Diarra Boubacar, le premier étranger à obtenir un doctorat en médecine traditionnelle chinoise

1657705173215 China News Service Luo Haibing

« Les malades sont tous égaux et un grand médecin les considère comme s’ils étaient tous ses plus proches parents. » Dans un entretien accordé à China News, Diarra Boubacar, médecin malien en MTC vivant à Chengdu, cite le grand médecin chinois Sun Simiao pour évoquer les fondements de l'éthique médicale chinoise.

Pour un Africain qui voudrait exercer la médecine traditionnelle chinoise dans l'empire du Milieu, le défi est de taille :il lui faut décrocher un doctorat, maîtriser à merveille la langue chinoise, y compris le chinois classique et différents dialectes, avant de trouver un poste dans un hôpital prêt à l’accueillir. Même s’il coche toutes ces cases, la question vitale demeure : les patients chinois, dont beaucoup vivent dans les régions reculées du pays, voudraient-ils consulter un praticien étranger en MTC ?

Aujourd’hui, cette interrogation ne se pose plus pour le Malien Diarra Boubacar, premier étranger à obtenir un doctorat en MTC et actuellement médecin expert dans un hôpital à Chengdu, dans le sud de la Chine. Mieux, grâce au bouche-à-oreille, il est même devenu un des médecins stars de l'établissement. Dans un entretien accordé à China News, le Dr Boubacar revient sur son parcours initiatique tout en évoquant sa passion pour la médecine traditionnelle chinoise. 

Né dans une famille de médecins au Mali, vous êtes venu en Chine en 1984 pour apprendre la médecine occidentale avant de bifurquer vers la médecine traditionnelle chinoise. Pourquoi ce choix ?

Il est vrai qu'en 1984 je suis venu en Chine pour apprendre la médecine occidentale, après avoir renoncé à faire des études en Europe. Comme j'étais en Chine, pourquoi ne pas apprendre la médecine propre à ce pays. Pourtant ce n'était pas une décision facile, parce que je n'avais eu aucune idée ni de la médecine chinoise, ni même de la Chine. Lors d’un match de foot, un camarade s'est cassé le pied, mais il a réussi à se lever très vite après qu’un infirmier lui a fait de l’acupuncture. La MTC, c’était magique ! Ainsi j’ai nourri une profonde admiration pour la médecine chinoise. Puis j'ai terminé mes études de licence et de master à l’Institut de médecine traditionnelle de Guangzhou, avant de décrocher en 1997 mon doctorat à l’Université de médecine traditionnelle de Chengdu, devenant ainsi le premier étranger à obtenir un doctorat en médecine traditionnelle chinoise. 

Quelles sont les différences entre la médecine traditionnelle chinoise et occidentale ?

La médecine traditionnelle chinoise, basée sur des méthodes de prévention et de traitement de maladies que les Chinois ont maîtrisées au fil de l'histoire, prend en compte le corps humain comme une entité organique toute entière. À cela s’ajoutent la vision philosophique du ciel et de la terre, ainsi que de la théorie du Yin et du Yang qui ont profondément influencé la médecine traditionnelle chinoise. En revanche, la médecine occidentale traite les maladies au cas par cas. Par exemple, si vous avez de la fièvre, il se doit qu’un médecin occidental trouve la raison précise derrière la fièvre : est-elle dû à une bactérie ou à un virus ? Et quel est le type de bactérie ou de virus ? En un mot, la médecine traditionnelle chinoise traite l’homme dans sa globalité, tandis que la médecine occidentale traite les maladies et les deux disciplines doivent apprendre l’une de l’autre pour se renforcer mutuellement. 

Quels étaient les défis que vous avez dû relever lors de votre apprentissage de la médecine traditionnelle chinoise ? 

Le plus grand défi est la maîtrise de la langue. J’ai appris le chinois pendant un an et demi avant de suivre des cours avec les étudiants chinois. Je me rappelle que la première année, notre promotion comptait huit étudiants étrangers, dont six ont abandonné au bout de deux ans à cause de la langue. Le plus dur, c’était d’apprendre le chinois classique en suivant les cours des professeurs parlant en dialecte. Si j’ai appris le mandarin à Pékin, les professeurs de la fac de Guangzhou, tous des locaux, nous expliquaient en cantonnais le Huangdi Nei Jing, le plus ancien manuel de médecine chinoise. La première année, je n’y comprenais rien mais j’ai ensuite passé beaucoup de temps à consulter les dictionnaires chinois et grâce au soutien de mes camarades et professeurs, j’ai survécu aux épreuves. Dans les hôpitaux chinois, il n'est pas simple de gagner la confiance de mes patients. Pourquoi consulteraint-ils un médecin noir ? Pour y parvenir, j’ai dû faire beaucoup d’efforts pour maîtriser leurs dialectes afin de mieux échanger avec eux et de gagner leur confiance. 

La médecine pourrait-elle dépasser les frontières nationales ?

Le Grand médecin excellent et honnête, un ouvrage sur l'éthique médicale rédigé par le grand médecin Sun Simiao de la dynastie Tang (618-907) nous offre une belle leçon. Selon ce dernier, « Quand un médecin éminent traite une maladie, il doit avoir l’esprit serein et un tempérament solide. Il doit être un modèle de compassion et de compréhension sans vœux ni désirs personnels. Il fait serment de mettre fin partout à la souffrance des hommes. Si quelqu’un qui souffre horriblement d’une maladie réclame son aide, il ne se demandera pas s’il s’agit d’un noble ou d’un roturier, s’il est riche ou pauvre, vieux ou jeune, beau ou laid, s’il est chinois ou étranger, si c’est un fou ou un homme sage, s’il nourrit de la rancune à son égard, s’il est un ami proche ou un parent. Ils sont tous égaux et il les considère comme s’ils étaient tous ses plus proches parents.1 » Il y a plus de mille ans, les Chinois avaient déjà cette vision de la médecine, empreinte d’humanisme et d’universalisme. Nous, médecins d’aujourd’hui, devons appliquer la devise d'antan face aux patients : ils sont tous égaux et un grand médecin les considère comme s’ils étaient tous ses plus proches parents. En tant que médecin, je soigne mes patients, tout en me réalisant.

Diarra Boubacar, né en 1964 dans une famille de médecins au Mali, est un docteur en médecine traditionnelle chinoise. Installé en Chine depuis 1984, il a obtenu son doctorat en médecine en 1997. Dans les années 1990, il a aidé à former des milliers de médecins chinois dans la campagne du Yunnan.

1Texte traduit par le blogueur mtc-brest


Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn

Photos : Xinhua
 

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