La mythique cordillère du Kunlun à l'origine de la civilisation chinoise ?

1665651249492 China News Pan Yujie

La cordillère du Kunlun, qui traverse la partie occidentale de la Chine, est connue sous le nom d'« ancêtre des dix mille montagnes », faisant non seulement référence à sa hauteur naturelle, mais aussi au point d'ancrage de la culture spirituelle orientale. La mythologie autour du Kunlun peut être considérée comme le bloc principal de la mythologie classique chinoise. Elle représente la source de la civilisation orientale, tout comme la mythologie grecque incarne l'origine de la civilisation occidentale. 

Comment les mythes reflètent-ils les similitudes et les différences entre les cultures orientale et occidentale ? Quelles sont les qualités spirituelles de la nation chinoise reflétées dans le mythique Kunlun ? Quelles implications a-t-il sur le renouveau et sur l'existence moderne de la civilisation chinoise ? China News a récemment interviewé E Chongrong, directeur et chercheur de l'Institut sur les questions ethniques et religieuses de l'Académie des sciences sociales du Qinghai, pour répondre à ces multiples questions. 

Quelles sont les caractéristiques de la mythologie du Kunlun ? Comment comprendre son influence ? 

Les mythes imprègnent les expériences et les sentiments de l'enfance de l'humanité, préservent de manière vivante la cosmologie, les attitudes et la vie des ancêtres et reflètent le caractère spirituel, la façon de penser et l'esprit de survie des différents groupes ethniques. 

La cordillère du Kunlun, connue sous le nom d'« ancêtre des dix mille montagnes », traverse la partie occidentale de la Chine et constitue le système montagneux le plus élevé et le plus étendu au monde. Elle est à égalité avec le mont Olympe, dans lequel vivent des centaines de
 dieux grecs. La mythologie autour du Kunlun et la mythologie grecque représentent respectivement les sources des civilisations orientale et occidentale. 

Historiquement, les mythes autour du Kunlun n'étaient pas seulement connus des Chinois, ils se sont également répandus dans d'autres parties de l'Asie où ils ont continué d'évoluer. Par exemple, pendant les dynasties Wei, Jin et Tang, la mythologie du Kunlun représentée par le Mont Kunlun et le Lac de Jade et la culture bouddhiste indienne se sont répandues et ont fusionné. L'image de la Reine-mère de l'Ouest a été introduite dans l'empire parthe (l'actuelle partie nord-est du plateau iranien) dès la dynastie des Han. Assimilée à la déesse de la lune à Babylone (l'actuel Irak), elle est toujours vénérée par les populations d'Asie centrale et d'Asie du Sud-Est. 

En plus de la Reine-mère de l'Ouest et du Lac de Jade, la mythologie du Kunlun réunit divers récits, tels que Pangu séparant le ciel et la terre, Nuwa réparant le ciel, Kuafu pourchassant le soleil et Chang'e s'envolant vers la lune, tous emplis de la volonté d'explorer la nature et de l'abnégation orientales. Devenu un symbole culturel mobile, le Kunlun est la ville natale spirituelle commune aux descendants de Yandi et Huangdi en Chine et à l'étranger et un lien de connexion mutuelle. Chaque année, la cérémonie rituelle qui se tient au pied du mont Yuzhu dans la cordillère du Kunlun attire des gens du monde entier, réunis pour retrouver leurs ancêtres, vénérer et admirer Kunlun. 

Comment les mythes reflètent-ils les similitudes et les différences entre les cultures orientale et occidentale ? 

Il existe, par exemple, des mythes liés aux inondations, en Orient comme en Occident. Dans la mythologie du Kunlun, on retrouve le mythe de Gun et Yu contrôlant le déluge. Gun était le père de Yu le Grand. Selon la légende, il a utilisé le Xirang (une sorte de sol divin, une terre proliférante, qui peut pousser par elle-même) pour construire des digues, mais cela n'a pas arrêté le désastre des inondations. Yu le Grand a alors changé de méthode, a opté pour le dragage des eaux et a finalement réussi là où son père avait échoué. En Occident, Noé s'est appuyé sur la révélation de Dieu et a utilisé l'arche pour échapper au déluge que Dieu avait envoyé aux hommes.

Le récit du contrôle des eaux par le père et le fils, explorant la méthode du blocage des eaux puis celle du dragage, représente les adaptations, les améliorations et les progrès continus. On peut y déceler les notions de « dimension intérieure de la sainteté » neisheng et de « dimension extérieure de la royauté » waiwang, poursuivies par le peuple chinois, à travers la pratique et l'apprentissage, dans le but d'atteindre le summum de la culture morale personnelle, c'est-à-dire la « sainteté intérieure » ; tandis que l'Occident tend vers la notion de péché originel, qui considère que le comportement humain doit être régulé par une punition externe. 

Qu'il s'agisse de Gun et Yu contrôlant le déluge en Chine ou de Prométhée volant le feu dans la mythologie grecque, ces personnages mythiques se sacrifient tous pour le bien des autres, avec compassion pour les gens ordinaires. Que ce soit en Orient ou en Occident, les vicissitudes de la vie rencontrées par les hommes pendant de longues années, la conscience humaine respectueuse de la vie et la beauté de la nature humaine sont communes. 

Comment le mythe du Kunlun se rapporte-t-il aux mythes d'autres parties de la Chine ? 

Il est généralement répandu dans le milieu universitaire que Kunlun, Penglai et les Chants de Chu constituent les trois systèmes mythologiques chinois. Le professeur Zhao Zongfu, ancien doyen de l'Académie des sciences sociales du Qinghai, après une étude systématique de la structure de la mythologie du Kunlun, a proposé que celle-ci soit considérée comme le corps principal de la mythologie classique chinoise. Selon des historiens tels que Gu Jiegang et Jian Bozan, les mythologies de Penglai et des Chants de Chu ont été influencées par la mythologie du Kunlun, ce phénomène pouvant être lié à la migration du peuple Qiang dans l'histoire. 

Le peuple Qiang est réparti dans les régions actuelles du Gansu et du Qinghai. Selon les chercheurs, avant les dynasties Qin et Han, les Qiang continuaient à se rendre dans les plaines centrales et à s'intégrer au peuple Huaxia. Au cours de la période des Printemps et Automnes, dans les Discours de Zhou (Discours des Royaumes), il est dit que : « Qi, Xu, Shen, et Lu viennent des Jiang », c'est-à-dire que ces quatre pays sont tous issus du peuple Qiang et portent le nom de famille Jiang. Avec la montée de la dynastie Qin, certains Qiangs ont été forcés de migrer dans la région éloignée du Xinjiang et dans la région du sud-ouest. 

Selon les scientifiques, plus d'un tiers des cinquante-six groupes ethniques, y compris l'ethnie Han, est inextricablement lié aux anciens Qiangs qui vivaient autrefois dans la région du Gansu-Qinghai. La mythologie du Kunlun, née du sommet des montagnes enneigées du plateau Qinghai-Tibet, a rayonné et incité tous les groupes ethniques, pendant des milliers d'années, à imaginer et ancrer le Mont Kunlun et le Lac de jade dans leur cœur. 

En témoignent les vers de Qu Yuan dans Li sao (« J'ai voyagé avec Chonghua jusqu'au Jardin de Jade. J'ai escaladé le mont Kunlun et dégusté les délices de jade »), le mont Kailash, sommet principal de la chaîne de montagnes Gangdise au Tibet et le lac Manasarovar au pied des montagnes, chers aux yeux des croyants bouddhistes tibétains et également les légendes autour des migrations d'origine ethnique, marquées par l'empreinte du « Kunlun », transmises jusqu'à nos jours par des minorités ethniques du sud-ouest telles que les Yi, Pumi, Naxi et Jingpo. 

Symbole de la culture mère et des racines de la nation chinoise, la culture du Kunlun a été, depuis les temps anciens, le témoin des mouvements de populations, mixités, liens de sang, de l'unité dans la pluralité, caractéristiques de la grande famille de la nation chinoise. 

Photo © Xinhua

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