Comment les symboles manifestent-ils le « caractère » de la civilisation chinoise ?

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On ne peut sous-estimer l’importance des symboles pour les civilisations. Bon nombre de leurs caractéristiques essentielles sont incarnées ou contenues dans des symboles préhistoriques. Par exemple, le motif à la feuille d’or des « quatre oiseaux autour du soleil », allégorie spirituelle « de la quête de la lumière, de l’harmonie et de la tolérance », a été désigné comme « symbole du patrimoine culturel chinois » il y a dix-sept ans. Quels sont les autres symboles de ce type ? Comment ces symboles manifestent-ils le « caractère » d’une civilisation ? Pour répondre à ces questions, Wang Renxiang, archéologue émérite et chercheur au Centre de recherches archéologiques de l’Académie chinoise des sciences sociales, a accordé une interview exclusive à China News Service. Il parle à cœur ouvert de l’ère des symboles de la Chine préhistorique et des caractéristiques d’ « ouverture » et de « tolérance » qu’elle incarne.

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China News Service : Il est généralement admis que le point de départ le plus direct de l’histoire de la civilisation chinoise a été l’émergence d’une écriture mature. Dans votre dernier ouvrage, Shuxie yu jiangyan (« Graphie et discours »), vous proposez le nouveau concept de « l’ère des symboles ». Quelle en est la signification concrète ?

Wang Renxiang : Les symboles sont apparus dès la Chine préhistorique. Ceci n’est pas une découverte nouvelle, ni une nouvelle définition. Toutefois, l’ère préhistorique des symboles est bel et bien un concept nouveau.

Les symboles préhistoriques ont fait l’objet d’une grande attention de la part des chercheurs, mais la plupart d’entre eux se sont contentés d’étudier s’il s’agissait d’une « écriture » ou bien « dans quelle mesure ils pouvaient représenter des mots ». Les multiples qualités intrinsèques des symboles n’ont pas encore été clairement identifiées et l’on n’a pas encore déterminé s’ils avaient une signification plus importante que les mots. 

La société moderne regorge de symboles de toutes sortes qui accélèrent la transmission des informations, si bien que la pensée et le comportement humains en bénéficient de façon évidente. Dans une société de l’information, il est impossible d’imaginer à quel point la situation serait difficile sans symboles. 

L’apparition de l’écriture est généralement considérée comme un marqueur décisif de l’âge de la civilisation. À l’ère des symboles préhistoriques, les symboles n’étaient pas une écriture, mais ils avaient une signification quasi littérale et jouaient un rôle encore plus important que l’écriture. L’écriture a une forme, un son, un sens, tandis que les symboles ont une forme, un nom et un sens, c’est-à-dire un nom convenu sans prononciation définie. Les symboles de la préhistoire avaient un sens plus symbolique et n’étaient pas utilisés pour transcrire la langue.

L’apparition de l’écriture et la formation de la civilisation sont liées aux symboles. L’ère des symboles est le stade embryonnaire de l’ère de la civilisation. Après l’émergence de l’ère de la civilisation, les symboles n’ont pas disparu et ont même gagné en vitalité.

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CNS : Quels étaient les principaux symboles de la Chine primitive ?

Wang Renxiang : Par symboles de l’ère des symboles, je n’entends pas parler de tous les symboles, mais de ceux qui sont hautement identifiables et qui se sont répandus dans le temps et l’espace. Par exemple, j’ai exclu les symboles fragmentaires gravés sur des poteries. 

Le raffinement des symboles est la clé de leur création et le résultat de la pensée figurative. Cependant, la pensée figurative ne consiste pas simplement à reproduire l’image des choses, mais à traiter de nouvelles images par l’imagination et l’association, soit des symboles qui peuvent être perçus comme des figures, des images ou des formes. Dans ce processus, il est nécessaire de combiner les pensées abstraite et figurative. La création de symboles ne peut s’accomplir qu’en « acquérant le sens et mettant de côté la forme ».

Par exemple, les motifs de poisson sur les poteries peintes de la culture de Yangshao (4800-2000 av. J.-C.) ont été composés en démantelant les motifs. La forme complète du poisson a évolué d’un motif de poisson typique à un motif de poisson simplifié, puis l’homme a créé un motif de losange équilibré et symétrique, avec des bords droits bien structurés. Les lèvres du poisson ont été déstructurées pour générer respectivement le motif de Xiyin et le motif de pétales, qui sont les deux systèmes de composition linéaire des poteries peintes de la phase de Miaodigou (4000-3000 av. J.-C.).

Les motifs de poisson sont imperceptibles et le symbole du poisson n’en est plus un. Ainsi, en suivant les règles de l’évolution artistique, de nombreux motifs de poteries peintes se sont simplifiés, perdant leur forme et leur image, pour finalement devenir des symboles géométriques.

Les poteries peintes de la culture de Yangshao contiennent également un « système de grands oiseaux », dans la simplification et la déconstruction ont permis d’aboutir à une symbolique géométrique de l’oiseau et de masquer la forme réaliste du volatile.

Les oiseaux et les poissons sont des motifs artistiques constants qui figurent en bonne place sur les poteries peintes. L’eau et le poisson, le soleil et l’oiseau sont également les symboles du yin et du yang, du feu et de l’eau dans la culture chinoise ultérieure.

CNS : Comment les symboles qui se sont développés dans la Chine primitive se sont-ils diffusés ?

Wang Renxiang : L’homme connaît l’univers et la nature. Il crée des symboles originaux en percevant subjectivement l’image, en la décrivant et en la représentant sous une forme spécifique. Ces symboles sont ensuite modifiés lors de leurs diffusions successives, pour finalement être transmis sous leur forme complète.

La sémiologie n’étudie pas seulement la culture humaine, elle s’intéresse aussi à l’activité cognitive et spirituelle de l’homme. Ces premiers symboles étaient en lien avec les croyances, qui étaient elles-mêmes le moteur et la diffusion des symboles. La foi dote les symboles d’une âme et d’une vie et leur confère des attributs de tolérance et d’ouverture. La foi est le moyen de mettre de l’ordre dans une société chaotique et les symboles sont des signes puissamment évocateurs générés par l’art du cerveau. Leur richesse, leur diversité et leur large diffusion sont le reflet de la nature inclusive et ouverte de la civilisation chinoise.

Les poteries peintes de la culture de Yangshao montrent également le visage d’une divinité avec des crocs, qui est l’image très vivante d’un visage humain. Les figures de divinités ciselées sur des artefacts en jade de la culture de Liangzhu (3300-2000 av. J.-C.) ont aussi des crocs, associés par paire, en haut et en bas, inspirées de têtes animales. Les figures divines en jade de la culture de Shijiahe (2500-2000 av. J.-C.) se caractérisent par quatre longs crocs acérés, sur les mâchoires inférieure et supérieure, et rappellent les visages humains.

Les symboles transmettent la pensée humaine, les croyances et l’art, dans un processus de communication. Les emprunts et l’assimilation qui se sont produits lors de la transmission des symboles sont le reflet de l’ouverture et de la tolérance culturelles.

Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn

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