Sur l'ancienne route de la soie, comment la gastronomie de Dunhuang porte-t-elle la diversité des cultures alimentaires de l'Orient et de l'Occident ?

1654851683542 China News Service Zhang Jing, Jiumei Danzeng, Wei Yujia

Située sur l'ancienne route de la soie reliant l’antique capitale Chang'an à Rome, la cité de Dunhuang a réuni différents styles de cuisines et de délices pendant plus de mille années qui ont couverts les dynasties Han et Tang. Ainsi est née une « gastronomie de Dunhuang », une cuisine inclusive caractérisée par un « amalgame total, une fusion de la Chine et de l'Occident ».

Une série d’éléments emblématiques de Dunhuang a été transposée dans la restauration moderne, parmi eux la fresque murale du Cerf aux neuf couleurs peinte sur la paroi ouest de la grotte n°257 du site de Mogao, le célèbre site du Lac du croissant de lune, l’œuvre musicale intitulée Cloches des chameaux de la route de la soie ainsi que la chorégraphie Soupe aux manches dansantes de Dunhuang. China News a récemment mené une interview exclusive avec Zhao Chang'an, chef de haut rang et juge de niveau national des métiers de la restauration en Chine. Depuis de nombreuses années, il se consacre à l'étude de la gastronomie de Dunhuang : son émergence, son évolution et son expansion en recensant minutieusement les secrets que portent les multiples cultures alimentaires de l'Orient et de l'Occident.

China News Service : Comment la « gastronomie de Dunhuang », fusion des cuisines orientale et occidentale, a-t-elle pris forme au fil des siècles ? Et dans ce contexte, quelles sont les preuves du mélange et de l’inspiration mutuelle des civilisations ?

Zhao Chang’an : La ville de Dunhuang, point stratégique de convergence des « trois voies des territoires de l'ouest », a eu de nombreuses relations avec les peuplades de ces territoires qui y ont apporté leurs coutumes alimentaires. Les méthodes appliquées à la gastronomie de Dunhuang, que ce soit à travers les aliments tels que le riz, les jeunes feuilles de thé, le millet et le riz du nord, les nouilles frites croustillantes, les naans des territoires de l’ouest, les scones et le sucre d’Inde ou les techniques de cuisson comme bouillir, frire, sauter, griller, cuire à la vapeur, sont l’expression des caractéristiques de « la compatibilité entre la Chine et l'Occident, et de l’ union en un point de ressources aux origines multiples ».

En 1985, dans le but de trouver le bol de « gruau des immortels de Dunhuang » dont il était fait mention dans les écrits posthumes de Dunhuang, je suis allé pour la première fois à Dunhuang et dans les grottes de Mogao. Les mystères de cette culture culinaire locale n’ont cessé de m’inciter à y revenir un nombre de fois incalculables. Des décennies auront été nécessaires afin de « ressusciter » les spécialités antiques et non moins délicieuses présentes sur les fresques murales de Dunhuang et de les proposer dans la cuisine moderne.

La gastronomie de Dunhuang n'est pas un simple concept régional, mais plutôt le vaste résultat d’une fusion de longue date des cultures chinoise et occidentale. Chargée d’une profonde empreinte historique et culturelle, sa préparation nécessite une compréhension du contexte culturel multiethnique de Dunhuang, sans quoi elle ne peut révéler sa « saveur originelle ».

CNS : Qu’indiquent les peintures rupestres et les documents de Dunhuang à propos de la culture alimentaire locale ?

Zhao Chang’an : Selon le recensement des chercheurs universitaires, la littérature de Dunhuang rassemble plus de 700 documents socio-économiques dans lesquels sont consignées les informations concernant le régime alimentaire. Ainsi, ont été enregistrés les us et coutumes de l'époque : ingrédients du quotidien, variété, structure et mode de transformation des aliments, outils de cuisine.

De même, les grottes de Dunhuang contiennent d’abondants registres culinaires dans lesquels on trouve par exemple la recette du « gruau des immortels de Dunhuang » : 50 g d'igname chinoise pelée et 25 g de graines de nénuphar sont mélangés à 50 g de riz japonica, le tout est lentement cuit à l’eau jusqu’à l’obtention d’une bouillie… On trouve également la recette du « riz grillé du peuple Hu » qui fait référence à l’aliment consommé par le peuple Hu sur son chemin vers et depuis la route de la soie, Hu étant le nom donné par les Han aux nomades de la steppe eurasienne. 

Les fresques de Dunhuang foisonnent de représentations présentant la nourriture notamment à travers la variété des aliments, les scènes et les rituels culinaires. La combinaison de ces archives et des vestiges archéologiques avec les techniques culinaires modernes et la culture alimentaire, a donné naissance à la gastronomie de Dunhuang, dont la mission est de proposer une table garnie de mets qui offrira aux convives de tous horizons un souvenir impérissable de Dunhuang.

Ces dernières années, le champ d'étude de la culture gastronomique de Dunhuang s'est étendu aux inscriptions sur lamelles de bambous de la dynastie Han exhumées par des fouilles archéologiques locales. Ce cercle s’est également élargi aux peintures murales des tombes des dynasties Wei et Jin mises au jour dans les villes et états voisins. Ces peintures connues sous le nom de « briques de portraits » contiennent de nombreuses informations à propos de l’alimentation, des ustensiles de cuisine et des représentations de banquets... De ces peintures aux formes et couleurs magnifiques telles que Le cerf aux neuf couleurs, Le riz grillé du peuple Hu et Cloches des chameaux de la route de la soie, semblent avoir émergé des mets fins et délicats.

CNS : Quels sont les opportunités et les défis du développement futur de la gastronomie de Dunhuang ?

Zhao Chang’an : Nous n'avons pas saisi l’opportunité de la rencontre entre Internet et la gastronomie de Dunhuang « émergeant » des fresques. Dans une certaine mesure, ceci a restreint son développement par notre limitation d’idées dans ce domaine. L’un des points clés de notre prochain travail est d’investir le Web afin que la gastronomie de Dunhuang acquière peu à peu une renommée internationale.

Ces dernières années, dans le cadre de la promotion de sa gastronomie, la ville de Dunhuang a également prêté attention aux cuisines chinoises et occidentales afin de répondre à la demande du marché. À chaque saison correspond une carte dont les plats sont servis à la personne, chacune comprenant huit plats chauds, quatre plats froids et deux plats principaux dont les noms évoquent 10 lieux emblématiques de Dunhuang. Cela permet ainsi au plus grand nombre de nos amis étrangers de découvrir les saveurs de Dunhuang d'une « manière familiale », et faire de cette gastronomie un « lien entre les papilles gustatives » des arts culinaires orientaux et occidentaux.

Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn

Photos : Unsplash


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