Zeng Xiaomin : « l’Opéra chinois peut briser les limites du temps et de l’espace »

1655884050884 China News Cheng Jingwei

Zeng Xiaomin, célèbre artiste d’Opéra cantonnais et également directrice de l’Institut d’Opéra cantonnais de la province du Guangdong, se confie dans une interview pour China News sur comment l’Opéra chinois, et plus spécifiquement cantonnais, peut davantage briller à l’international.

Zeng Xiaomin pense que cette forme d’art parviendra à innover en s’adaptant à de nouveaux formats de diffusion, notamment cinématographiques. La production de pièces d’Opéra pourra elle aussi progresser et le public du monde entier connaîtra prochainement une nouvelle image artistique de la Chine. L’utilisation de nouvelles plateformes de diffusion contribuera enfin à parachever la modernisation de l’Opéra chinois, tout en renforçant sa dimension interculturelle.

China News Service : En quoi l’Opéra chinois favorise-t-il le dialogue interculturel ?

Zeng Xiaomin :
L’Opéra chinois est ancré dans la vie réelle. Sa beauté lyrique et sa forte capacité de résonance en font un excellent support pour la représentation d’un tempérament culturel et esthétique chinois. Dans une pièce d’Opéra chinois, il existe une véritable communion avec le public. L’Opéra chinois peut briser les limites du temps et de l’espace, tout en surmontant les limites imposées par le langage.

Je pense aussi qu’il peut donc attirer un public international, l’introduire au monde chinois et l’acclimater à une forme d’esthétique orientale. L’Opéra chinois est un véritable outil de communication et de dialogue interculturel. C’est ce que prouve d’ailleurs les 400 ans d’histoire de l’Opéra cantonnais. Cette forme d’Opéra s’est diffusée dans le monde au cours du siècle dernier et a même atteint les côtes californiennes à San Francisco en 1852. C’était la première fois que l’on avait une fenêtre ouverte sur le monde dans ce domaine, c’était aussi une première pour la représentation de l’Opéra chinois en dehors de nos frontières.

CNS : Comment l’Opéra chinois parvient-il à étendre son influence en Chine et dans le monde ?

Zeng Xiaomin : La voie à suivre pour l’internationalisation de l’Opéra chinois repose sur la droiture et sur l’innovation. Ces dernières années, l’Opéra chinois n’a eu de cesse de traverser les frontières, il est sorti de son cadre originel, en Chine et à l’étranger. Il a réussi à attirer un public plus jeune, qui le soutient désormais et qui lui porte de l’attention. L’Opéra chinois s’adapte aussi désormais au format de diffusion cinématographique, à l’image du film « White Snake » (baishe zhuan qing 白蛇传•情), sorti en salle en 2019 et dans lequel j’interprète le rôle du Serpent Blanc. Ce film possède toutes les caractéristiques d’un film chinois avec son esthétique orientale. Il a même été enregistré au box-office des films d’Opéra chinois moins de 20 jours seulement après sa sortie en salles. Il a été considéré comme un jalon important dans le développement du film d’Opéra chinois et il a eu l’honneur de remporter plusieurs prix dans le cinéma chinois. Il a gagné le cœur du public chinois, mais aussi de certains spectateurs étrangers.

White Snake - Opéra chinois - Compte officiel Weibo

Le succès du film « White Snake » s’explique finalement par le fait qu’il a été élaboré avec les dernières techniques cinématographiques occidentales. C’était par exemple le cas de la photographie, des accessoires de théâtre, de la musique ou encore des effets spéciaux. Dans le même temps, « White Snake » a pu représenter une esthétique orientale et traditionnelle très authentique, tout en explorant le délicat équilibre entre la sauvegarde de la tradition de l’Opéra cantonnais et l’élégance de l’époque.

L’Institut de l’Opéra cantonnais a aussi dernièrement lancé une nouvelle pièce d’Opéra intitulée « Le turban rouge » (hong toujin 红头巾), qui combine non seulement le chant et la posture traditionnelle de l’Opéra cantonnais, mais aussi des traits artistiques de notre époque, comme la danse moderne ou le « rap rock » (un genre musical mêlant éléments instrumentaux et vocaux du hip-hop et de nombreux styles de rock). Il offre ainsi au public chinois et étranger une nouvelle expérience, plus moderne et plus diversifiée, sans pour autant dénaturer la représentation artistique traditionnelle de l’Opéra cantonnais.

La nouvelle pièce d’Opéra intitulée « Le turban rouge » (hong toujin 红头巾)

CNS : Selon vous, comment l’Opéra chinois pourrait prendre sa part dans la diffusion de la culture chinoise à l’étranger ?

Zeng Xiaomin : Il est important de renforcer l’internationalisation de l’Opéra chinois, surtout dans le contexte actuel. Nous vivons dans une époque marquée par l’accroissement de la puissance économique de la Chine, mais aussi à l’heure d’une certaine complexité de l’environnement culturel international et de l’opinion publique mondiale. Il faut soutenir l’internationalisation de l’Opéra chinois, car cela permettra sans doute d’aborder l’image de la Chine sous un autre angle, et ainsi de construire une confiance mutuelle entre les cultures. Dans cette nouvelle ère qui commence, il est important que le monde ait une image renouvelée de la culture chinoise. C’est d’autant plus nécessaire à l’époque de l’intégration économique internationale, ainsi qu’à l’ère de la lutte contre la Covid-19. Les publics du monde entier désirent ardemment en apprendre plus les uns sur les autres, ils ont envie que les malentendus se dissipent. Je pense que l’Opéra cantonnais peut aussi apporter sa pierre à l’édifice.

The Drunken Beauty, interprété par le maître de l'opéra de Pékin Mei Lanfang. Dr.

Enfin, je pense qu’il y a trois domaines à approfondir. D’abord, il faut mettre sur pied une bibliothèque numérique des productions de l’Opéra chinois, qui incitera les scénaristes à trouver de nouveaux thèmes basés sur les besoins du monde d’aujourd’hui. La Chine est en pleine mutation, le public est en recherche de cela. Il faut trouver de nouveaux matériaux sur lesquels s’appuyer et construire de grandes bases de données pour les principaux théâtres. Ensuite, je pense qu’il faut mettre en œuvre un programme de soutien économique au secteur de l’Opéra chinois, avec un soutien financier ciblant des œuvres clés, il faut aussi un groupe d’experts dont le rôle consisterait à suivre et à guider la promotion de l’Opéra chinois à l’étranger. Enfin, il faut s’emparer des nouvelles plateformes de diffusion qui sont à notre disposition. On pourra ainsi plus facilement faire la promotion de l’Opéra chinois, tout en approfondissant les progrès déjà obtenus dans la coopération et dans la diffusion des œuvres. Il ne fait aucun doute que cela renforcera l’attention du public national et international pour nos créations.



Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn.


Photos : L'Opéra chinois « White Snake » (baishe zhuan qing 白蛇传·情) © Douban


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