Sur les toits, les «animaux fantastiques chinois» offrent le ciel aux terrestres

1658138924831 China News

Sur les toits aux angles fortement relevés, marque de fabrique de l’architecture chinoise, se dressent souvent une série de statues d’animaux fabuleux issues des mythologies chinoises, qui permettent d’explorer l’histoire et la culture chinoise sous un nouvel angle, explique Zhao Juan, professeur d’art, dans un entretien accordé à China News.

Les « chinoiseries », ce sont les autres qui en parlent le mieux. En témoignent les recherches sur une originalité architecturale bien chinoise : les statues d'animaux sur la crête du toit des bâtiments anciens. En effet, le premier livre dédié à ce sujet, Les statues décoratives sur la crête du toit et l'évolution des tuiles vernissées chinoises, a été écrit en 1924 par un certain Eduard Fuch, collectionneur d'art et historien allemand. D'ailleurs la passion allemande pour cette merveille chinoise dure jusqu'à aujourd'hui : un siècle après la publication du livre, le 26 mars 2022, des tuiles vernissées ont été transportées de la Chine à la ville d'outre-rhin Duisbourg pour la construction d'un jardin chinois. Quelles sont les caractéristiques de ces statues animalières sur le toit ? En quoi séduisent-elles un public au-delà des frontières chinoises ? Entretien avec Zhao Juan, professeur d'art à l'Université des sports de Pékin, qui revient sur la portée symbolique et rituelle de cet art chinois unique, ainsi que sur la rencontre de ce dernier avec le monde occidental.     

Qu’est ce que les wujishou, ou « animaux sur la crête du toit » ?

L'architecture traditionnelle chinoise est marquée par des toits aux angles fortement relevés, où se tiennent des statues d’animaux fabuleux issues des mythologies chinoises (en chinois xiaopao, littéralement « petit coureur »). Il existe des critères très précis, qui vont du nombre à la taille en passant par le visuel, concernant le choix de ces petites statues en tuile, fortes de ses valeurs rituelles et culturelles. Par exemple, le Palais de la Grande Harmonie, endroit le plus sacré de la Cité interdite, est le seul et unique bâtiment en Chine qui possède dix « petits coureurs » sur la crête du toit, alors que les autres palais sont décorés au maximum par 9 de ces statues. L’ordre de ces animaux est également bien défini. Après la statue du dragon, symbole même de la Chine, se dressent celles du phénix, lion, cheval du ciel, cheval de la mer, suanni et yayu (fils du dragon), xiezhi (cerf recouvert d'écailles avec une corne sur le front), douniu (dragon à cornes) et hangshi (littéralement « ordre de la dixième place », un animal mi-singe mi-oiseau).

En Occident, où en sont-elles les recherches et les collections de ces statues d’animaux sur le toit ?

En Occident, les collections thématiques sur les wujishou sont rares, mais on peut tout de même trouver certaines pièces dans différents musées, tels que le Musée d'art d'Asie de l'Est de l’Allemagne, le Musée d’art d’Asie de l’Est de Cologne, ou encore le Musée royal de l'Ontario au Canada. Dans ce sens, le collectionneur Eduard Fuch est un pionnier dans la collection et les recherches sur ces « animaux fantastiques chinois », peu considérés d'ailleurs par les professionnels de l’époque. Mais pour ce collectionneur Allemand, à côté des œuvres emblématiques dans les grands musées, ces statues d’animaux, aussi sobres qu’originales, permettent en revanche au public d’explorer l’histoire et la culture sous un nouvel angle. 

L’architecte allemand Ernst Boerschmann (1873-1949) s’est rendu en Chine à trois reprises et il a consacré un chapitre dans son livre L’architecture chinoise aux éléments décoratifs sur le toit.

Effectivement, ses visites se sont effectuées entre 1902 et 1936, et il a beaucoup étudié les demeures impériales à Pékin, ainsi que les architectures de différents styles à travers toute la Chine. Il a publié, en 1925 à une époque surnommée « l'âge d'or de Weimar », L'architecture chinoise, posant ainsi en Allemagne les premiers jalons de recherches architecturales sur la Chine. Pour  Ernst Boerschmann, les toits courbés, les angles relevés et les éléments décoratifs variés, apportent une touche de fraîcheur à l’architecture chinoise, marquée souvent par une structure rigoureuse et exigeante.   

Existe-il des éléments décoratifs similaires dans l'architecture occidentale ?

Oui, en Occident, il existe aussi des éléments décoratifs d'architecture sur le toit, même si leur matériel, leurs techniques de fabrication ainsi que leur incarnation symbolique ne sont pas tout à fait les mêmes que les mêmes en Chine. Pourtant entre différentes civilisations, on partage tous la même quête de la beauté et la même envie d’épanouissement. En effet, au bout des avant-toits des temples de la Grèce ancienne, il existe de différents éléments décoratifs, en forme d'animaux ou de plantes. D'ailleurs il n'est pas rare de voir des statues de cavaliers sur le toit des bâtiments traditionnels en Occident. En témoigne le mot allemand Dachreiter, autrement dit « cavalier sur le toit », car dach désigne le « toit » et reiter signifie bien « cavalier » en allemand. Ils frappent les esprits dû à leur hauteur et leur position surplombante. De plus, dans l’architecture gothique, les statues sur le toit s’orientent vers le ciel, renforçant la portée spirituelle du bâtiment. 

Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn

Photos : Unsplash

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