
[Leçon de chinois] Chengyu et culture
Les 成 语 chéngyŭ, expressions figées, sont nombreuses en chinois, plusieurs milliers, et un certain nombre d’entre elles comprend des chiffres (voir Le 9, n°51). Ces expressions sont indissociables de la culture chinoise.
FAIT DE LANGUE
Une partie d’entre elles utilise la langue moderne et est compréhensible lorsqu’on en a saisi la logique. C’est le cas par exemple de certaines que nous avons vues dans le numéro précédent, ou encore de celle-ci : 东 南 西 北 dōng nán xī běi, littéralement « Est Sud Ouest Nord », qui veut dire « dans toutes les directions ».
Une autre partie provient d’œuvres plus anciennes et est si empreinte de culture, de mythologie et d’histoire, qu’il peut être de prime abord difficile d’en saisir le sens sans en connaître le contexte. Derrière ces expressions se cachent de petites histoires et parfois une morale, se rapprochant de proverbes. En voici quelques exemples :
画 蛇 添 足 huà shé tiān zú : Cette expression peut se traduire littéralement par « ajouter des pattes à un serpent en le dessinant ». Voici l’histoire cachée derrière cette expression : avant notre ère, un groupe d’amis fit un concours de peinture. Celui qui peindrait un serpent le plus vite gagnerait une jarre de vin. Le plus rapide, voyant qu’il devançait les autres, se mit à ajouter des pattes à son serpent. Mais il fut disqualifié car ce n’était plus un serpent. Un équivalent français peut être « le mieux est l’ennemi du bien ».
叶 公 好 龙 yè gōng hào lóng : « Le seigneur Ye adorait les dragons ». Sa demeure était recouverte de peintures de l’animal. Mais lorsqu’il en vit réellement un, il fut terrifié. Cette expression symbolise « faire semblant d’aimer ce qui nous effraie ».
惊 弓 之 鸟 jīng gōng zhī niăo : « l’oiseau effrayé par l’arc ». Le célèbre archer Geng Ying de la période des Royaumes Combattants (du Ve siècle au IIIe siècle av. J.-C.) se vanta auprès du roi de pouvoir faire tomber une oie en vol juste en tirant sur la corde de son arc, ce qu’il fit. Au roi impressionné, il expliqua que l’oiseau était déjà mal en point et qu’au bruit de l’arc, il s’était effondré. Cette expression est utilisée pour décrire quelqu’un d’effrayé quand il se sait coupable.
拔 苗 助 长 bá miáo zhù zhăng : « tirer sur les plants pour en favoriser la croissance ». Un paysan cultivant du riz se plaint à sa femme de la croissance lente des plants. Cette dernière l’invite à patienter et à laisser faire la nature. Mais un mois plus tard, ses plants ne font que quelques centimètres. Impatient, le paysan se met une nuit à tirer sur ses plants pour accélérer leur croissance et dit fièrement à sa femme que ses plants ont grandi. Mais lorsque celle-ci sort pour les voir, les jeunes plants trop fragiles ont été brûlés par le soleil. Cette expression est utilisée pour indiquer que forcer les choses pour aller plus vite ne mène qu’au résultat inverse.
CARACTÈRE DU MOIS
语 yŭ signifie le langage, la parole. Il est composé de deux parties, l’une sémantique, l’autre phonétique :
Le composant de gauche 讠 , la clé du caractère, est la clé de la parole 言 yán, sous sa forme simplifiée. C’est le composant sémantique de 语 yŭ.
La partie droite, 吾 , se prononce wú et est donc la partie phonétique car elle donne une indication sur la prononciation du caractère 语 yŭ. 吾 wú tient sa prononciation du chiffre 5 五 wŭ qu’il contient. C’est pourquoi dans sa graphie primitive, la partie droite du caractère 语 yŭ se composait d’un double caractère 五 wŭ. Après la dynastie Han (-206 à 220), la partie phonétique s’est stabilisée en 吾 wú.
Quelques expressions :
语法 yŭfă : grammaire
外语 wàiyŭ : langue étrangère
口语 kŏuyŭ : langue orale
母语 mŭyŭ : langue maternelle
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