
« Septet : The Story of Hong Kong », ode au cinéma hongkongais
C'est un projet de longue haleine. Initié en 2015, Septet : The Story of Hong Kong, film collectif à sketches regroupant sept court-métrages réalisés respectivement par sept réalisateurs hongkongais, est sorti en salle, cet été, en Chine continentale.
Sélectionné par plusieurs festivals internationaux, le film offre une belle occasion de témoigner de la complicité et de la solidarité entretenues par une génération de cinéastes hongkongais. D’autant que fin 2018, Ringo Lam, un des sept réalisateurs, est mort subitement, son sketch Astray devenant malheureusement son œuvre posthume.
Les sept réalisateurs, issus de différents
mouvements ou genres, entre films d'action, la Nouvelle vague du cinéma
hongkongais ou films de gangster, ont choisi de filmer en pellicule, retraçant
les sept dernières décennies de la ville portuaire. Pour Johnnie To,
producteur, initiateur et un des sept réalisateurs du film, c’est avant tout
une œuvre qui rend hommage à la mémoire collective sur Hongkong.
« Astray », œuvre posthume de Ringo Lam
Pellicule : symbole de l’âge d’or du cinéma hongkongais
L’année 2010 marque un tournant dans la vie de cinéaste de Johnnie To car c’est l’année où il a arrêté de filmer en pellicule. Nostalgique, le réalisateur de 67 ans, connu notamment pour ses films d'action, avait voulu filmer de nouveau, peut-être pour la dernière fois de sa vie, en pellicule, pour rendre hommage à ce format cinématographique, marqueur de l’âge d’or du cinéma hongkongais. Ainsi il a fait part de son projet à ses confrères qui ont accepté volontiers la proposition.
Mais à Hongkong, il n'existait plus aucun magasin vendant des pellicules. Il a toutefois réussi à en glaner à Bangkok et à Taipei. Ensuite, John Woo, suite à un problème de santé, a dû prendre congé. Le film, initialement intitulé Huit et demi (hommage rendu au cinéaste italien Federico Fellini), devient ainsi Septet, un film rassemblant sept histoires hongkongaises qui ont lieu tous les dix ans depuis les années 1950.
Yuen Woo-ping (Homecoming) et Sammo Hung (Exercise), à la fois réalisateurs et chorégraphes d’art martiaux, ont façonné le cinéma hongkongais des années 1970, faisant au passage de Bruce Lee et Jackie Chan de grandes stars internationales. S'ensuivait la Nouvelle vague du cinéma hongkongais avec l'émergence de jeunes talents ayant fait leurs études à l'étranger, parmi lesquels Ann Hui (Headmaster), Tsui Hark (Conversation in Depth) et Patrick Tam (Tender is the Night). Quant à Johnnie To (Bonanza) et Ringo Lam (Astray), ils ont brillé sur la scène cinématographique hongkongaise par leurs films de gangsters.
« Conversation in Depth » de Tsui Hark
De Hongkong à Pékin
Depuis l'entrée en vigueur, en 2004, de l'Accord de rapprochement économique entre la Chine continentale et Hongkong, nombreux cinéastes hongkongais, tels que Peter Chan, Tsui Hark ou encore Andrew Lau, ont aussitôt choisi de « monter dans le Nord », ou beishang, pour conquérir le marché de la Chine continentale, en tissant des collaborations avec des producteurs locaux. Johnnie To a tardé à suivre la vague, dû à son « très mauvais niveau de mandarin » selon ses mots. Il faudra attendre l’année 2011, où il a sorti la comédie Don't Go Breaking My Heart, le fruit d'un travail de collaboration avec les équipes de la Chine continentale et de Hongkong. Alors que Tsui Hark et Andrew Lau se sont bien intégré dans le système cinématographique chinois, en allant jusqu'à participer à la réalisation de films patriotes comme La Bataille du lac Changjin et Le Pilote chinois, Johnnie To a replacé depuis 2016 le centre de gravité de sa vie d'artiste dans sa ville natale.
Pour le chercheur en cinéma Xie Feng, à travers ses œuvres, Johnnie To porte toujours un regard critique sur la société et l'époque dans laquelle il vit. Election, un de ses films cultes sur les gangsters, traite en effet du sujet existentiel « d'où venons-nous et où allons-nous ». Ce sont également les deux questions qu'il s'est posé à plusieurs reprises sur sa vie de cinéaste. En 1993, il a réalisé deux films avec la star Stephen Chow, qui aimait imposer ses préférences du lieu de tournage. Découragé, Johnnie To a pris une pause durant un an, avant de fonder, avec le producteur et scénariste Wai Ka-fai, sa propre société de production Milkyway Image. Il voulait réaliser des films d'auteurs sur un marché dominé par les blockbusters commerciaux. Un pari plutôt réussi : alors que le cinéma hongkongais est en déclin dans les années 1990, face à l'importation massive des films hollywoodiens, Milkyway Image a produit de nombreux films à grand succès, tels que Too Many Ways To Be No. 1, The Longest Nite, Expect the Unexpected...
« Bonanza » réalisé par Johnnie To
Le renouveau du cinéma hongkongais
Connu pour son franc-parler, Johnnie To ne cache jamais sa déception et son mécontentement à l'encontre du Hong Kong Film Awards, en s’abstenant d’y participer durant les deux dernières décennies. Mais il n’a jamais coupé les ponts avec l’univers du cinéma hongkongais, au contraire, il tisse, à sa façon, des liens avec des cinéastes de générations différentes. En témoignent la sortie du film Septet : The Story of Hong Kong, ou encore l’organisation du Prix Court Métrage de la Fraîche Vague, qui a fait émerger, au cours des dix dernières années, une dizaine de jeunes réalisateurs dont trois ont réalisé, en 2016, le film multi-primé Trivisa, produit par Johnnie To.
Une nouvelle génération de cinéastes brille dans le paysage artistique hongkongais. Leurs films comme Hand Rolled Cigarette ou Drifting, ont tous eu un grand succès, à la fois critique et public. « Les jeunes d’aujourd’hui portent souvent un intérêt particulier aux sujets sociaux et réalistes, c’est-à-dire, tout ce qui touche à leur quotidien. Mais à l’autre époque, Tsui Hark, Sammo Hung et Yuen Woo-ping étaient capables d'inventer et de créer un monde parallèle à partir de rien », juge Johnnie To, un brin nostalgique. Dans le même temps, il sait très bien que l’époque est révolue : le cinéma hongkongais, au lieu de compter, comme dans le passé, sur les marchés de la Chine continentale, de l’île de Taïwan ou encore des pays de l’Asie du Sud-Est, ne peut que se tourner vers son marché intérieur.
À l’ère numérique, la pellicule étant devenue une sorte d'antiquité à, on ne trouve aujourd’hui presque aucun cinéma capable de diffuser un film en pellicule. Ironie du sort, Septet : The Story of Hong Kong, film tourné en pellicule pour rendre hommage au cinéma en pellicule, a fini par être diffusé par des projecteurs numériques.
Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn.
Photos © Douban
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