Tianshui, dans la province du Gansu, est le berceau du clan et de la culture de Fuxi, ainsi que le lieu sacré où les Chinois du monde entier recherchent leurs racines et vénèrent leurs ancêtres.

Pourquoi Fuxi est-il devenu un lien spirituel entre les Chinois ? Comment décrypter les symboles des mythes et légendes de Fuxi en termes de connotations spirituelles nationales ? Quels enseignements faut-il en tirer pour ranimer la nation chinoise d’aujourd’hui et développer la civilisation chinoise ? Yong Jichun, professeur à l’Institut d’histoire et de culture de l’École normale de Tianshui et directeur du Centre de recherches sur la culture de Longyou, base de recherche clé en sciences humaines et sociales de la province du Gansu, a récemment accordé une interview exclusive à China News, à qui il fait part de son interprétation poussée.

La ville de Fuxi, à Tianshui © Wikimedia Commons

Comment le mythe et la légende de Fuxi sont-ils nés et comment ont-ils évolué ? Comment se sont-ils répandus et quelle est leur portée géographique ?

L’histoire veut que la mère de Fuxi appartenait au clan Huaxu. Un jour, elle vit une empreinte gigantesque dans la tourbière du Tonnerre et s’amusa à la mesurer avec son pied. C’est ainsi qu’elle conçut Fuxi, qui naquit la douzième année du calendrier lunaire, à Chengji. Il s’agit de l’actuelle ville de Tianshui, dans le comté de Qin’an, province du Gansu. Il y subsiste de nombreuses reliques et légendes sur Fuxi, sa sœur et son épouse Nüwa et leur clan, dont le mont Guatai, la grotte Longma, le temple Nuwa, Fengtai, Fenggu et Fengying, pour ne citer qu’eux.

Depuis la période des Printemps et Automnes et des Royaumes combattants, le statut unique et les contributions extraordinaires de Fuxi et Nüwa ont nourri les traditions orales et les documents historiques. Ils ont été loués, célébrés et adorés. Ils ont été l’objet de croyances et l’incarnation des origines retrouvées. Les sages, les philosophes, et même la classe dirigeante, se sont appuyés sur les exploits et les créations culturelles de Fuxi et de Nüwa et les ont réinterprétés et développés. Dès lors, la transmission du folklore, le culte des croyances et les coutumes populaires ont progressivement conduit à la formation d’une culture de Fuxi, profondément riche et spectaculaire.

Au fur et à mesure que le clan de Fuxi s’est renforcé et déplacé, il a pris la direction de l’est, vers les Plaines centrales, établissant sa capitale à Chen (l’actuelle Huaiyang, dans la province du Henan), répandant ses descendants dans tout le bassin du Fleuve jaune. Au cours de sa migration, le clan de Fuxi a également fusionné avec d’autres tribus, augmentant la taille de sa population et accroissant son rayonnement. Il s’est développé vers le nord, dans l’actuelle région du plateau de Mongolie-Intérieure, vers le sud, dans le bassin du Yangtsé, puis vers le plateau du Yunnan et du Guizhou, dans le sud-ouest.

Fuxi est ainsi devenu l’ancêtre des Mongols, des Mandchous, des Miao, des Yao, des Yi, des Tibétains, des Zhuang, des Li et de nombreux autres groupes ethniques. À un moment donné, certains chercheurs ont pensé que la légende de Fuxi et de Nüwa était née dans la région du sud-ouest, mais il s’agit d’une question d’origine suivie de flux culturels, qu’on ne peut inverser. Ce qui est certain, c’est que Fuxi était reconnu par la plupart des groupes ethniques dès les prémisses du monde antique.

La cérémonie sacrificielle en l’honneur de Fuxi qui se tient à Tianshui, dans le Gansu, est également une tradition qui se perpétue de longue date. Depuis 2005, elle est organisée par le gouvernement populaire de la province du Gansu le 22 juin de chaque année. Cette année, pour la première fois, les autorités du Gansu ont rassemblé les « représentants des 56 groupes ethniques », démontrant une fois de plus que Fuxi est un ancêtre commun, vénéré par toute la nation chinoise.

De quelles manières les créations culturelles du clan de Fuxi se manifestent-elles ? Pourquoi les Chinois sont-ils des « héritiers du dragon » ?

En tant qu’ancêtres du peuple chinois, Fuxi et son clan ont apporté de nombreuses contributions culturelles fondamentales dès le début de la civilisation. Nous leur devons, entre autres, les huit trigrammes, la création des mots gravés, le tissage des filets de pêche, le feu, l’élevage des animaux sacrificiels, l’élaboration du calendrier avec les troncs célestes, l’instauration du mariage, la création des musiques rituelles, la fabrication des neuf aiguilles d’acupuncture, la pratique de la divination avec des tiges d’achillée, la mise en place des neuf organes administratifs et la fonction officielle du dragon. Ces inventions recouvrent de nombreux aspects de la culture matérielle, des domaines importants de la vie spirituelle et sociale et les débuts de la culture institutionnelle.

Le fait que Fuxi et Nüwa aient eu des têtes humaines et des corps de serpents suggère que le clan de Fuxi primitif avait le serpent comme animal totem. En migrant et en se mêlant à d’autres tribus, il a intégré progressivement certains de leurs totems, formant ainsi un dragon totémique, combinaison de multiples totems, doté d’un corps de serpent, d’oreilles de bœuf, de dents de cheval, de bois de cerf, d’antennes de crevette, d’écailles de poisson, d’un nez de lion et de griffes de tigre.

Le dragon totémique est la combinaison d’un serpent biologique et d’un dragon virtuel. Il s’agit d’un exemple caractéristique de l’ancien culte totémique du clan de Fuxi, qui a conquis et fusionné avec diverses tribus pour devenir une puissante civilisation. Cela reflète la quête spirituelle du clan de Fuxi et la valeur de la recherche d’un terrain d’entente tout en préservant les différences, la beauté et l’harmonie.

Depuis des milliers d’années, le culte du totem du dragon et les pratiques culturelles liées au dragon se sont transmis de génération en génération et se sont enracinés dans le cœur et l’esprit des Chinois, qui sont tous, de ce fait, des « héritiers du dragon ». Le dragon a été sublimé en une identité culturelle, un lien émotionnel et un symbole spirituel de la nation chinoise.

Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn.

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