
L’aquarelle chinoise : fusion des arts oriental et occidental
Du début du XXe siècle jusqu’à nos jours, l’art de l’aquarelle a connu une croissance importante en Chine et a subi des changements considérables. Dans quelle mesure l’aquarelle contemporaine chinoise réalise-elle la fusion entre traditions de l’art oriental - notamment de la peinture à l’encre - et traditions de l’art occidental ?
Ye Wu, maître de conférences au département d’architecture de l’Université de Tianjin, spécialiste de l’aquarelle, a accordé une interview à China News pour apporter des explications.
Pourriez-vous nous éclairer sur la définition et l’histoire de l’aquarelle ?
L’aquarelle est une peinture à l’eau sur papier, les couleurs étant surtout légères et transparentes. En effet, elle se distingue de la peinture à l’huile ou de la peinture à l’encre.
L’aquarelle, telle qu’elle est connue
aujourd’hui, est née vers la fin du XVIIIe siècle en Angleterre.
Elle a été introduite en Chine sous les dynasties Ming et Qing. Cependant,
l’enseignement de la peinture à l’aquarelle dans les écoles chinoises ne commence
que vers 1912, l’année de la création de la République de Chine. À l’initiative
du célèbre éducateur de l’époque – Cai Yuanpei, les cours d’aquarelle
constituent un élément important de l’éducation artistique dans les programmes
scolaires. Ainsi, l’aquarelle a connu une forte expansion dans tout le pays.
Aujourd’hui, l’aquarelle, pratiquée en Chine depuis plus de cent ans, a subi de nombreux changements et a développé un style unique au monde, réunissant les traditions de la peinture chinoise et les techniques occidentales.
Pour quelle(s) raison(s) l’aquarelle, née au XVIIIe siècle en Europe, a-t-elle été pratiquée par un grand nombre d’artistes chinois à travers le temps ?
L’aquarelle occidentale et la peinture
traditionnelle chinoise partagent plusieurs points communs : s’agissant
toutes deux d’une peinture sur papier, réalisée à l’aide d’un pinceau et avec
des couleurs délayées dans l’eau. Ces caractéristiques similaires ont
indubitablement favorisé la pratique et le développement de l’aquarelle en
Chine.
Quelles sont les différences entre l’aquarelle chinoise et l’aquarelle occidentale ?
Commençons par aborder l’aquarelle
occidentale. Nous pouvons prendre comme exemple l’aquarelle anglaise, qui s’est
beaucoup développée au cours du XVIIIe siècle. Au lieu de saisir les
sensations fortuites, elle cherche à reproduire la réalité de la manière la
plus fidèle possible. Les aquarellistes tracent d’abord minutieusement le
contour au crayon, puis remplissent les espaces blancs avec diverses couleurs au
pinceau. En un mot, l’aquarelle occidentale est une représentation du réel,
elle cherche à capter l’instant et se focalise, plus particulièrement, sur les
effets de lumière et sur les nuances variées de couleurs.
Toutefois, à la différence de l’aquarelle
occidentale qui est relativement objective, l’aquarelle chinoise, en suivant la
tradition de la peinture à l’encre, insiste davantage sur les sensations
subtiles et la résonance de l’élan spirituel. Les aquarellistes chinois visent
à saisir les expériences vécues et les perceptions sensorielles. D’ailleurs,
afin d’exprimer une forte impression, les éléments secondaires sont supprimés,
permettant ainsi au spectateur de donner libre cours à son imagination. De
plus, en Chine, une œuvre peinte à l’aquarelle contient souvent, à l’instar de
la peinture traditionnelle, des espaces blancs et de vides. Cette technique
ancestrale constitue une caractéristique marquante de l’art pictural chinois.
En résumé, l’aquarelle chinoise, sous l’influence de la peinture à l’encre, met
l’accent non pas sur la reproduction de la réalité, mais sur l’expression des
idées (xieyi) et de la spiritualité[1].
Selon vous, dans quelle mesure l’aquarelle chinoise reflète-elle la fusion de l’art oriental et de l’art occidental ?
En fait, les arts oriental et occidental
s’éclairent et s’enrichissent mutuellement depuis longtemps. Certains grands
peintres de l’Occident ont apprécié et appliqué les techniques de la peinture
chinoise, pour apporter du dynamisme dans le monde pictural occidental, dominé
par le courant réaliste pendant une longue période. Par exemple, Picasso,
fondateur du cubisme et aussi peintre surréaliste qui a bouleversé l’art du XXe
siècle, vouait également une grande admiration à Qi Baishi, géant de la
peinture chinoise de la même époque. Les artistes contemporains de l’Occident
ne sont plus toujours en quête du réel. Parallèlement, les peintres de notre
pays, en appliquant les techniques de l’aquarelle occidentale, revisitent et
développent l’art pictural chinois. Ainsi, les arts oriental et occidental
coexistent et se complètent en permanence.
Photos : tableaux de Ye Wu / China News
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