
[Leçon de chinois] Le langage SMS
FAIT DE LANGUE
Le mois dernier, nous évoquions les sousentendus et messages cachés possibles grâce aux homophones des mots utilisés autour de la célébration du Nouvel An lunaire. Néanmoins, l’usage des homophones ne se limite pas à cela. Si en France, le langage SMS, utilisé initialement par les jeunes pour réduire la taille de leurs messages, a vu le jour en limitant les mots à leurs consonnes (slt pour salut, cc pour coucou, etc…), en chinois cela n’est pas possible. En effet, les caractères ne laissent pas paraître explicitement leur prononciation et il est donc impossible d’avoir une réduction similaire. Par ailleurs, il est également difficile de retirer des composants des caractères, puisque le principe même de l’écriture chinoise est que ces composants sont nécessaires à la distinction et au sens. La méthode trouvée pour le chinois repose sur les homophones des chiffres principalement. La prononciation des chiffres se rapproche de celle d’autres mots, permettant ainsi d’écrire plus rapidement des mots, voire des phrases, à partir d’une suite de chiffres, ce qui est plus rapide.
Voyons par exemple le chiffre 5 五 : il se prononce wŭ, c’est la raison pour laquelle il est utilisé pour représenter le pronom personnel « je », 我 , se prononçant wŎ. Leur ton et leur première lettre en pinyin sont les mêmes et à l’oral, leur prononciation très proche. On le retrouve dans l’expression « 520 », se prononçant wŭ èr líng, dont le schéma intonatif et les voyelles se rapprochent de wŎ ài nĭ 我爱你 qui signifie « je t’aime ». Mais 五 wŭ, 5, est aussi homophone avec 呜 wū, qui est l’onomatopée évoquant des pleurs. C’est pourquoi « 555 » est une façon de signifier sa tristesse. Un autre raccourci par les chiffres très usité est « 88 », employé pour dire au revoir, car 88 bābā est proche de bàibai 拜拜, la transcription phonétique de « bye bye ». Mais les chiffres n’ont pas le monopole du langage SMS, probablement car leur nombre est restreint. On trouve alors l’emploi de lettres latines, souvent la première consonne de la syllabe en pinyin associée au caractère chinois, comme « DD » qui veut dire 弟弟dìdi, « petit frère ». Il est également possible de combiner ces deux systèmes, comme par exemple « P9 » pour la bière, 啤酒 píjiŭ, le P étant la première consonne de la syllabe pí, et le chiffre 9 九jiŭ, l’homophone de l’alcool 酒 jiŭ.
Les nouvelles technologies font naître de nouveaux langages, de même que l’ingéniosité des utilisateurs !
Quelques autres exemples :
51396 wŭ yāo sān jiŭ liù : 我要睡觉了 wŎ yào shuìjiào le « je vais dormir »
4242 sì èr sì èr : 是啊是啊shì ā shì ā « oui oui »
7456 qī sì wŭ liù : 气死我了 qì sĭ wŎ le « ça m’énerve »
PL : 漂亮piàoliang « joli »
LP : 老婆lăopó « femme, épouse »
CARACTÈRE DU MOIS
我 wŎ correspond au pronom personnel « je ». Pourtant, originellement ce caractère correspond à une arme de guerre, une hallebarde. Au fil du temps, l’arme qui portait ce nom a été remplacée par d’autres, plus perfectionnées et est tombée en désuétude. Après la période des Royaumes combattants, ce caractère a alors été utilisé pour signifier la première personne, « je », celui qui tient la hallebarde, qui garde à l’écrit son origine martiale, puisqu’il s’agit d’une main (partie gauche), tenant une arme (partie droite).
Voici quelques mots comprenant 我 :
自我 zìwŎ : soi-même
我国 wŎ guó : notre pays (Chine)
我们 wŎ men : nous
Stéphanie Le Gall, professeure certifiée et enseignante en collège et lycée.
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