
« Seulement ce vert et bleu » : entre montagnes et eaux, un spectacle de danse haut en couleur
Inspiré du tableau mythique et millénaire Mille lis de rivières et montagnes, le spectacle de danse Seulement ce vert et bleu met en lumière les savoir-faire traditionnels chinois. Un succès, aussi critique que populaire, décortiqué par les deux créatrices chorégraphes de la pièce.
L'an 1113, sous le règne de Zhao Ji, talentueux artiste touche-à-tout et dernier empereur de la dynastie Song du Nord (960-1127) : entre crise politique et foisonnement artistique, Wang Ximeng, peintre professionnel et disciple de l'empereur, réalise, à seulement 18 ans, le mythique tableau Mille lis de rivières et montagnes, un panorama du paysage du sud de la Chine. Flamboyante et minimaliste, elle marque l'apogée de la peinture de shanshui ("montagne et eau", un terme chinois évoquant le paysage littéraire et pictural) en vert et bleu. Un chef d'œuvre unique dans l'histoire chinoise, au sens propre comme au figuré. Car il s'agit en effet de la seule et unique toile accomplie par le peintre prodige qui meurt prématurément à l’âge de 23 ans.
D’environ 50 cm de haut sur 12 m de long, ce précieux rouleau de soie en encre couleurs vert et bleu, exposé au public en 2017, a eu un immense succès en Chine. Parmi les milliers de visiteurs, deux chorégraphes Zhou Liya et Han Zhen, frappées toutes deux par la beauté de la peinture chinoise, y ont trouvé leur inspiration pour créer leur spectacle de danse Seulement ce vert et bleu. En tournée, sans répit, à travers la Chine depuis août 2021, la représentation dansante du tableau millénaire célèbre la beauté à la chinoise, aussi fidèle qu’élégante, et trouve, à la grande surprise de tous, un fort écho auprès de la jeunesse chinoise. Dans un entretien accordé à China News, les deux artistes reviennent sur les coulisses de ce spectacle de danse haut en couleurs.
China News Service : Pourriez-vous présenter en quelques mots le spectacle de danse Seulement ce vert et bleu ?
Han Zhen : Composé de plusieurs chapitres, le spectacle retrace le voyage dans le temps d'un jeune chercheur du Musée national du Palais, qui se trouve un jour propulsé dans la dynastie Song du Nord. Avec lui, les spectateurs découvrent au fur et à mesure les milles et un visages des peintures emblématiques chinoises conservées au musée national du Palais, coproducteur du spectacle. Nous voulons, à travers cette pièce, rendre hommage à la culture traditionnelle chinoise et aux artisans ingénieux, véritables gardiens du patrimoine culturel immatériel, qui transmettent leurs savoir-faire de génération en génération.
CNS : Quel a été le déclic de cette création artistique ?
Zhou Liya : Il
y a quelques années, avec Han Zhen, nous sommes allées voir, de nos propres
yeux, le tableau Mille lis de rivières et
montagnes, lors d’une exposition phare au Musée
national du Palais à Pékin. La popularité de cette dernière traduit en partie
une curiosité et un attachement des Chinois à la culture traditionnelle de leur
pays. Considérée comme l’une des dix plus
grandes peintures chinoises, Mille lis de
rivières et montagnes, réalisée en six mois par le peintre prodige Wang
Ximeng, se distingue des peintures classiques de shanshui en noir et blanc.
Sa marque de fabrique : les couleurs bleues et vertes produites à partir de
minéraux, qui font émerger un paysage chinois, aussi riche que somptueux. C’est
de là que vient le nom et le fil d’Ariane de notre spectacle. Nous avons également emprunté le
style xieyi (littéralement “transcrire l’idée ou l’intention”),
propre à la peinture chinoise pour composer la danse et adapter la mise en
scène.
CNS : En quoi Seulement ce vert et bleu se distingue-t-il des autres spectacles de danse ?
Z. L. : C’est un spectacle de « danse poétique », un nouveau concept que nous avons créé, dans lequel la narration fait place à l’émotion. Ainsi nous conjuguons langages de la danse, de la poésie et de la peinture chinoise afin de susciter une plus forte résonance spirituelle auprès du grand public, et de mettre en valeur le tableau Mille lis de rivières et montagnes sous différents prismes. Si cette peinture nous permet de découvrir la richesse du paysage de la Chine antique, elle jette également la lumière sur les savoir-faire millénaires et les talentueux artisans qui façonnent l'identité culturelle de la Chine.
CNS : Selon vous, quelle est la recette du succès de la pièce ?
Z. L. : Grâce au bouche à oreilles, notre spectacle a connu un grand succès en Chine. De nombreux spectateurs n’ont pas hésité à laisser sur internet des commentaires, que nous lisons attentivement pour affiner notre spectacle. Sur fond du renouveau national de la Chine, la population, en quête d’une identité culturelle et nationale, manifeste un grand intérêt pour toutes les formes d’art qui font briller les traditions culturelles et artistiques de l’empire du Milieu. Notre pièce, saluée par la critique, a servi sans doute de pont entre le grand public et l’art, avec un grand A, de la Chine.
H. Z. : Si notre création, dotée d’un triple ancrage dans la littérature, la poésie et la peinture, marque les esprits par son originalité et sa fraîcheur, le succès populaire dépasse tout de même nos attentes. Pour montrer les tempéraments, à la fois forts et doux, des Chinois de la dynastie Song, nous veillons sur les moindres détails, comme les mouvements ou la coiffure des danseurs, pour faire vivre la peinture sur scène.
Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn.
Photos © compte Weibo de Han Zhen
Commentaires