100 ans de l'animation chinoise, en quête perpétuelle d’identité

1671532853603 China News Li Jing

Retour sur les 100 ans de l’animation chinoise, tiraillée entre la conservation de l’héritage et la tentation d’imiter les blockbusters étrangers. 

Qui suis-je vraiment ? C’est la question que se posent, en 100 ans, des générations d’animateurs chinois. Une question existentielle, car de la gloire à la désillusion, le dessin animé chinois, qui a vécu des hauts et des bas, est en quête perpétuelle d’identité. Pourtant, en 1936, Wan Guchan, pionnier de l’anime chinois, avait tranché : « il faut que l’anime chinois soit ancré dans les traditions et la culture chinoises pour qu’il puisse prendre de l’élan ». Hélas, la transmission de l’héritage, aussi précieux que fragile, est en demi-teinte, sur fond de mondialisation, tant économique que culturelle. Mais depuis quelques années, réconforté par de jeunes talents ambitieux et créatifs, ainsi qu’une politique culturelle volontariste, l'animation chinoise semble regagner peu à peu sa réputation d’animation de qualité auprès du public.

Exposition à Shanghai - 2020

La Princesse à l'éventail de fer, premier film d’animation chinois

En 1922, à Shanghai, dans un studio de sept mètres carrés, les frères Wan - Wan Laiming, Wan Guchan, Wan Chaochen et Wan Dihuan -, ont créé le premier clip d’animation, à caractère publicitaire, La machine à écrire de Shu Zhendong, avant de sortir quatre ans plus tard le premier court métrage fantastique Uproar in the Studio. En pleine guerre sino-japonaise dans les années 1930, les Wan n'ont pas manqué de créer des œuvres réalistes, telles que Réveillez-vous, mes concitoyens, pour motiver leurs compatriotes dans la lutte contre l’invasion japonaise. Pour Wan Laiming, le réalisme est inscrit dans l’ADN de l’anime chinois. 

Inspirés par le film d’animation La Blanche neige, produit par Disney, les quatre frères se consacrent à la création de La Princesse à l'éventail de fer, premier long-métrage d’animation chinois. La Chine était à l’avant-garde de la création artistique en dessins animés. Sorti en 1942, le film a eu un immense succès à Shanghai, avant de susciter l’enthousiasme dans toute l’Asie. Le jeune Japonais Osamu Tezuka, marqué par le film, voue depuis une véritable passion pour l’anime. C'est lui qui a créé, des années plus tard, Astro, personnage culte de l'anime japonais mondialement connu. En 1981, le père fondateur du dessin animé japonais a rencontré, à Shanghai, son idole Wan Laiming, en lui confiant : « C’est grâce à votre film que je suis devenu animateur. »

Le courant chinois

Les Têtards à la recherche de leur maman. DR.

Fondé en 1957, le Studio de film d’animation de Shanghai, où avaient officié les frères Wan, a inventé son propre langage visuel, entre héritage de la culture traditionnelle chinoise et l’insatiable envie d’innover. En témoignent les dessins animés créés dans les années 1960 comme Le général fier, Le stylo magique, Le cochon Bajie mange la pastèque ou encore Les Têtards à la recherche de leur maman. Le Roi singe, dont la première partie est sortie en 1961, marque l'apogée de l’animation chinoise. Les animateurs ont puisé leur inspiration dans différentes formes artistiques. Si le décor s’inspire de la peinture tibétaine, connue pour son intensité chromatique, il fait également référence aux tableaux mexicains, les mouvements des personnages empruntant sans doute le style de l’opéra chinois. Le film dresse le portrait de Sun Wukong, alias le Roi singe, marqué par l’esprit de la révolte et la quête de liberté. Une réussite critique et populaire, au-delà même des frontières chinoises. Car sélectionné par le Festival international de Londres en 1978, le long-métrage remporte le prix du meilleur film, avant d’être diffusé dans des dizaines de pays. 

L’autre film culte revient sans doute à La légende d’un livre volé, sorti en 1983, qui, avec le sens du détail, n’hésite pas à rendre hommage à l’esthétique à la chinoise, entre l’opéra de Pékin, la peinture shanshui, ou encore la porcelaine. Le fruit d’un long processus d’exploration dans laquelle les artistes s’approprient les savoir-faire étrangers pour en créer leur propre style, autrement dit, le courant chinois.

Inspiré par Les Têtards à la recherche de leur maman, anime peint à l'encre de Chine, Hayao Miyazaki, géant de l'animation japonaise, prend soin de laisser toujours des respirations dans ses créations, témoignant du rayonnement du courant chinois sur la scène internationale.

Du déclin au renouveau

Dans les années 1980, en pleine réformes d’économie et d’ouverture, la Chine importe massivement les dessins animés japonais, américains ou européens. Selon une enquête menée par l’Académie chinoise des sciences sociales, en 1991, 66,7 % des dessins animés diffusés à Pékin proviennent de l’étranger, notamment des États-Unis. Les personnages cultes comme Ikkyū-san, Popeye et Doraemon ont accompagné une génération de Chinois nés à cette époque. Dans le même temps, l’ancien fleuron de la production des animes d’auteurs devenait au fur et à mesure un pays sous-traitant au service des grands studios étrangers. De jeunes aspirants, au lieu de se consacrer à la création artistique, ont préféré bifurquer vers la sous-traitance pour un salaire plus avantageux. Le Studio de film d’animation de Shanghai a sorti en 1999 son dernier film Lotus Lantern, avant de tomber dans l'oubli, symbolisant la fin d’une époque révolue. 

Néanmoins, le succès phénoménal, aussi critique que commercial de Monkey King : Hero Is Back en 2015 a apporté une bouffée d’oxygène dans l’industrie de l’animation chinoise. Le dessin animé renaîtra-t-il de ses cendres ? Nombreux sont les médias locaux qui s'interrogent sur l’avenir de l’ancien joyau culturel chinois. Ce qui est certain, c’est que le grand public nourrit un intérêt sans précédent pour les animés chinois. En témoigne le succès au box-office du film d’animation Ne Zha, sorti en 2019, qui a récolté cinq milliards de yuans en salle. 

Si le courant chinois s’est brûlé les ailes, les jeunes professionnels d’aujourd’hui, nourris par les technologies et le multiculturalisme, tâtonnent pour se forger leur propre style. Un nouveau point de départ et un défi de taille.

Ne Zha, sorti en 2019. DR.

Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn.


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