
La Chine et le projet TX2 pour la protection des tigres de Sibérie
Au cours du siècle dernier, l'activité humaine a amené les tigres sauvages au bord de l'extinction. Il y a douze ans, sous l'égide du Fonds mondial pour la nature (WWF), 13 pays de l’aire de répartition des tigres du monde, dont la Chine, ont lancé en Russie le plan "TX2", qui vise à doubler le nombre de tigres sauvages d'ici fin 2022.
Dans un entretien accordé à l’agence China News peu après l’avènement de l’Année du Tigre (1er février selon le calendrier lunaire chinois), Liu Peiqi, directeur du projet régional de Changchun du bureau de représentation de Pékin du WWF, évoque les expériences que la Chine a menées à bien pour favoriser la multiplication des tigres de Sibérie.
Comment expliquer la détérioration des conditions de vie de cette espèce emblématique que sont les tigres sauvages ?
On avance généralement cinq explications, dont principalement le rétrécissement de leur zone d’habitat et le braconnage. Sont également en cause : l’influence indirecte des conflits entre l’humain et les animaux sauvages, l’insuffisance des capacités de gestion dans les réserves naturelles et, enfin, les maladies des animaux sauvages.
Selon le WWF, les tigres sauvages vivent sur une superficie de 250 000 km². C’est très insuffisant quand on pense qu’un tigre de Sibérie a besoin de 500 km² pour vivre. De plus, leurs zones d’habitat sont morcelées et isolées, ce qui empêche l’échange de gènes entre différentes populations de tigres et réduit leur capacité d’adaptation aux changements de l'environnement extérieur. Par ailleurs, à l’échelle mondiale, le phénomène de concurrence entre les humains et les tigres pour le territoire devient de plus en plus intense. Dans le processus de gestion forestière et de gestion visant principalement à la production de bois, la structure des peuplements des écosystèmes forestiers est détruite, et la biodiversité ainsi que la biomasse diminuent. Je dois mentionner ici la plantation d'un grand nombre de forêts artificielles. Du fait qu’une seule espèce d’arbre est plantée, la biodiversité des forêts artificielles est très faible, ce qui conduit à un phénomène étrange : l'habitat semble exister, mais sa qualité est à ce point dégradée que, en matière d’équilibre écologique, il est difficile de le voir fonctionner normalement. Surtout, au niveau mondial, le braconnage constitue le plus grand danger pour les tigres, en particulier en Asie du sud-est.
Depuis le lancement du plan TX2, la population mondiale de tigres sauvages a sensiblement augmenté et s’élève à 4 000 individus. Cependant, c'est encore loin des 6 000 envisagés par "TX2".
En dépit de cet écart par rapport à l'objectif fixé, la tendance au déclin de la population de tigres se trouve fondamentalement inversée, ce qui est très rare. D’autant que cet exploit a été obtenu dans un contexte où 95 % de l'habitat du tigre dans le monde était perdu. Le plan TX2 a permis de renforcer l’attention mondiale à la protection du tigre, de promouvoir la collaboration internationale, de partager les informations et les ressources pour parvenir à un consensus et, ainsi, de se concentrer sur la résolution des problèmes omniprésents concernant la protection du tigre. À titre d’exemple : en 2019, la Chine a réuni dans la ville de Harbin plus de 300 représentants de 19 pays de l'aire de répartition du tigre et de 10 organisations internationales. Des discussions approfondies ont été menées sur la technologie de surveillance, la restauration des populations de tigres et des habitats, et l'allocation des ressources paysagères dans les aires protégées.
Quelle est la fonction de la protection des tigres sauvages ?
Protéger les tigres sauvages permet de protéger l’écosystème naturel dont ils dépendent ainsi que les êtres humains. Les tigres, en tant que grands prédateurs, maintiennent l'équilibre des écosystèmes forestiers en régulant le nombre d'herbivores. Une étude a démontré que protéger un tigre revient à protéger 100 000 forêts de la taille d’un terrain de football. Ainsi, sauver les tigres, c'est aussi protéger les ressources naturelles et assurer un meilleur avenir à l’humanité, à la faune et à la planète.
Les grandes forêts du nord-est de la Chine étaient autrefois l'habitat des tigres de Sibérie. Comme on l’a expliqué précédemment, ceux-ci étaient finalement au bord de l'extinction parce qu'ils ne pouvaient pas trouver d'habitats appropriés. Aujourd’hui ils sont en train de revenir, et la Chine en compte 50. Quelles expériences la Chine peut-elle apporter à d'autres pays ?
Actuellement, le nombre de tigres sauvages augmente dans des pays comme la Chine, l’Inde, la Russie et le Népal, alors qu’il diminue dans les pays d’Asie du Sud-Est. En 2011, la Chine a lancé le Plan de restauration des animaux sauvages. En 2015, le pays a décrété l’interdiction totale de l’exploitation forestière naturelle. Et, dans le cadre de la construction de la civilisation écologique, le concept « Les eaux claires et les montagnes vertes sont des montages d’or et d’argent » est progressivement ancré dans les esprits. La Chine a construit, dans le nord-est du pays, des parcs nationaux dédiés à la protection des tigres de Sibérie et des panthères ; elle a mis fin à la diminution des habitats des animaux sauvages, renforcé la gestion de l’écosystème des forêts à l’intérieur de ces habitats et amélioré la connectivité entre ces habitats. En parallèle, la Chine a mis en place un énorme effectif de gardes hautement qualifiés pour protéger les habitats des tigres sauvages. Autre caractéristique majeure du travail de protection effectué par la Chine : la réalisation de projets de développement vert dans les zones environnantes des aires protégées, ce qui permet, dans ces zones, de réduire la pression d’un tel développement sur l'environnement, d’atténuer les conflits entre humains et animaux et de s'engager sur une voie de développement vert qui soit gagnant-gagnant pour les humains et les animaux.
Le WWF possède une vaste expérience en matière de protection des tigres sauvages. Quelles sont vos perspectives dans ce domaine ?
En collaboration avec des organismes concernés, le WWF a déployé d’importants efforts concernant la surveillance des tigres de Sibérie et de leurs populations de proie, la protection et la restauration des habitats des tigres de Sibérie, la lutte contre le braconnage et l'atténuation des conflits homme-animal.
Aujourd’hui, la population de tigres de Sibérie en Russie est proche de la saturation. En Chine, le vaste habitat pouvant accueillir au moins 320 tigres de Sibérie n’a pas encore été pleinement utilisé et, concernant cette espèce, la Chine n'en a pas encore créé une population durable et stable : c’est là que réside l’un des espoirs de voir la population des tigres sauvages augmenter dans le monde. Récemment, j'ai appris une bonne nouvelle : à l'intérieur du territoire chinois, les tigres de Sibérie se déplacent à une vitesse de 13,8 kilomètres tous les trois ans.
La protection et la restauration de la population de tigres de Sibérie ne peuvent être opérées par un seul département ou une seule organisation. C’est le résultat des efforts conjoints des gouvernements, des ONG et du public. Nous espérons travailler avec le gouvernement chinois, les entreprises et le grand public pour promouvoir davantage la connectivité de l'habitat du tigre de Sibérie et atténuer les conflits homme-animal, afin que la population de cette espèce puisse continuer à croître.
Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn
Photo : Alicia Chong / Unsplash
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