Zhang Xinmin : Comment l’école de Yangming s’est-elle répandue à l’étranger ?

1654591281253 China News Zhou Yanling

La Chine est riche d’une longue histoire et d’une culture millénaire, marquées par d’innombrables talents. Toutefois, seuls quelques illustres personnages ont su passer à la postérité en « pratiquant la vertu, acquérant les mérites et avançant des idées géniales » simultanément. Wang Yangming, de la dynastie Ming, est l’un de ces grands lettrés.

La pensée de Wang Yangming, grand penseur, homme d’État et stratège militaire de la Chine ancienne, s’est largement répandue à l’étranger. Voilà qui démontre la grande vitalité de ses idées, qui ont réussi à s’imposer comme ressource idéologique majeure dans le dialogue avec l’Occident. Zhang Xinmin, vice-président de la Société confucéenne chinoise, a récemment accordé une interview exclusive à China News pour décrire la diffusion du yangmingisme en Occident.

China News Service : Quelle est l’idée la plus importante au sein de l’école de Yangming ? Quelle signification a-t-elle à notre époque ?

Zhang Xinmin : L’école de l’esprit de Yangming est née d’une profonde expérience de la vie. De « l’esprit est le principe » et « la connaissance et l’action ne font qu’un » des premières années à « la conscience morale innée » ultérieure, chacune de ses théories proposent de prendre son vol, de s’élever, de se développer et de s’améliorer dans le champ de la vie. Elles sont aussi élaborées sur les expériences amères et les épreuves de la vie. Ses enseignements sont une pratique vivante de la vie, qui incarne le mieux la connotation et l’esprit de la pratique ontologique propres à la culture chinoise.

Pour nos contemporains vivant dans un contexte moderne, l’école de Yangming est essentiellement une étude du soi. D’une part, nous devons quitter le monde bruyant et nous recentrer sur nous-mêmes, trouver une base ontologique pour nous améliorer, revenir à notre nature originelle et véritable, activer une conscience capable de distinguer le bien du mal et nous engager activement et courageusement dans la pratique morale pour transformer et perfectionner la société humaine. D’autre part, il s’agit d’enrichir et de réaliser en permanence la valeur et le sens de l’existence et de la vie d’une communauté de destin pour l’humanité, ainsi que d’atteindre l’objectif ultime de transformation et de perfectionnement de la société humaine dans son ensemble.

CNS : Comment l’école de Yangming s’est-elle diffusée au Japon, en Corée et dans les pays occidentaux ?

Zhang Xinmin : Après s’être diffusés à l’est, au Japon et en Corée, le confucianisme, notamment les écoles néo-confucianistes de Zhu Xi et de Wang Yangming, ont constitué une ressource de la pensée confucéenne en Asie orientale, couvrant une zone et une population plus vastes. Le Japon et la Corée font ainsi tous deux partie de la sphère culturelle confucéenne et peuvent être considérés comme bénéficiaires de la culture chinoise depuis longtemps.

L’école de Yangming a été introduite au Japon au début du 17e siècle, mais c’est à la restauration de Meiji qu’elle s’est développée et qu’elle a véritablement atteint l’apogée de la pensée sociale japonaise. À l’époque, de nombreux déchus et réformateurs ont adhéré au yangmingisme et l’ensemble de l’opinion publique a même fait la promotion de la pensée de Wang Yangming. Ensuite, le Japon est devenu le lieu de prédilection des étudiants chinois qui partaient étudier à l’étranger et a influencé l’évaluation globale du yangmingisme par les Chinois.

L’école de Yangming a été introduite en Corée plus tôt qu’au Japon, mais son influence y a été moindre. Les yangmingistes coréens insistent sur l’importance de l’ « esprit vrai » et de l’ « action vraie » par opposition à tout « faux apprentissage » et à toute « fausse action ». Cela montre que l’implantation du yangmingisme en Corée a présenté un certain nombre de caractéristiques pratiques résultant de l’imbrication et du mélange des écoles néo-confucianistes de l’esprit (xinxue) et du principe (lixue).

L’école de Yangming s’est diffusée dans les pays occidentaux relativement tardivement, grâce aux missionnaires qui sont venus en Chine. Par ailleurs, il ne faut pas négliger la contribution des universitaires sino-américains, comme Chen Rongjie, qui a longtemps enseigné aux États-Unis et qui a joué un rôle essentiel dans l’introduction de la philosophie chinoise dans les milieux universitaires occidentaux. Bien que sa traduction du Chuanxi lu (recueil d’enseignement de Wang Yangming) soit postérieure à la traduction de Frederick G. Henke, La philosophie de Wang Yingming, elle est plus exacte et plus précise.

La thèse de doctorat soutenue aux États-Unis par Du Weiming, « La Jeunesse de Wang Yangming », portant sur les premières années d’apprentissage et de réflexion de Wang Yangming, a également eu une certaine influence dans les cercles académiques à l’étranger. En 1972, Cheng Zhongying a organisé un séminaire de grande envergure sur la pensée académique de Wang Yangming à l’Université d’Hawaï, qui a donné une forte impulsion à l’exploration et à l’étude de l’école de Yangming en Amérique du Nord. Il s’agit là d’un événement marquant dans la diffusion du yangmingisme à l’étranger.

Des chercheurs étrangers représentatifs du monde anglophone, tels que le sinologue américain Paul Wienpahl et son ouvrage Spinoza et Wang Yangming, ont fourni une perspective philosophique comparative. Le chercheur suisse Iso Kern a étudié Wang Yangming dans le cadre de la phénoménologie occidentale et a écrit en allemand deux monographies, Phénomènes du cœur : étude phénoménologique de la nature de Geng Ning et La chose la plus importante dans la vie : Wang Yangming et ses successeurs quant à la « réalisation de la conscience originelle », toutes deux traduites en chinois et qui ont eu un grand retentissement.

CNS : Quelle place occupe l’école de Yangming dans le dialogue entre les civilisations occidentale et chinoise ?

Zhang Xinmin : La pensée philosophique des Chinois est le syncrétisme des sagesses élaborées par d’innombrables sages, tels que Confucius, Mencius, Zhu Xi et Wang Yangming, qui ont tous été les figures philosophiques les plus représentatives de leurs époques respectives. La diffusion vers l’Ouest de l’école de Yangming reflète une facette des échanges culturels entre l’Orient et l’Occident. Le rôle de passerelle qu’elle a joué ne peut être sous-estimé.

En réalité, l’école de Yangming est un vecteur pour l’échange et le dialogue entre les philosophies chinoise et occidentale, en particulier dans la philosophie de la pratique spirituelle. Grâce à elle, nous pouvons mieux comprendre ou saisir les traditions humanistes et spirituelles des cultures chinoises et occidentales. À la faveur d’une observation humaine et d’une expérience spirituelle approfondies, nous pouvons partager la philosophie spirituelle indispensable aux êtres humains et ériger un nouvel ordre rationnel et harmonieux de la civilisation mondiale.

Si Wang Yangming était autrefois un compagnon d’une autre époque, qui entretenait avec Zhu Xi un dialogue homogène au sein du confucianisme, s’il était l’incarnation de la profonde sagesse de l’auto-ajustement et du développement de la pensée académique traditionnelle, il a aujourd’hui traversé les océans et est devenu un ami international critique qui entretient un dialogue hétérogène avec les traditions spirituelles et les pensées philosophiques occidentales.

Zhang Xinmin, vice-président de la Société confucéenne chinoise et vice-président de l’Institut de recherche Wang Yangming de la Société chinoise de l’histoire des Ming de Chine, est l’auteur de plusieurs monographies académiques, dont L’essence de Yangming - Réflexions et explorations philosophiques.

Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn.

Photo : Xinhua


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