
La fête de Qixi, le « romantisme à la chinoise » ?
Les Chinois célèbrent l’amour lors de la fête de Qixi au septième jour du septième mois du calendrier lunaire, qui tombe cette année le 4 août 2022.
« Sur les marches du Palais, la nuit paraît fraîche comme l’eau. Assise, elle contemple les étoiles du Bouvier et de la Tisserande1. » Qixi, la fête des amoureux, appelée aussi la Saint-Valentin chinoise, est une fête traditionnelle avec plus de 2 000 ans d’histoire. Mais l’Orient et l’Occident ne partagent pas la même conception de l’amour. Découvrez comment le « romantisme à la chinoise » se manifeste à travers la fête de Qixi.
L’origine de Qixi remonte à l’Antiquité où les ancêtres chinois rendaient un culte aux étoiles. Selon Le Classique des rites, sous la dynastie des Qin, les agriculteurs observaient l’étoile Véga (la Tisserande, Zhinu) qu’ils considéraient comme le symbole de Qixi. En outre, les ancêtres ont regroupé certaines étoiles en constellations et c’est ainsi que sont nés la légende du Bouvier et de la Tisserande et la fête de Qixi. D’ailleurs, Qixi, nommée parfois Qiqiao, est aussi une fête où les jeunes filles prient la Tisserande afin d’avoir des mains habiles pour les travaux d’aiguille. La fête de Qixi a été officiellement reconnue sous la dynastie des Song, et en 2006, elle a été inscrite sur la liste du patrimoine culturel immatériel de la Chine.
En parlant de Qixi, nous sommes inévitablement amenés à faire le lien avec la Saint-Valentin occidentale qui a lieu le 14 février. Cette fête trouve son origine dans la Rome antique. Valentin de Terni, prêtre qui vivait au IIIe siècle, a été martyrisé sous le règne de l’empereur Claude II Le Gothique. Le 14 février est la date liée à son martyre, ce qui n’a à l’origine aucun lien avec les « amoureux », à la différence de la fête de Qixi. Ce n’est qu’en 1382 qu’un rapprochement entre la Saint-Valentin et les amoureux a été établi, par le biais des vers de Geoffrey Chaucer, poète anglais : « Car c’était le jour de la Saint-Valentin, quand chaque oiseau venait pour trouver son partenaire ». Au cours du XIXe siècle, la Saint-Valentin, commercialisée, est devenue la fête des amoureux, donnant lieu à l’émission de timbres et à la vente de cartes célébrant ce jour. Elle s’est popularisée progressivement dans le reste du monde.
Bien que Qixi et la Saint-Valentin soient toutes deux une fête des amoureux, leurs significations ne sont pas identiques. En Occident, c’est la passion qui l’emporte sur le reste, comme l’écrit Shakespeare : « L’amour est une fumée formée des vapeurs de soupirs » ; alors qu’en Orient, la conception de l’amour est plus idéaliste, s’agissant d’un amour qui n’est pas seulement sentimental, mais d’un amour plus profond qui dépasse les émotions et le temps.
« Nuages fins se tissent et s’étendent. Étoiles filantes servent de messagers. Dans l’immense Voie lactée. Enfin toi et moi2. » Ces vers du poème intitulé « Queqiao xian » (« Les amants célestes du pont de pies ») de la dynastie des Song restent très populaires en Chine jusqu’à nos jours, car il dévoile, à partir de la légende du Bouvier et de la Tisserande, le sens profond du véritable amour, à savoir l’affection et la passion, ainsi que l’attente et la conviction. Pour les Chinois, le vrai amour s’avère éternel, comme l’affirme la fin de ce poème : « Mais ceux qui s’aiment pour toujours. Se passe[nt] bien des compagnies de tous les jour3. »
À l’occasion de la fête de Qixi, les Chinois expriment non seulement leur amour les uns pour les autres, mais également la nostalgie du passé, le chagrin de la séparation et du vieillissement. Citons encore quelques extraits de poèmes :
« La Voie lactée étant limpide et peu profonde, ses deux côtés ne semblent pas si éloignés.
Séparés éternellement, les deux amoureux se regardent tendrement dans les yeux, dans un silence absolu. »
« Penser à vous fait vieillir, le temps s’écoule vite et soudain, il est perdu pour toujours. »
« Le vent d’automne se lève, ha !
de blancs nuages volent ;
L’herbe jaunit et les feuilles tombent, ha !
Les oies sauvages vers le midi s’en retournent.
Déjà fleurit la plante Lân, ha !
déjà se répand le parfum des chrysanthèmes.
Moi je pense à la belle jeune fille, ha !
que je ne saurais oublier4. »
Les fêtes constituent un important patrimoine culturel d’un pays. La fête de Qixi reflète l’esthétique, les conceptions de l’amour et de l’espace-temps des Chinois. En définitive, l’attente, la fidélité, la tendresse, la tristesse, ainsi que la recherche de l’amour éternel sont les principales caractéristiques du « romantisme à la chinoise », un concept unique au monde.
Aujourd’hui, Qixi, originaire de la Chine, est également célébrée dans d’autres pays du monde, plus particulièrement dans des pays asiatiques : au Japon, on inscrit des souhaits sur des cartes que l’on accroche ensuite à des branches de bambou ; en Corée du Nord, on prie l’étoile de la Tisserande et on déguste des gâteaux frits ; au Vietnam, les habitants déposent des offrandes du « Qijie pan » (plateau de la Tisserande) et du « Heyang » (pousses de riz), entre autres. Les traditions folkloriques, de même que la conception de l’amour éternel, faisant partie de la civilisation chinoise, sont solidement ancrées dans l’esprit des Chinois et de ceux résidant à l’étranger.
L’amour est un sujet universel autour duquel s’articulent de multiples histoires, fêtes et coutumes. Pourtant, il s’agit toujours d’une recherche de la beauté et de l’esthétique. Et que ce soit en Orient ou en Occident, les amoureux vivent sous le même ciel étoilé.
1DU Mu, « Soir d’automne ».
2Traduction de DONG Qiang.
3Ibid.
4Traduction de Léon d’Hervey de Saint-Denys.
Article initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn
Photo du haut © Arisa Chattasa / Unsplash
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