Les tribulations chinoises d’ESO, le boys-band parodique du groupe EXO

1672316916700 Chine-info Hu Wenyan

ESO, groupe sosie du boys-band sud-coréo-chinois EXO, a fait la une dans l’empire du Milieu et n’a pas manqué de susciter une série de polémiques. Imitation burlesque ou concurrence déloyale ?

Dans le secteur du showbiz chinois plutôt terne ces derniers temps, ESO, le boys-band auto déclaré basé à Changsha, a pourtant réussi à percer, pour le meilleur et pour le pire. Ses activités, y compris les polémiques qu’il a suscitées, se sont retrouvées récemment en tête des recherches sur le réseau social Weibo, considéré comme le baromètre de l’opinion publique chinoise.

ESO est un groupe chinois composé de plusieurs influenceurs sur Douyin, le « TikTok chinois » et qui imite le célèbre boys-band sud-coréen EXO. Les membres d’ESO cherchent à ressembler à certains anciens membres d’EXO et d’autres célèbres idoles chinoises, telles que Lu Han, Huang Zitao ou Wang Yibo. De plus, ils adoptent également des noms d’artistes ressemblant à ceux des membres d’EXO, à une syllabe près, créant souvent des effets comiques.   

Lu Han (gauche), ancien membre d'EXO et son sosie Lu Ha (droite), Ling Dale de son vrai nom

« À contresens de la valeur du travail et de la méritocratie »

Sur Douyin, ils comptent des centaines de milliers d'abonnés et tentent de gagner leur vie en collectant les Cadeaux Live sur la plateforme numérique. Cet été, ils ont même signé leur soi-disant première chanson du groupe, et donné un spectacle, un brin artisanal, en pleine rue de Changsha, attirant tout de même des milliers de passants. Jusqu’ici, une vie d’influenceurs presque normale, d’ailleurs à l’image des utilisateurs zélés de Douyin qui tentent d’attirer, par tous les moyens, l’attention du public.

Ils se voient propulsés sur le devant de la scène médiatique, au moment où Yang Di, célèbre animateur de télé, acteur et ancien imitateur de star, a pesté en août dernier contre la présence des membres d’ESO lors d’une émission télévisée. Visiblement, la rencontre entre les fausses idoles et une vraie star a créé un choc. Pour Yang Di, « c’est un groupe copieur, à contresens de la valeur du travail et de la méritocratie ». Même la célèbre agence d’information China News a pointé du doigt ce phénomène, suggérant que ces influenceurs imitateurs, qui ont créé la confusion entre des enseignes commerciales, auraient commis le délit d’une concurrence déloyale.

« Performance artistique »

Imitation burlesque ou concurrence déloyale ? Si l'ambiguïté existe, les soutiens à ESO fusent pourtant sur la Toile. Pour les uns, « ESO est pas mal. Car on s’est bien amusé avec eux pendant au moins une minute », pour d’autres, « c’est de la performance artistique, qui cherche à se moquer du secteur de showbiz. » Un internaute voit même chez ESO un marqueur de la pauvreté de l’industrie culturelle chinoise, qui, en l’absence de groupes de musique de qualité ou d’émissions de qualité, permet à une “contrefaçon” de percer, critique d’un phénomène social chinois où le “divertissement tue le divertissement”. 

Côté EXO, aucun membre n’a réagi à cette nouvelle, sans doute parce qu’ils ne partagent pas le même public et une intervention de leur part contribuerait davantage à la médiatisation de leurs sosies.

Pour le média chinois Critique de l’industrie culturelle, les consommateurs d’ESO se divisent en trois catégories : les internautes ayant le goût de la laideur et de l’étrange, les personnes cherchant à se divertir ou encore le grand public de plus en plus déçu par des vraies idoles et la culture des fans très conflictuelle. Dans ce sens, le phénomène ESO ne serait peut-être qu’un reflet numérique de la « Chine d’en bas », un marché de niche affectionné par Douyin pour concurrencer Kuaishou, l’autre plateforme de vidéos courtes chinoise.

« Je voudrais mener une vie meilleure »

Sous la pression médiatique, ESO a fini par se dissoudre, mais certains membres ont plus tard formé le groupe EMO…, terme utilisé sur internet pour désigner une humeur morose. Lu Ha (Ling Dale de son vrai nom), sosie de Lu Han, ancien membre d’EXO, s'est défendu sur Weibo : « Je voudrais mener une vie meilleure. C'est tout. Je n'ai jamais trompé personne en prétendant être quelqu’un d’autre. »

Né en 2000 dans un petit village à Jiangxi, ce fils de travailleurs migrants a enchaîné des petits boulots avant de devenir streameur en ligne. Son imitation hilarante de Lu Han lui a fait gagner des milliers d’abonnés et de fans. Il a reconnu avoir pris un raccourci pour éviter de reproduire le même schéma professionnel de ses parents. « Un petit vilain canard comme moi nourrit également le rêve de devenir un beau cygne », confie le jeune homme, non sans émotion.

Photos : DR.

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