[L’Internet du Milieu] Écrivain de père en fille ? En Chine, une fille de... qui fait polémique

1665132328851 Le 9 Hu Wenyan

En Chine, la candidature de la fille du célèbre romancier chinois Jia Pingwa, elle-même écrivaine, à l'Association nationale des écrivains chinois, a été refusée. Polémique sur la Toile... 

Jamais la poésie chinoise contemporaine n’avait fait autant parler. Le 2 septembre, l’Association nationale des écrivains chinois, une institution officielle regroupant les plus grands auteurs du pays, a décidé de refuser en son cénacle Jia Qianqian, poètesse, chercheuse et fille aînée du romancier chinois Jia Pingwa (prix Femina étranger 1997 pour La Capitale déchue). Un refus survenu après la contestation d’internautes reprochant à la poétesse la vulgarité de certains de ces écrits. 

Le romancier chinois Jia Pingwa, qui a eu le prix Femina étranger 1997 pour La Capitale déchue. DR.

Chercheuse spécialiste... de son propre père 

Née en 1979, Jia Qianqian est aujourd'hui professeure de littérature contemporaine chinoise à l'Université du Nord-ouest de Chine. La chercheuse est spécialiste... de son propre père Jia Pingwa, un grand nom de la littérature chinoise contemporaine. Elle a publié plusieurs recueils de poèmes dont Le Lac à l'intérieur de la noix de coco, ou encore La Centième Nuit. Pour certains, elle est géniale : « Des gens qui ont écrit toute leur vie ne parviennent pas à s’approcher de l’essence de la poésie comme elle », a commenté Zhang Qinghua, professeur de l’Université normale de Pékin. Pour d’autres, c’est tout le contraire, comme pour Tang Xiaolin, critique littéraire et professeur à l’Université de Sichuan, qui en 2021 n’a pas hésité à qualifier sa poésie de « perverse, sale, mesquine et médiocre ». Méconnue du grand public, Jia Qianqian s’est alors tout de suite fait un nom. 

Le Lac à l'intérieur de la noix de coco, un des recueils de poèmes publiés par Jia Qianqian. DR.

Style « pipi caca » 

Qingqing crie/Ma petite soeur chie sur mon lit/Au moment où nous y arrivons/Langlang, avec sang-froid/ Pince les crottes/Descend du lit/Comme un roi qui retournedanssonpays (JiaQianqian, « Langlang ») 

« Il suffit qu’elle insère beaucoup de sauts de ligne pour faire d’une phrase à la con un poème, (...) certains critiques ont fait des éloges juste pour plaire au père de Jia Qianqian », assène Tang Xiaolin. La polémique vaut alors à la poétesse l'étiquette de fondatrice du style « pipi caca ». Kang Bin, professeur à l’Université des minorités du Sud- ouest se veut mesuré dans une interview à Yicai : « Tous ses poèmes ne sont pas que du “pipi caca”, elle a écrit d’autres textes non sans finesse et élégance »... avant de reconnaître que Jia Qianqian, loin d’être un génie, manque peut-être d’originalité et d’innovation dans son écriture. 

Une polémique pas que littéraire 

Le 17 août, l’Association nationale des écrivains chinois publie la liste des nouveaux membres candidats. Y figure Jia Qianqian ce qui déplaît à beaucoup et l'ancienne polémique refait surface. Certains y ont vu une affaire de piston : le père occupe encore le poste de vice-président de l’antenne provinciale du Shaanxi de l'Association. L’Association nationale des écrivains chinois (ou zuoxie en abrégé), est une organisation hybride et unique dans son genre : si les membres écrivains ne sont pas rémunérés, ils ont accès à des subventions et jouissent d'une reconnaissance sociale auprès du public. Certains administrateurs de l'Association sont presque considérés comme des fonctionnaires d'État. Pour beaucoup de Chinois, la zuoxie incarne ainsi le système, le pouvoir informel. « Des privilégiés, des fils ou filles de qui s'introduisent avec facilité dans les services publics et le système, peuvent irriter de jeunes aspirants, qui lancent alors ce genre de polémiques pour exprimer leur sentiment d'injustice ou d’angoisse », explique Kang Bin. Une analyse lucide à l’heure où en Chine, le ralentissement économique suscite chez nombre de jeunes Chinois un engouement pour les concours publics et les emplois stables dans l’administration... 

Photo : DR.


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