[Série] « RESET » : si le temps m’était conté

1645613229300 Chine-info Jésus Castro-Ortega

En montant à bord du bus n°45, Heyun et Shiqing étaient loin de s’imaginer qu’ils seraient propulsés dans une boucle temporelle infernale dans laquelle ils revivent continuellement une catastrophe qui leur coûte la vie. Bien décidés à comprendre la raison de cette boucle temporelle, et convaincus qu’ils peuvent sauver les autres passagers du bus, les deux inconnus décident d’unir leurs forces pour tenter d’arrêter l’inéluctable. 

Véritable phénomène en Chine où la série a été regardée plus d’un milliard de fois sur la plateforme Tencent Vidéo, « Reset » déferle enfin sur les écrans occidentaux. Disponible sur Youtube et Rakuten Viki, et bénéficiant de sous-titres dans une multitude de langues (dont l’anglais et le français), la web série est précédée à juste titre d’une excellente réputation : en investissant avec brio un genre rarement exploité dans les fictions Chinoises, à savoir le genre fantastique, « Reset » parvient à se démarquer du reste de la production par sa mécanique narrative imparable (celle de la « boucle temporelle »), par des comédiens habités par leurs rôles, et par un sous-texte social qui n’hésite pas à regarder en face les contradictions individuelles et collectives d’une société en perpétuelle évolution. 

Adaptée du webnovel* « The Beginning », de Qi Dao Jun, « Reset » nous plonge donc dans les méandres d’un voyage temporel où un évènement tragique se répète à l’infini.   

Ce principe de la boucle temporelle a été une grande source d’inspiration pour le petit et grand écran : « L’Effet Papillon » (2004), « Source Code » (2011), « The Edge of Tomorrow » (2014) ou encore, dans le registre comique, « Un Jour Sans fin » (1993), « Palm Springs » (2020) ; la rupture de la continuité temporelle et la possibilité de revivre les mêmes actions à l’infini demeure un terrain de jeu privilégié pour les cinéastes et les scénaristes. 

« Reset », en s’aventurant dans un genre déjà largement investi par le cinéma et la télévision, n’a pourtant pas à rougir de la comparaison avec ses illustres aînés. La série Chinoise parvient à trouver son propre ton, entre série d’action pure et réflexion sociologique, autour d’un phénomène pourtant complètement surnaturel et fantasmatique. « Reset » rappelle en cela les meilleurs épisodes (mais aussi les plus échevelés) de séries culte comme « X-Files » ou « La Quatrième Dimension ». 

Avec sa mise en scène incisive et efficace, « Reset » nous plonge donc dans un cauchemar éveillé où nous revivons, aux côtés des deux personnages principaux, l’accident dans lequel ils périssent. À de rares exceptions près, le spectateur demeurera dans le point de vue de ce duo qui, poussé par les circonstances, devra faire appel à tout son courage ainsi qu’à son esprit de déduction pour essayer de déjouer l’issue fatale et programmée de leur mort violente. 

Porté par les comédiens Bai Jing Ting et Zhao Jin Mai, le premier incarnant un « game designer » méfiant et distant et la seconde une étudiante sensible et intuitive, le récit se déploie sur quinze épisodes de quarante-cinq minutes menés tambour battant. Un rythme qui n’oublie pourtant jamais de faire progresser et évoluer la relation entre les deux protagonistes, et de dresser avec subtilité le portrait de toute une galerie de personnages secondaires crédibles. Dans ce bus pourtant banal, au fil d’un trajet du quotidien, c’est un petit monde en soi qui se dessine sous nos yeux : chaque chemin de vie aura son importance, chaque individu aura une incidence sur le déroulement des évènements à venir.  

Sous couvert d’une fable à la lisière du fantastique, la série parvient à dépeindre de manière crédible ces petites interactions d’apparence anodine qui peuvent révéler les individus à eux-mêmes, et aux autres. En multipliant les scénarios possibles face à un même évènement, les protagonistes sont contraints de faire face à leurs propres peurs, à leur propre lâcheté, mais se découvrent également des ressources inattendues. 

Cette série nous renvoie évidemment à notre propre rapport à la mort, à la destinée, à la fatalité, et questionne les notions de courage, d’altruisme, d’empathie et d’abnégation. Ce bus en route vers l’enfer agit comme une métaphore de la société et du monde : quelle serait notre attitude devant la certitude la mort ? Ce bus-monde est aussi un laboratoire sociologique où se confrontent les différents visages de la société chinoise : la pauvreté, la misère, la détresse, y côtoie la richesse, la désinvolture, l’ignorance. Mais aucun jugement n’est jamais porté sur les passagers de ce monde (de cette société) en route vers sa fin. Pourtant, loin d’être tragique ou moralisatrice, la série nous propose au contraire de réfléchir sur ce qui motive nos actions, sur le courage, sur la lâcheté, sur le désir de vengeance ou de justice, sur notre volonté de survivre. 

« Reset », sous son vernis de série d’action au rythme effréné, soulève indirectement des questions qui viennent bousculer le spectateur : à quel moment les détresses individuelles deviennent-elles un problème collectif ? Nos actes sont-ils conditionnés par les circonstances de la vie ? Le courage d’un seul individu peut-il suffire à compenser les lâchetés de la majorité ? Un acte altruiste peut-déjouer la fatalité ? 

Si l’accent est d’abord mis sur les enjeux personnels, et donc individuels, des personnages, la série n’hésite pas à montrer que l’État a lui aussi une responsabilité, fût-elle indirecte, dans les tragédies qui surviennent. La fracture sociale, le déclassement, l’échec du système judiciaire, sont autant de fissures dans l’édifice fragile de la société. Même la surveillance généralisée (les caméras sont omniprésentes tout au long de la série) ne peut détecter ni soupçonner la détresse ou la colère qui, parfois, infiltre l’âme des déclassés. 

Mais « Reset » ne se contente heureusement pas de dresser un tableau sombre de la réalité sans la contrebalancer par la lumineuse candeur et l’empathie – contagieuses – des jeunes héros, et par dévouement presque sacrificiel des forces de l’ordre incarné par le charismatique capitaine Zhang Cheng (Liu Yi Yao, impressionnant).  

La série tend donc, malgré tout, vers une note d’espoir, en dépit de l’imperfection du monde et de notre difficulté à percevoir le désarroi de notre prochain. Au bout de cette route chaotique qu’est la vie, un avenir est donc encore possible. A nous de (ré)apprendre, jour après jour, à le construire ensemble. 


RESET 开端 (2022)

Série disponible sous-titrée en anglais sur Youtube et en français sur Rakunten Viki

Production : Daylight Entertainment

Genre : fantastique, suspens, drame

Réalisée par Sun Molong, Liu Hongyuan et Suan

Avec Bai Jingting, Zhao Jinmai, Liu Yijun…

Jésus Castro-Ortega est auteur-réalisateur de documentaires. 

Photos © compte officiel Weibo de la série

*Un « webnovel » est un roman dont les chapitres sont publiés quotidiennement sur internet  

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