
Le dessin animé, un pont artistique et culturel entre la Chine et le Japon
Dis-moi quel dessin animé tu regardes, je te dirai qui tu es ! En France, le manga est tellement apprécié par le grand public qu'il est en train de devenir un mode de vie. Il en va de même pour l’empire du Milieu, car les animes cultes japonais tels que Doraemon, Slam Dunk ou encore One piece, ont marqué une génération de Chinois. En revanche, rares sont ceux qui se rendent compte à quel point les dessins animes chinois comme Princesse à l'éventail de fer ou encore Monkey King, ont contribué à l’évolution du paysage d’animation japonais. Lors du 50e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre la Chine et le Japon, Baba Kimihiko, ancien éditeur de la maison d’édition japonaise Iwanami Shoten et professeur de la culture japonaise à l’Université de Pékin en Chine, analyse, dans un entretien accordé à China News, la portée culturelle et symbolique du dessin animé dans les échanges sino-japonais.
Slam Dunk. DR.
Pourquoi l’animation japonaise a-t-elle connu un franc succès en Chine ?
Un succès dû notamment à la proximité culturelle, sociologique et géographique entre la Chine et le Japon. Pour ma génération au Japon, les dessins animés sont considérés comme « gâteaux de trois heures d’après-midi », parce que les élèves du primaire ont l’habitude de prendre un dessert tout en regardant des dessins animés. Un souvenir d'enfance partagé également par les élèves chinois. Les centres d'intérêts et passions des enfants ne demeurent pas cantonnés aux frontières nationales. Doraemon, Détective Conan ou encore One piece mêlent souvent humour, suspense et action, trois ingrédients incontournables de leur succès auprès des adolescents chinois. L'animation japonaise séduit également une partie de jeunes adultes chinois, car la Chine et le Japon partagent sans doute beaucoup de points communs sur les plans culturel et social. De plus, les classes moyennes des deux pays se rapprochent l'une de l'autre dans leur mode de vie et habitudes de consommation. En témoignent les nouveaux phénomènes qui marquent aussi bien la Chine que le Japon, tels que mariage tardif, célibat ou DINK (terme anglophone définissant les couples actifs sans enfant)... Ainsi le dessin animé, un langage à la fois universel et fédérateur, fait dialoguer les populations des deux pays voisins.
Quel regard portez-vous sur l’influence de la culture chinoise sur l’animation japonaise ?
Je pense que les Japonais doivent mieux se rendre compte de l’influence de la culture et des dessins animés chinois sur notre secteur d’animation. Il est clair que l’auteur du manga Ken le Survivant a puisé ses inspirations dans le film d’art martiaux Opération Dragon de Bruce Lee. Les deux autres mangas Sangokushi et Saiyū Yōenden sont basés respectivement sur les deux classiques littéraires chinois que sont Les Trois Royaumes et La Pérégrination vers l'Ouest. Même le maître de l’animation japonaise Hayao Miyazaki a reconnu que l’histoire chinoise La légende du serpent blanc lui a servi de sources d’inspirations. Osamu Tezuka, le « père du manga » frappé par le film d’animation chinois Princesse à l'éventail de fer, décide de s’immerger dans l'animation. Il a créé la série d’animation Gokū no Daibōken en transposant l’ouvrage La Pérégrination vers l'Ouest sur le petit écran.
"The Legend of Hei", film d'animation chinois, a eu un grand succès sur le marché japonais. DR.
Du point de vue historique, l’animation chinoise se démarque dans le paysage audiovisuel par la présence des éléments de la culture traditionnelle chinoise. En témoignent les animes produits par le Studio d'animation de Shanghai qui mêlent souvent les arts shanshui, papier découpé, marionnette ou théâtre d'ombres dans la conception graphique des personnages. La flûte (1963), un chef d'œuvre d'animation peint en shuimo (à l'encre et à l'eau), dresse un portrait, aussi soigné que délicat, de la campagne chinoise. Le Roi des singes et Le prince Nezha, avec la musique de l'opéra de Pékin, marque l'apogée de l'animation chinoise.
Quelle est la réception des dessins animés chinois au Japon ?
En plein développement, l'animation chinoise, aussi variée et diverse, attire de plus en plus le public japonais. En témoigne le succès commercial de nombreux animes chinois sur le marché japonais tels que Heaven Official's Blessing, Journal d'un pilleur de tombe, Under One Person ou encore The Legend of Hei. Les professionnels du secteur doivent apprendre de leurs confrères japonais ou américains, tout en puisant leurs inspirations dans la culture et la tradition chinoise.
Dans quelle mesure le dessin animé pourrait-il contribuer aux échanges culturels entre la Chine et le Japon ?
En Chine, nombreux sont les amateurs de mangas qui ont choisi la langue et la culture japonaise comme spécialité à la fac. L’animation est un art collectif, où la Chine, forte des ses mains-d'œuvre et capitaux, et le Japon, marqué par ses expériences et savoir-faire, devraient travailler main dans la main pour créer de meilleures œuvres. Les deux pays ont déjà coproduit en 1988 le court métrage d’animation Tirer sans tirer, posant les premiers jalons du partenariat sino-japonais dans ce secteur.
Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn.
Photo du haut : dessin d’Osamu Tezuka, créateur du mythique personnage Astro, grand fan des frères Wan, réalisateurs du film d'animation chinois Le Roi des singes. DR.
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