fait face à un nouveau défi : accès à l’eau d’irrigation et à l’électricité, hypocrisie des supérieurs... Il réussit à faire décoller, grâce aux efforts collectifs de sa communauté, la culture de champignons et la viticulture dans son comté de Minning, alors tout nouvellement créé. Le titre met en fait en avant la coopération de deux provinces dans la lutte contre la pauvreté, l’autre fil conducteur de la série. En effet, composé de min 闽, abréviation littéraire de la province du Fujian, et de ning 宁, celle de la région autonome du Ningxia, ce titre évoque deux provinces que tout oppose, l’une riche, sur les douces et abondantes côtes du sud, l’autre pauvre, dans les terres sèches et rudes du nord chinois. 

« Minning Town n’a pas idéalisé la lutte contre la pauvreté, mettant le doigt sur le formalisme, la bureaucratie et le dogmatisme courant dans la politique chinoise. Elle prône ‘le politiquement correct à la chinoise’ sans perdre son sens critique », explique le critique de séries Zeng Yuli sur le succès inattendu de la série dans un article publié par ThePaper.

Phénomène culturel, servie par un casting prestigieux, la série inspirée de faits réels brille sur Douban par un score de 9,4/10 pour plus de 300 000 avis. Le dialecte du nord-ouest, sa marque de fabrique, y apporte notamment une touche d’humour et de fraîcheur, lançant même un engouement à travers la Chine pour ce parler local peu présent à la télévision. 

MINNING TOWN (山海情) 

Série disponible sous-titrée en anglais sur la plateforme Youtube

Sortie le 12 janvier 2021

Genre : drame

Réalisé par Kong Sheng

Avec Huang Xuan, Zhang Jiayi, Rayzha Alimjan, Huang Rao, Bai Yufan...