« A Dream of Splendor » : illusion de l’émancipation

1657711778965 Chine-info Hu Wenyan

Avec A Dream of Splendor, série de 40 épisodes diffusée cet été sur WeTV, la réalisatrice Yang Yang nous offre une adaptation très libre de Sauvée de la déchéance, opéra culte de Guan Hanqing de la dynastie Yuan. 

Les tribulations d’une femme provinciale dans la capitale chinoise. Ce sujet contemporain, Yang Yang, réalisatrice aguerrie, préfère le placer dans une époque lointaine. Dans la dynastie Song, Zhao Pan’er, patronne d’une maison de thé et ancienne danseuse, décide de monter dans la capitale, pour demander des comptes à son ancien fiancé, qui l’a quittée pour une femme plus respectable. Chemin faisant, elle sauve la vie de ses deux amies - la joueuse de cithare Song Yinzhang et la cuisinière Sun Sanniang, victimes toutes deux d'un mariage toxique -, et rencontre Gu Qianfan, un officier de renseignement chargé de trouver un tableau douteux. Zhao, avec ses deux amies, s’installe à Bianjing, capitale aussi prospère que littéraire, se venge du fiancé infidèle, et lance une des maisons de thé les plus réussies.

Décor somptueux, jeu d’acteur bien travaillé, alchimie romantique entre les deux protagonistes, répliques hilarantes, situations burlesques et cocasses dignes d’un savoureux vaudeville… A Dream of Splendor, qui coche toutes les cases d’une bonne série chinoise rom-com en costume, a tout pour séduire le grand public. D’autant que l'actrice principale Liu Yifei, interprète de Mulan dans le film éponyme des studios Disney, y fait son retour sur le petit écran après quinze ans d'absence, suscitant curiosité et intérêt. Le succès est presque immédiat, tant critique que populaire, malgré des polémiques autour des intrigues qui surgissent au cours de la diffusion. 

Puisant ses inspirations dans deux oeuvres classiques, Sauvée de la déchéance, opéra culte de Guan Hanqing de la dynastie Yuan et Rêves de splendeur de la capitale orientale, portrait de la ville de Kaifeng dressé par Meng Yuanlao de la dynastie Song, la scénariste Zhang Wei réclame sa liberté d’adaptation télévisuelle pour nous proposer un récit contemporain et des figures féminines dans l’air du temps. Le pari s’avère périlleux, car le mélange entre slogans féministes contemporains et carcans de la Chine féodale crée une drôle de temporalité, entre un passé moderne et un présent renouant avec l’allure d'antan.   

En voulant surfer à la fois sur la « Song Mania » et le féminisme afin de remettre le drama au goût du jour, la créatrice a tout de même dû faire des concessions. Ainsi, Zhao Pan’er, rusée et audacieuse, décrite originellement par Guan Hanqing comme prostituée, devient fille d’un haut fonctionnaire dont la déchéance l’a amenée à être vendue à une troupe de saltimbanques, pour devenir plus tard danseuse et courtisane. Tout au long de la série, les personnages féminins sont sans cesse mis en opposition entre damoiselle et prostituée, laissant un goût amer aux téléspectateurs enthousiastes qui s'interrogent sur l’amitié et la solidarité féminine. Et au regret du grand public, le carcan social semble se refermer sur la virginité et les origines sociales. Perdant l’essence des intentions du dramaturge du XIIIe qui souhaitait mettre en lumière la vie dans les bas-fonds.    

Malgré une précieuse touche de fraîcheur, A Dream of Splendor serait tombé malheureusement dans les vieux pièges du mépris des classes sociales et d’une certaine idolâtrie du pouvoir. Une série phénomène qui maîtrise, par excellence, tous les codes d’une typique rom-com en costume chinoise, jusqu’à commettre les mêmes défauts tant décriés par les critiques. 

A Dream of Splendor 梦华录

Série disponible sous-titrée en anglais sur WeTV

Nombre d’épisodes : 40

Diffusion : juin 2022 

Production : Tencent Video

Genre : drame, romance

Réalisée par Yang Yang

Avec Liu Yifei, Chen Xiao, Liu Yan, Lin Yun...

Photos  © Tencent Video


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