Icône du tourisme chinois : le Cheval volant, une sculpture en bronze unique en son genre

1652696032255 China News Feng Zhijun, Ai Qinglong
Dans la société de la dynastie Han, le cheval était un moyen de transport, un équipement militaire et un animal de trait agricole important. Il a été largement utilisé dans les relais de transport, la défense de la Grande Muraille, les opérations militaires et le rapprochement des peuples. Conservée dans le musée de la province du Gansu, la sculpture en bronze du Cheval volant, au style très original et à la technique de fabrication d’une finesse remarquable, est le trésor national du patrimoine culturel des Han postérieurs (25 - 220). Le Cheval volant est considéré comme un messager et un symbole des échanges culturels entre l'Orient et l'Occident, notamment des échanges culturels et commerciaux réalisés grâce à l’ancienne route de la soie.

Wang Qi, directeur adjoint et chercheur du musée provincial du Gansu, qui se consacre à la conservation du patrimoine et à la recherche depuis plus de 40 ans, a récemment accordé un entretien spécial au China News pour expliquer comment cette sculpture en bronze est devenue une icône touristique en Chine et un messager des échanges entre les civilisations orientale et occidentale.

CNS : La Chine possède d'innombrables chefs d’œuvres culturels, alors pourquoi le Cheval volant est-il devenu une icône touristique chinoise ?

Wang Qi : L'ancienne route de la soie traverse tout le Gansu, le Cheval volant doit être l'un des objets les plus représentatifs des vestiges historiques. À la fin des années 1960, la sculpture en bronze du Cheval volant a été découverte par hasard dans le tombeau de Leitai, une sépulture datant de la dynastie des Han postérieurs située dans la ville de Wuwei dans la province du Gansu. Sa conception extraordinaire, sa plastique unique et la finesse de son moulage font de lui un chef-d'œuvre rare de l'art du bronze de la Chine ancienne.

C'est un cheval étalon au galop, dont l'un des sabots effleure le dos d’un oiseau en plein vol qui tourne la tête et regarde en arrière d’un air surpris ; un moment onirique qui se fond dans l'éternité.

En 1972, une grande exposition de pièces archéologiques chinoises a été organisée dans le cadre d'un échange avec l'étranger. Initialement, le Cheval volant ne figurait pas sur la liste des objets exposés, cependant, après une concertation faisant suite à plusieurs demandes de la part des ambassadeurs français et britanniques en Chine, satisfaction a été donnée et le Cheval volant a été exposé.

Une longue file d'attente s'est formée à l'entrée du British Museum pour voir l’élégant  cheval chinois. Les visiteurs britanniques, tous émerveillés, le définirent alors comme un « superbe trésor » et un « cheval chinois de génie ». Exposé aux États-Unis, le Cheval volant a sauté sur l’immense affiche de l’exposition des vestiges culturels, devenant ainsi son logo emblématique. Faisant sensation dans le monde entier, les médias étrangers s’en disputaient la couverture médiatique.

Selon les statistiques des publications officielles chinoises de 1975, entre avril 1973 et août 1975, le Cheval volant a fait une tournée dans 12 pays, dont la France, la Grande-Bretagne, le Japon, la Roumanie, l'Autriche, la Yougoslavie, la Suède, le Mexique, le Canada, les Pays-Bas, la Belgique et les États-Unis, touchant ainsi plus de cinq millions de visiteurs.

Après la mise en place de la politique économique dite de « la réforme et l'ouverture », et afin de développer les échanges avec l'étranger, l'industrie naissante du tourisme avait également besoin d'un symbole et d'un logo. Déjà célèbre à l’étranger, le Cheval volant portait la signification symbolique d’un galop en avant entrant en résonance avec l’œuvre florissante de la réforme et de l'ouverture. C’est donc tout naturellement qu’il s’est distingué des autres pièces archéologiques pour devenir une icône du tourisme chinois.

CNS : Dans le Gansu, province que traverse de part en part l'ancienne route de la soie, il n'est pas rare de trouver des reliques de chevaux en bronze excavées dans toute la région. En quoi la sculpture du Cheval volant se distingue-t-elle des autres ?

Wang Qi : Avant la dynastie Han, le Gansu était déjà un carrefour d'échanges entre l'Est et l'Ouest, mais c’est après l’envoi de l’explorateur Zhang Qian par l'empereur Han Wudi pour découvrir de nouvelles routes vers les régions occidentales, que le Gansu est devenu un canal important pour la route de la soie. Par conséquent, de nombreux et précieux vestiges historiques des dynasties Han et Tang ont été mis au jour dans cette province. Qu’elles soient en bronze, en céramique ou en bois, ces représentations de chevaux sont nombreuses et variées, et reflètent l’intensité des échanges Est-Ouest au cours de ces dynasties.

En quoi le Cheval volant se distingue des autres ? C'est parce que la forme du cheval est particulièrement singulière et ne ressemble à aucun autre : trois pattes s’élèvent dans les airs, la quatrième effleure le dos d'un oiseau en plein vol, et c’est pendant ce bref instant où l’oiseau retourne sa tête que la silhouette du cheval apparaît. Contrairement aux autres chevaux statiques, le Cheval volant fait parfaitement ressentir au spectateur la sensation du mouvement du cheval au galop,  reflétant ainsi le génie et la maîtrise du moulage des artisans anciens.

Le Cheval volant a été reconnu comme une icône touristique chinoise par la Direction nationale du tourisme de Chine en 1983, comme un trésor national par le Bureau du patrimoine national en 1996. C’est également l'une des premières reliques culturelles précieuses dont le Bureau du patrimoine national a interdit d'exposition à l'étranger en 2002.

Cette interdiction a été décidée dans un souci d’assurer à cette œuvre - trésors unique et incomparable de l’humanité - une meilleure conservation in situ et d’éviter ainsi certains accidents pouvant survenir à l’occasion de transports sur de longues distances. Il est cependant exposé chaque année du 1er mai au 15 octobre au musée provincial du Gansu, le reste du temps, il est entreposé pour être entretenu, ce qui lui offre le temps et l'espace nécessaires pour « récupérer ».

CNS : Pourquoi le Cheval volant incarne-t-il la spécificité de l’échange et l’inspiration mutuelle des cultures entre l’orient et l’occident ?

Wang Qi : La popularité croissante du Cheval volant stimule depuis un certain temps, et de manière significative, les recherches académiques à son propos afin de savoir quel type de cheval était-ce en définitive. Pourquoi cette forme parfaite est-elle apparue dans le lointain corridor du Hexi plutôt que dans les plaines centrales à la culture florissante il y a 2 000 ans ? Quelle était la relation entre le cheval de Ferghana du royaume de Dayuan et l'ancienne cité de Liangzhou aujourd'hui ville de Wuwei dans la province du Gansu ?

Selon les archives historiques, bien avant les dynasties Qin et Han l’ethnie Han faisait l’élevage des chevaux principalement pour labourer ou tirer des charrettes, mais cette race de  chevaux n'était pas adaptée pour faire la guerre. Au début de la dynastie Han, les zones frontalières septentrionales de la nation Han voyaient tout au long de l’année déferler à cheval les troupes des Xiongnu, une ethnie minoritaire du Nord. Face à la force de ces troupes, les Han perdaient souvent les guerres car la vitesse et l’endurance de leurs chevaux n’était pas à la hauteur de celle des nomades.

Déterminé à renforcer la cavalerie de son armée, l'empereur Han Wudi envoya des émissaires à trois reprises dans les territoires de l’Ouest pour demander des chevaux aux nomades Wusun. Il créa ainsi le premier élevage officiel de chevaux militaires dans les prairies au pied des montagnes Qilian situées entre Wuwei et Zhangye dans la province du Gansu. Ainsi, le croisement des chevaux Ferghana avec des chevaux mongols a produit la célèbre race de cheval du Hexi, également connu sous le nom de Shandan.

Après la dynastie des Han occidentaux, les visites et les échanges commerciaux étaient nombreux chaque année depuis les états des territoires de l’Ouest et plus particulièrement, l'État de Dayuan qui payait son tribut à la cour centrale avec des chevaux Ferghana. Ainsi, l’arrivée continue de chevaux de qualité depuis les territoires de l'Ouest a transformé Wuwei en importante base d'élevage de chevaux d’excellence, et c’est donc en toute logique que le Cheval volant est né ici il y a deux mille ans.

Les chevaux, alors vecteur essentiel d’un processus d’échange rendant l'Orient et l'Occident « unis comme les doigts de la main », ont progressivement disparu de la scène historique. Cependant, l'essor de l'ancienne route de la soie était lui-même un processus d'inspiration mutuelle entre l'Est et l'Ouest. Des fouilles archéologiques contemporaines ont ainsi montré que la fonte du bronze chinois pourrait avoir été introduite par l'Occident et que le Cheval volant, qui en est sa plus haute forme de représentation, combine l’excellence de l'Orient et de l'Occident.

Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn.

Photos : Musée provincial du Gansu (Lanzhou, Chine)

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